Sommet européen des 15 et 16 décembre 2005.

Bilan mitigé pour la présidence britannique...

« Ô grand Roi, où est ton trésor ? »

, par Ronan Blaise

Bilan mitigé pour la présidence britannique...

Le 1er juillet dernier commençait la présidence britannique semestrielle du Conseil de l’Union européenne, présidence britannique que d’aucuns annonçaient comme refondatrice. Pareillement, le 23 juin, le premier ministre britannique s’adressait, à Bruxelles, aux eurodéputés dans un « discours-programme » brillant prononcé en ces termes : « Je suis un Européen passionné ». Aujourd’hui, alors que cette présidence britannique touche à sa fin et à l’heure des bilans, qu’en reste-t-il ?

Avec le recul des mois passés, on peut dire que cette présidence trimestrielle britannique avait commencée, en quelque sorte, sur les chapeaux de roues.

En effet, dès l’annonce de la victoire des « Non » français et néerlandais lors des référendums des 29 mai et 1er juin dernier, la diplomatie britannique semblait vouloir prendre à son compte les rênes d’une Union qui semblait, alors, aller à vau-l’eau.

Et déjà, pour commencer, de jeter le traité constitutionnel européen aux orties en annonçant le report sine dié du référendum britannique initialement prévu pour le printemps 2006.

Et ensuite d’annoncer sur tous les toits que la « vieille union » avait décidément bel et bien vécu et qu’il fallait désormais en réformer très profondément non pas les Institutions, mais surtout les politiques.

Et cela : en réorientant les efforts financiers de l’Union vers la recherche et, principalement, vers les nouvelles technologies.

Roule, Britannia ?

Ainsi, déjà, cette tentative de reprise en main britannique allait tout d’abord se traduire, dès le mois de juin, dans les débats du sommet européen de Bruxelles (des 16 et 17 juin 2005), par une charge menée par Tony Blair contre cette « vieille Europe » soit disant ainsi désavouée par les électeurs.

Car l’ambition affichée alors par le « Premier » britannique n’était ni plus ni moins que de réformer en profondeur l’Union. Et ce, non plus par quelque seule réforme structurelle strictement institutionnelle, mais par la mise en place d’une révolution technologique fondé sur la recherche et les nouvelles technologies.

Ainsi, selon le PM britannique, cette révolution technologique ne saurait être mise en place sans une réforme drastique, volontariste et en profondeur d’un budget de l’Union dont l’enveloppe globale, minimaliste, resterait néanmoins scotchée à moins d’1% du RNB communautaire.

Et cela par, entre autres choses, la baisse sensible des budgets consacrés à la « Politique agricole commune », « vache sacrée » d’un exécutif français en délicatesse avec son électorat (et qui crû alors habile de riposter sur la thématique de la « ristourne » britannique...).

Or, la mise sur la table brutale de thématiques ayant déjà fait l’objet de longues négociations entre partenaires européens allait en froisser plus d’uns (français, en tout particulier...).

Et tout ceci allait donc se concrétiser par un blocage complet sur la question du budget communautaire pour l’exercice 2007-2013. Et, depuis lors, l’Union européenne n’a pas de budget...

Dès lors, la principale « mission » octroyée à la présidence britannique était donc moins la réforme des politiques communes que, surtout, la recherche d’un compromis budgétaire enfin acceptable par tous. Or, depuis lors, que s’est-il passé ?

Honni soit qui mal y pense...

Si l’Union (et sa présidence britannique) ont effectivement répondu présent sur le dossier de l’élargissement (à la Turquie et à la Croatie), préparant l’entrée des nouveaux « impétrants » de 2007-2008 (Roumanie et Bulgarie) et en négociant de nouveaux accords de partenariats avec nombre pays des Balkans promis à l’adhésion (Macédoine, Serbie, Bosnie-Herzégovine, etc.), en revanche tout le reste n’en demeure pas moins source d’interrogations et de spéculations pour l’instant encore sans la moindre réponse...

Car, hormis ces élargissements géographiques à n’en plus finir (mais sans véritable réforme institutionnelle adéquate...), le bilan britannique à la tête de l’Union s’annonce en effet bien maigre, pour ne pas dire franchement maigrichon.

Bien sûr, il y a eut la fameuse réunion communautaire informelle d’Hampton Court d’octobre dernier (laquelle a d’ailleurs déjà fait l’objet de quelques articles dans les colonnes de ce webmagazine...). En l’occurence : une réunion de « thérapie de groupe » dont la raison d’être était surtout, principalement, de rapprocher les uns des autres des partenaires européens qui s’étaient -ainsi- ouvertement fâchés en public, en juin dernier.

Pareillement, il y a eut -récemment- les fameux sommets « Euromed » et « UE / Ukraine » de Kiev et Barcelone (de la fin novembre, début décembre derniers...) qui ont parfaitement illustré le manque de considération que certains de nos partenaires « hors union » pouvait avoir pour une Europe qui ne serait finalement pas capable d’alligner ses budgets sur ses beaux discours.

De plus, dans cette dernière ligne droite qui nous mène à Bruxelles, alors que la diplomatie britannique semble enfin s’agiter en toutes parts pour essayer de trouver un compromis budgétaires sans devoir pour autant renoncer à ses privilèges, de nouvelles fort inquiétantes ont commencé à filtrer depuis ses lieux de pouvoirs.

Et de découvrir avec stupéfaction que les Britanniques, refusant encore de tirer un trait sur leur « sacro-sainte ristourne » mais refusant aussi d’engager davantage le fer avec les français sur la question de la PAC, semblaient vraiment, jusqu’à une date encore récente, envisager la présentation d’un budget communautaire négocié au rabais grâce à la suppression d’encore quelques milliards de fonds structurels et - ce - au détriment, principalement, des nouveaux entrants de mai 2004.

Inutile de dire à quel point ces dernières suggestions ont alors soulevé l’indignation des dix nouveaux venus. Du coup, la présidence britannique, sous le feu croisé des critiques venues de toutes parts, faisait alors marche arrière, toutes.

Mais en tout cas, pour lors, de suggestions variées en diverses contre-propositions : point de budget...

A ce jour, il semblerait donc que l’enjeu de ces prochains jours, sinon des prochaines heures, sera bel et bien de savoir si l’Union, sous présidence britannique, est bel et bien encore capable de vivre en « collectif » et de se donner un budget encore capable de financer quelques projets (sinon quelques menues ambitions) en retrouvant ainsi les vertus de l’Union.

Ainsi, un jour, nous relate l’historien latin Quinte-Curce, on demanda au grand roi Alexandre la chose suivante : « Ô, grand Roi, où est ton trésor ? ». Et on rapporte qu’il répondit : « dans les mains de mes amis ».

Et donc, pareillement, à notre tour de demander instamment au premier ministre du Royaume-Uni : « Tony Blair, où est ton trésor ? »(et, durant ton mandat, qu’as-tu donc fait de notre Union ?).

Photo : Conseil de l’Union européenne

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Vos commentaires
  • Le 15 décembre 2005 à 13:10, par vxl En réponse à : Tony, passager clandestin

    On remarquera simplement que ce sont ceux qui se sont fait les promoteurs les plus ardents de l’élargissement massif de 2004 qui sont aujourd’hui les plus réticents à donner à l’Union les moyens financiers de les assumer... en fin de compte on se rend compte que le soutien aux élargissement et le souhait d’affaiblir la dimension politique de l’Union vont de paire.

    On savait que l’élargissement s’était fait sans les réformes institutionnelles nécessaires (à la place on a eu le piteux traite de Nice du tandem Chirac-Jospin), sans débat public ni même information de ce même public... et aujourd’hui sans aucun moyens pour en faire une réussite.

    Bénéficier des avantages de l’Union sans payer le prix : est-ce que cela ne fait pas de Tony Blair un passager clandestin de l’Union européenne, un free rider, qui mérite le châtiment qu’on faisait autrefois subir à ceux-ci : la planche.

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