2014-2020 Vers un nouveau désastre causé par l’absorption des fonds européens ? (Deuxième partie)

, par Grațian Mihăilescu, traduit par Andreea Tonea

2014-2020 Vers un nouveau désastre causé par l'absorption des fonds européens ? (Deuxième partie)
CC BY 2.0 ell brown

L’analyse actuelle tire la sonnette d’alarme sur la situation dangereuse dans laquelle se trouve la Roumanie en vue du prochain budget pour la période 2014-2020.

La première partie de cet article abordait les mises en garde formulées par la Commission européenne concernant le blocage de certains Programmes opérationnels (PO), à savoir le Programme opérationnel sectoriel pour le Transport (POST) et le Programme opérationnel sectoriel pour l’augmentation de la compétitivité économique (POSCCE), et ce, peu de temps après le déblocage des fonds pour Bucarest. Cette partie abordait également le manque de lobbying à Bruxelles et l’absorption insuffisante des fonds européens, liée à une perte de visibilité de la Roumanie dans la capitale de l’Europe. La deuxième partie s’intéressera à la régionalisation et au processus de « réforme de l’administration » découlant de la régionalisation. 

Régionalisation et réforme de l’administration

L’administration roumaine, principale bénéficiaire des fonds européens, doit, à son tour, se montrer plus compétente. D’après la page internet du ministère du Développement régional, la régionalisation sera synonyme de réforme de l’administration publique grâce à la simplification de la bureaucratie, avec la devise suivante « services plus proches du citoyen ». Cependant, la Roumanie est depuis toujours confrontée à un double problème, à savoir la gestion de son administration publique et la faible capacité administrative pour attirer des fonds européens. En ce qui concerne l’absorption de fonds européens, on peut dire que la régionalisation ne permettra pas d’améliorer la compétitivité et la qualité de l’administration. Il s’agit d’une réforme creuse. En effet, les structures existantes, à savoir le Conseil local et le Conseil provincial seront maintenues, mais une troisième structure fera son apparition, à savoir le Conseil régional. Il est vrai qu’une partie des fonds sera allouée aux régions (même si on ne sait pas encore exactement quelles régions sont concernées), mais les Ministères de chaque juridiction continueront probablement de superviser l’activité des régions. Dès lors, comment les administrations locale, provinciale, régionale et nationale deviendront-elles plus efficaces ? Quels seront les nouveaux mécanismes mis en place pour stimuler la compétitivité de l’administration publique et pour attirer davantage de fonds européens ? En ce qui concerne les débats publics sur le processus de régionalisation, en tant que participant direct, je peux seulement vous dire qu’il s’agit de simples réunions entre les partis au pouvoir qui traitent les questions administratives des maires ou des présidents des Conseils provinciaux, sans forcément se focaliser sur le processus de régionalisation.

Lors des débats qui ont eu lieu à Timisoara, l’un des participants, Cornelius Berari, expert du processus de développement régional, a formulé une hypothèse hallucinante : un échange entre le Ministère roumain et Eurostat survenu à la suite du processus de consultation en Roumanie, concernant la possibilité d’apporter certaines modifications aux régions NUTS 2 (Nomenclature des unités territoriales statistiques), s’est soldé par une réponse négative. En effet, le nombre et la configuration des unités NUTS 2 (les régions) doivent rester inchangés si la Roumanie ne veut pas encourir de sanctions. La modification de la configuration des régions peut bouleverser tous les efforts de planification et les preuves statistiques des institutions européennes. Dès lors, la régionalisation et tout ce qui a été mis en place ces derniers temps, les « débats » dans le pays et l’activité CONREG (Conseil consultatif pour la régionalisation) de « fondement de la régionalisation », ne sont rien d’autre qu’une campagne de manipulation de l’opinion publique.

Lors des débats concernant la régionalisation qui se sont déroulés à Timișoara, le vice Premier ministre Liviu Dragnea a affirmé que la réforme administrative ne prévoyait pas une réforme des unités administratives et territoriales moins compétentes comme les villages, les communes ou les villes. Dans la même optique, une autre information a attiré mon attention : Aninoasa est la première ville du pays à faire faillite. D’après Adrian Albescu, vice-Maire de la localité, « le taux d’endettement d’Aninoasa avoisine les 150 %. Le montant des dettes, dont un crédit bancaire, s’élève à 5,7 millions de lei (environ 1,28 million d’euros) alors que le budget local pour l’année 2013 a été fixé à 4,2 millions de lei (environ 1 million d’euros). »

Le Président Traian Băsescu a affirmé que le processus de régionalisation serait un échec parce qu’il a été conçu à l’envers, à savoir qu’il part depuis le centre vers les régions et inversement. Il explique : J’aurais élaboré ce processus en me centrant principalement sur les communes. La première chose à faire est de mettre en place un processus de consolidation et de viabilité pour chaque commune pour voir laquelle serait capable de s’auto-financer, ensuite j’aurais repensé l’organisation des autres communes. Le Président ne comprend pas pourquoi la régionalisation fait l’objet de décisions aussi hâtives : La régionalisation va probablement ouvrir de nouveaux postes aux membres des différents partis, ce qui signifie que ces membres cumuleront plusieurs fonctions.

D’après le Business Magazin, « un tiers des communes du pays (l’équivalent de 1 000 unités administratives sur les 2 861 communes du pays) se trouvent au bord de la faillite, et non seulement parce que toutes ces communes ont contracté des crédits et ne peuvent plus les rembourser, mais aussi parce qu’elles n’ont plus aucun revenu ou d’argent pour fonctionner. En fait, certaines communes n’ont même plus assez d’argent pour payer leurs employés. »

D’après un document de politique générale émis par la Société académique roumaine, le nombre d’unités NUTS 1 (municipalités) en Roumanie s’élevait à 3 180, le pays se trouvant au sommet du classement européen aux côtés de la France, de l’Allemagne et de l’Espagne. Cette division administrative a entraîné une diminution de la capacité d’absorption des fonds européens et une montée du clientélisme en faveur des collectivités locales pour les fonds destinés aux investissements du gouvernement. Une étude de l’Institut des politiques publiques (IPP) révèle qu’actuellement, seulement 10 % des localités roumaines ont les moyens de couvrir intégralement, grâce à des recettes propres (impôts et taxes locales), leurs frais de fonctionnement. De plus, toujours d’après l’IPP, dans le système politique et administratif roumain, les localités ont tendance à se montrer dépendantes financièrement des structures et des ressources centrales. Aucun gouvernement ne s’est montré disposé à vouloir minimiser les dépenses publiques en renonçant à transférer l’argent public sur différents comptes opaques.

Dans un précédent article, j’expliquais qu’en Roumanie, les compétences administratives d’un maire, par exemple, n’ont plus tellement d’importance. Ce qui compte maintenant, c’est surtout de savoir si ce maire appartient au parti au pouvoir. La faible compétitivité de l’administration publique locale et régionale, couplée à l’incapacité d’attirer des investissements étrangers et au manque d’infrastructures, mais aussi à la prépondérance de l’activité agricole, sont à l’origine de la faible absorption des fonds européens par la plupart des provinces roumaines (par exemple, Vaslui, Botosani, Teleorman, Caras-Severin) et de la hausse des disparités économiques de 36% au cours des huit dernières années.

En pratique, la régionalisation, telle qu’elle est conçue actuellement, n’apportera pas de changement profond de la compétitivité de l’administration publique. Le seul léger changement apporté par la régionalisation sera la création des Conseils régionaux. La régionalisation ne résoudra probablement pas les principaux problèmes du système comme le besoin en ressources humaines compétitives (les bénéficiaires et l’administration), le besoin d’une réforme administrative et territoriale, le renforcement de la compétitivité de l’administration publique, les besoins réels de développement, ainsi que l’amélioration du système de contrôle et de gestion des fonds européens. Même le recteur de l’École nationale d’études politiques et administratives (la SNSPA) explique que la faible absorption des fonds européens pour la période 2007-2013 n’est pas due à l’absence des régions mais à « l’absence d’une stratégie d’attraction / de mobilisation de toutes les ressources financières et non financières d’une société ; à l’absence d’une formation et de pratiques de gestion de projets dans le secteur public et privé ; et à l’incapacité de maintenir les spécialistes dans l’administration publique ». En outre, j’expliquais, dans mes précédentes analyses, que la législation laxiste, la communication inefficace entre les ministères et les organisations internationales, la politisation et la corruption excessive dans le cadre des fonds européens et la faible représentation de la Roumanie à Bruxelles sont également à l’origine de ces résultats médiocres. Il y a de fortes chances pour que ces facteurs se répètent au cours de la période 2014-2020 et ce, parce que la Commission européenne a déjà montré des signes à cet égard. En effet, elle a émis des avis concernant les procédures d’infraction pour le non-respect des démarches sur les marchés publics dans le cadre du Programme opérationnel sectoriel pour le Transport (POST). Elle a également bloqué les fonds alloués au Programme opérationnel sectoriel pour l’augmentation de la compétitivité économique (POSCCE). En outre, dans une lettre adressée par la Commission au ministère des Fonds européens en mars 2013 : La proposition du gouvernement roumain ne remplit pas encore les conditions minimales de qualité et de fiabilité pour permettre un dialogue informel efficace sur les documents de programmation à venir. Tous ces signaux émanant de Bruxelles peuvent avoir une grande influence sur l’avenir de l’absorption des fonds européens.

Sans document stratégique permettant de négocier les prochains Programmes opérationnels (PO) avec la Commission, sans lobbying intense auprès de Bruxelles, sans projet de régionalisation administrative rendu public (et encore, la régionalisation sera effectuée d’ici la fin de l’année 2013), avec, à l’avenir, une possible clientélisation des « marchés publics » et avec plus de 1000 municipalités au bord de la faillite, la question que nous nous posons, en tant que société civile, est de savoir quelles sont les chances d’améliorer l’absorption des fonds pour 2014 -2020 ?

Note de l’auteur : le présent article a été rédigé avant la décision rendue par la Cour constitutionnelle qui prévoit de proroger pour un certain temps la mise en œuvre de la régionalisation.

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