Avec pour argument l’absence de progrès tangibles dans la lutte contre le crime organisé et la corruption dans ces pays, le veto de la Finlande et des Pays-Bas avait fait voler en éclats les espoirs de ces deux pays balkaniques de faire partie de l’espace Schengen d’ici la fin de l’année 2011. Selon eux, la Bulgarie et la Roumanie, bien qu’ayant rempli les exigences techniques, ne seraient pas des pays fiables pour la sauvegarde des frontières extérieures de l’UE.
« Imaginez une porte verrouillée par huit des meilleurs cadenas du monde. Il suffit que quelqu’un dehors laisse entrer tout le monde, et, là, vous avez un problème. » avait ainsi expliqué le ministre néerlandais de l’immigration et de la politique d’asile, M. Gerd Leers. De même, le ministre de l’intérieur finlandais, Mme. Paivi Rasanen, a ajouté qu’ « il ne suffit pas de s’engager à respecter des règles, il faut les suivre effectivement. L’existence d’une corruption importante menace le respect de ces règles. »
Victimes du « populisme » ?
La présidence polonaise a cherché à convaincre ses pairs de l’UE de parvenir à un compromis. Ce dernier autoriserait l’ouverture des frontières aériennes et maritimes bulgares et roumaines le 31 octobre, tandis qu’une décision sur l’ouverture des frontières terrestres devrait être prise d’ici à juillet 2012. Excepté la Finlande et les Pays-Bas, tous les pays se sont exprimés en faveur de ce compromis.
Le ministre de l’intérieur polonais, M. Jerzy Miller, a également insisté sur le fait que la Bulgarie et la Roumanie avaient rempli toutes les conditions techniques pour intégrer l’espace Schengen, situation confirmée par la Commission Européenne elle-même. Au nom de la présidence polonaise, il a exprimé un discours fort, décrivant ses regrets devant la position adoptée par les Pays-Bas et la Finlande et appelant à la solidarité entre pays dans ces temps difficiles.
Malgré cela, le ministre de l’intérieur néerlandais Gerd Leers a affirmé que son pays ne réviserait pas sa position d’ici au prochain rapport du mécanisme de Coopération et de Vérification. La parution d’un rapport intermédiaire est prévue en février 2012.
La guerre des tulipes
Sofia et Bucarest ont réagi fermement à ce qu’elles perçoivent comme « un injuste isolement ». Ainsi, la Roumanie a bloqué un envoi de fleurs hollandaises à ses frontières, suspectant une mystérieuse bactérie. A Bucarest, des officiels ont précisé que cet évènement était « sans rapport » avec la tentative manquée du pays d’adhérer dans l’espace Schengen. Pour le ministre des affaires étrangères roumain, M. Teodor Baconschi, la position néerlandaise sur Schengen ne fait que démontrer la réalité d’un gouvernement « pris en otage par l’extrême-droite ».
La Bulgarie n’est pas restée silencieuse non plus. Le ministre des affaires étrangères Nickolay Mladenov avait d’ores et déjà averti que si la demande devait être rejetée le jeudi 22 septembre, Sofia opposerait son veto à la réforme des accords de Schengen récemment proposée par la France et l’Italie. Si « une solution raisonnable […] correspondant aux intérêts de toute l’Europe et particulièrement au meilleur intérêt des citoyens Bulgares » était adoptée, Sofia soutiendrait les réformes en cours, avait ainsi affirmé Nickolay Mladenov. « Si, cependant, aucune décision de ce type n’est adoptée, nous devrions reconsidérer toute notre politique jusqu’ici, notamment notre soutien aux réformes de la législation européenne sur Schengen. Car, finalement, les règles sont écrites pour que l’on s’y conforme. » a-t-il insisté.
Un long parcours
Lorsque la Bulgarie et la Roumanie ont rejoint l’UE en 2007, des doutes à propos de leur volonté et de leur besoin de réformes judiciaires ont faits surface. En conséquence, l’UE a établi un mécanisme de Coopération et de Vérification qui contrôlerait leurs progrès dans les domaines du crime organisé et de la corruption et les aiderait à faire face à leurs défauts. En 2010, ce contrôle a été prolongé, son neuvième rapport ayant été délivré en juillet 2011.
L’adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie à l’espace Schengen était prévue initialement en mars 2011. Mais la France et l’Allemagne pressèrent alors la Commission européenne de mettre cette adhésion en attente, dénonçant l’incapacité des deux plus récents membres de l’UE à démontrer de vrais progrès dans la lutte contre le crime organisé et la corruption. En juin 2011, le Conseil des ministres de l’intérieur de l’UE reporta encore leur adhésion au mois de septembre suivant.
Un problème d’équité
Le président de la Commission européenne, Jose Manuel Barroso, arrivé à Sofia le 13 octobre pour participer à une réunion du bureau du Parti populaire européen, a affirmé lors d’une conférence de presse commune avec le premier ministre bulgare Boyko Borisov que la Bulgarie avait rempli toutes les conditions nécessaires à une entrée dans l’espace Schengen.
Selon Barroso, c’est « une affaire de justice que la Bulgarie et les citoyens Bulgares puissent profiter de la liberté de voyager et de tous les bénéfices d’une adhésion à l’espace Schengen ». Il a cependant ajouté que chaque gouvernement avait néanmoins le droit de prendre ses propres décisions.
Un futur toujours incertain…
Le protocole de la dernière réunion du Conseil Européen déclare que la Bulgarie et la Roumanie sont prêtes à entrer dans l’espace Schengen. Cependant l’attention de Bruxelles est désormais concentrée sur les solutions à apporter à la crise financière, et l’adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie à l’espace Schengen n’est donc plus une priorité de l’agenda européen. Le Conseil européen a prévu qu’une décision sur l’entrée de la Bulgarie et de la Roumanie dans l’espace Schengen en mars et juillet prochains serait prise d’ici à la fin de l’année 2012.
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