Carton rouge à la fondation Copernic

Fondation Copernic, ATTAC, LO, LCR, PCF, etc : L’Europe révolu(tionnair)e

, par Fabien Cazenave

Carton rouge à la fondation Copernic

La « Fondation Copernic » est un ’’think tank’’ (i. e : : un club de réflexion) qui existe depuis 1998. S’inscrivant dans la mouvance ’’altermondialiste’’, elle dit se fixer l’objectif de ’’remettre à l’endroit ce que le libéralisme fait fonctionner à l’envers’’, mais développant là une analyse radicalement eurosceptique de la construction européenne.

Cette fondation a - l’an passé - activement participé à la campagne référendaire sur le Traité constitutionnel pour l’Europe (TCE).

Et ce, en alimentant les argumentaires de toutes les associations ou groupes politiques, se situant à « la gauche de la gauche » [1], alors impliqués dans la campagne.

Or ces divers mouvements inscrits à l’extrême-gauche du prisme politique français ont récemment produit, à la mi-juin dernier, un document de synthèse sur l’avenir de l’Union européenne, document intitulé « Une autre Europe ! ».

Quelles sont donc leurs propositions ? Qu’en est-il exactement ?

Le mythe d’une autre Europe

Ce qui est frappant tout au long de ce document, c’est que rien ne peut être amélioré dans l’Union européenne. Ainsi, dans le prolongement du Non au TCE en mai 2005, les auteurs prétendent lutter dans une dictature qui n’est « ni sociale ni démocratique ». Pour cela, deux méthodes sont utilisées.

Tout d’abord, la construction européenne n’aurait rien apporté et n’a pas d’Histoire pouvant expliquer ce qui se passe aujourd’hui. L’Union européenne serait le fruit d’une « conception libérale » qui vise à mettre les peuples en concurrence dans le cadre de la mondialisation capitaliste. Ainsi, ce qui unit aujourd’hui des pays qui se sont fait la guerre pendant des siècles, c’est un outil inventé par le Capitalisme. Dommage qu’il ne nous l’ait pas inventé plus tôt, cela nous aurait évité deux guerres mondiales...

Mais pour être sûr que nous ne puissions y voir une « autre Europe », il ne faut surtout pas nous dire comment nous allons y arriver.

Si nous devons « lutter pour bloquer les offensives libérales », il faut construire une puissante mobilisation [...] se heurtant aux intérêts des classes dominantes en Europe ». Nous y sommes : le « Grand Soir » est la solution. Parce que refuser le dumping social, l’insécurité sociale, nous n’y arriverions pas autrement. L’Europe actuelle est mise de côté. Tout ce qui est cadre légal aussi. Les moyens d’actions ne sont donc pas définissables.

La clé de lecture faussée consciemment

« L’Europe doit répondre à l’urgence sociale ». Elle « doit s’appuyer sur un nouveau modèle de développement ». Toutes les propositions doivent être prises comme des « axes de lutte » en utilisant des « ruptures nationales partielles avec les règles imposées par l’Union ». L’État tout-puissant doit abandonner le « pacte de stabilité qui limitent la capacité d’action des pouvoirs publics ».

Bien sûr, la « rupture est nécessaire », les différents branches du prolétariat (pardon « les peuples ») sont en « concurrence ». Les « forces dominantes » sont les multinationales ou les marchés financiers, suivant le paragraphe dans le document. Il faut aussi le « retrait des troupes d’intervention néo-coloniale des puissances européennes »...

Tout le champ lexical marxiste est présent. Il est donc inutile de chercher à comprendre autrement la construction de l’Europe. Ainsi nous comprenons mieux pourquoi durant la campagne sur le TCE en 2005 la clé de lecture se situait sur une constitution soit-disamment libérale ou non. L’aspect ’’construction politique de l’Europe’’ aurait pu en être une autre, pourtant.

De « nouveaux » outils déjà existant !

Tout cela ne serait qu’une question de point de vue politique, décisif et fondamental pourtant. Cependant, la Fondation Copernic utilise le mensonge.

En effet, quel autre mot employé lors que ce document présente comme nouveau moyen à utiliser pour amener la démocratie au niveau européen ... la subsidiarité ! Merci, cela fait depuis 1957 que cela existe dans l’Union européenne. Le nivau de subsidiarité entre États et Union peut être encore plus poussé et plus clair. Mais il n’est pas à inventer.

Pareillement, autre exemple, poser la création d’uun principe de « non-régression sociale » est un non sens, même appeler différemment car c’est déjà le cas actuellement. Pour ceux qui ne le savent pas, il faut savoir si nous nous mettons dans le cadre de la durée du travail, il faut savoir que si le niveau de temps de travail passé par un salarié a un minimum au niveau européen mais que cela ne veut pas dire que les dirigeants d’entreprise en France peuvent faire travailler leurs employés 50 heures par semaine !

Il faut également instauré une charte des droits fondamentaux. Dommage d’avoir voté contre lors du référendum en 2005, non ? Ré-inventé le droit de pétition, merci bien de l’avoir rejeté alors. Enfin, l’égalité homme-femmme doit être mise en place. Nous conseillons à M. Salesse et ses camarades de lire la « Convention européenne des Droits de l’Homme ».

L’Europe sociale impossible sans l’Europe politique

Ce texte demande de tout changer. « Les traités existants devront être annulés et remplacés ». Tant qu’à faire, il va falloir remplacer les gouvernements « libéraux »... et « sociaux-libéraux ».

La thématique du ce qui n’est pas plus à ma gauche n’est pas de gauche est en place. Sans les « mouvements sociaux, le mouvement altermondialiste, la gauche anti-libérale et anticapitaliste », il n’y aura pas de réelle « nouvelle perspective politique ».

Or, sans la mise en place d’une Europe politique qui soit suffisamment puissante pour ne pas être tributaire de l’accord de tous les États, comment espérer une coordination efficace pour décider de la mise en place d’une politique sociale ? Avoir rejeté l’Union européenne n’est pas la solution pour que dans un contexte mondialisé une réelle politique économique au niveau continental soit mis en place.

Mais admettons que la Fondation Copernic enmène les masses citoyennes avec son texte. Comment fera Attac pour mettre en place la Taxe Tobin avec la LCR ? En effet lorsque celle-ci avait été proposée au Parlement européen, la LCR avait voté contre car cela ralentissait la destruction du capitalisme par lui-même... Depuis 2005, l’Europe est bloquée. Elle n’est pas prête d’avancer avec ce type de contribution.

- Illustration :

Vu le discours crypto-marxiste développé par la fondation Copernic (sous couvert d’altermondialisme de façade...) il nous a semblé que, pour illustrer cet article, l’utilisation de la faucille et du marteau s’imposait...

(Sources : Encyclopédie en ligne wikipédia).

- Avertissement :

Juste préciser que cet article a déjà fait l’objet d’une première publication dans nos colonnes : le 18 octobre dernier.

Notes

[1Comme Attac, la LCR, le PCF, Solidaires, l’Unef, la CGT, certains des militants des Verts, les partisans de Jean-Luc Mélenchon, etc.

Vos commentaires
  • Le 24 juillet 2006 à 01:17, par PJ-BR En réponse à : Carton rouge à la fondation Copernic

    Globalement d’accord avec cet article.

    Une petite erreur cependant. En 2000 les 3 députés LCR se sont abstenus, ils n’ont pas voté contre le texte du Parlement demandant d’entammer une discussion sur la Taxe Tobin. Ils ont laissé se plaisir au député LO. http://france.attac.org/article.php3?id_article=612 LO a déclaré ne pas être là pour aménager le capitalisme, alos que la LCR a expliqué son abstention par le fait que la conclusion de la discussion était incertaine (NB : intéressant, cette façon de n’engager un dialogue que si l’on est déjà tous d’accord)

  • Le 25 juillet 2006 à 22:56, par Valéry-Xavier En réponse à : Le vertige social-nationaliste

    Un titre intéressant à signaler pour les lecteurs du Taurillon et qui a vocation à faire l’objet d’une future chronique : Le vertige social-nationaliste : La gauche du Non et le référendum de 2005 de Dominique Reynié. Il s’agit d’une analyse, par un expert en sciences politiques, du discours dangereux des anti-européens rouge-brun de l’extrême gauche française.

    Présentation de l’éditeur :

    Le 29 mai 2005, les Français rejettent la Constitution européenne. A l’issue d’un débat jugé exemplaire. Faux, affirme Dominique Reynié. La controverse a charrié un populisme massif, largement propagé par la gauche du Non. Documents à l’appui, ce livre décrit un véritable tournant. Des altermondialistes aux dissidents du Parti socialiste, en passant par la Ligue communiste révolutionnaire, des écologistes et le Parti communiste français, la gauche du Non a mobilisé un anti-libéralisme farouche, un étatisme forcené, et un chauvinisme imprégné de xénophobie. Tout ce que Léon Blum, en son temps, dénonçait comme un programme « social-nationaliste ». Le retour de cette tentation place la gauche devant l’obligation de trancher la question de son identité.

  • Le 26 juillet 2006 à 08:06, par Fabien En réponse à : Carton rouge à la fondation Copernic

    OK, PJ-BR, dont acte. Cependant, , l’extrême gauche est souvent hypocrite dans ce cadre là : au final on ne vote pas pour, parce que ce n’est pas assez pur. Et c’est bien ce qu’il s’est passé dans ce cas => alors que cette loi a manqué de quelques voix pour passer une abstention est quand même bien hypocrite.

  • Le 26 juillet 2006 à 17:38, par PJ-BR En réponse à : Carton rouge à la fondation Copernic

    Bon d’accord je chipote, et oui dans le cas de la Taxe Tobin au Parlement européen les abstentions ont eu autant de poids que les votes contre.

    Je n’aime pas moi non plus l’indéfendable hypocrisie de l’extrême-gauche qui lui a permis de refuser :
    * la discussion sur la Taxe Tobin
    * le TCE
    * de gouverner avec le SPD en Allemagne
    * d’ores et déjà toute alliance avec le PS en France
    Bref l’extrême-gauche se complait dans son rôle de Calimero de la politique. Elle se contente de pleurnicher « C’est vraiment trop injuste » tout en prenant garde de rester suffisamment éloignée du pouvoir pour ne pas avoir à assumer ses choix proclamés. :-(

  • Le 19 août 2006 à 10:14, par Fabien En réponse à : Carton rouge à la fondation Copernic

    Désolé PJ-BR de ne réagir que maintenant, mais en relisant ton dernier post, je me suis fait le rapprochement dans ma tête avec le vote sur la Communauté Européenne de Défense de 1954...

    Le 30 août se rapprochant, date malheureusement anniversaire du Non, je me rappelle que le PCF avait voté déjà non.

    Dans un but d’équité, je dois dire qu’il n’a pas été le seul puisque les Gaullistes avaient largement participé à son rejet. Même Mendès-France...

    D’ailleurs, je vous conseille la lecture de « Pierre Mendès-France » de Jean Lacouture qui décrit très bien l’ambiance et les relations compliquées de cette période.

    Mais quand on y pense, « le crime du 30 août » a été enterré tranquillement. J’ai bien peur que le TCE connaisse la même chose. Alors qu’aucun plan B ne ressort...

  • Le 8 mars 2008 à 01:42, par gilles En réponse à : Carton rouge à la fondation Copernic

    Voilà un bel exemple d’argumentaire idéologique.

    Prétendre que la paix en Europe est due au capitalisme est inepte. Le capitalisme n’a pas empéché les USA de faire la guerre en Corée, au Viet-Nam, au Nicaragua, la France en Indochine ou en Algérie, l’Angleterre en Inde ou en Argentine... Et le communisme n’a pas obligé la dictature cubaine à faire la guerre sauf sur attaque des USA.

    L’Europe actuelle n’est pas mise de côté, elle est critiquée, ce qui est normal en démocratie, car elle va dans la mauvaise direction en appauvrissant les peuples tout en permettant aux riches de s’enrichir toujours plus, et entériner cet état de fait en votant oui n’aurait rien résolu évidemment.

    L’observation d’un champ lexical ne suffit pas à contredire une argumentation, et il est permis d’avoir pour conviction que les élites dirigeantes et dominantes construisent une société qui leur soit avantageuse au détriment du peuple « d’en bas » comme disait l’autre, car c’est le principe même d’une société de marché où tout acteur agit au gré de son intérêt propre.

    Ce n’est pas parce qu’il y avait certains éléments positifs qu’il fallait voter oui, car alors on votait oui pour TOUT le texte, y compris pour tout ce qui était inacceptable comme le tire III. Heureusement la stratégie n’a pas fonctionné et le peuple s’est renseigné, a débattu et a décidé que ce serait non.

    Et depuis le 4 février dernier, le peuple a été trahi par ses prétendus représentants qui ont voté la ratification d’un texte identique en tous points dans son contenu à celui auquel il avait dit non, hormis des détails ridicules comme par exemple l’hymne...

    On ne savait plus où était passée la démocratie, eh bien son cadavre vient d’être découvert au fond d’un palais à Versailles.

    L’Europe libérale est bloquée ? Les victimes du ystème économique en marche ne s’en plaindront pas.

  • Le 8 mars 2008 à 08:09, par Fabien Cazenave En réponse à : Carton rouge à la fondation Copernic

    Et d’où le « peuple » a été trahi ? Je vous trouve bien présomptueux de parler au nom du peuple...

    Je vous rappelle que pour la CED... les représentants des citoyens avaient voté contre. Ce qui veut dire que ceux qui s’arrogent de parler au nom du peuple ne sont pas si majoritaires que ça.

  • Le 8 mars 2008 à 14:29, par Ronan Blaise En réponse à : Carton rouge à la fondation Copernic

    @ Gilles :

    Personne ne prétend ici que la paix en Europe est due au capitalisme ... mais plutôt due - relisez bien - à cette étroite imbrication ’’à l’européenne’’ des échanges et des sociétés humaines qui font de la guerre un outil complètement obsolète pour espérer accéder à la prospérité au détriment d’autrui (et - désormais - de soi-même...)

    Ici aussi (i. e : sur ce site internet...), l’Europe est critiquée (ce qui est effectivement tout à fait normal en démocratie) : notamment parce qu’elle n’est pas assez démocratique ; mais aussi parce qu’elle pourrait effectivement sans doute en faire beaucoup plus dans le domaine social, en seuls termes de meilleure répartition des richesses produites (si seulement l’Europe communautaire disposait vraiment des outils pour ce faire...).

    Le Titre III était sans doute inacceptable (admettons) mais vous serez sans doute extrêmement déçu de savoir que c’est - à l’heure actuelle (puisque compilation de toutes les dispositions antérieures) - la seule partie du Texte qui soit pourtant en application. Et oui : le NON au référendum de 2005 ne vaut pas - juridiquement parlant - « abrogation » de tous les Traités déjà ratifiés par la France sur le même sujet (d’ailleurs et de toute façon, ce n’était pas la question posée au peuple français). C’est peut-être malheureux, mais c’est juridiquement comme ça...

    Parmi les "certains éléments positifs" qu’il y avait dans le texte, il y avait - notamment - tous les outils politiques pour - démocratiquement - "détricoter" cette fameuse partie III que vous n’aimez pas ou pour mettre en place les outils de régulation économique souhaitables (et libre à vous de considérer que tout cela n’est que ’’détails ridicules’’). Mais vous avez souverainenement décidé de vous priver de ces outils, et c’est fort dommage. Cela dit, désormais, en ce temps d’ "application aveugle" d’une partie III actuellement en application et non modifiable à moyen terme, il faut donc surtout vous en prendre à... vous-même !

    L’Europe libérale est bloquée ? Certes, mais effectivement bloquée au stade embryonnaire "Europe libérale sans contrôle politique adéquat". Et, effectivement, des gens en souffrent. Et à qui doit-on ce brillant résultat ?! A vous !!! (Merci encore).

    Nb : A l’heure actuelle, ratifié par seulement cinq ou six Etats, le « Traité de Lisbonne » n’est pas encore entré en application (pas même pour ceux-là...). En toute logique, on évitera donc de lui attribuer les dérives et turpitudes du moment...

  • Le 31 mai 2010 à 16:23, par eric chaulier En réponse à : Carton rouge à la fondation Copernic

    Bonjour,nous sommes en 2010 et avouez qu’ils avaient un peu raison au sujet de la constitution europeenne cordialement

  • Le 31 mai 2010 à 17:02, par Fabien Cazenave En réponse à : Carton rouge à la fondation Copernic

    La Fondation Copernic a totalement tort car elle applique une grille de lecture erronée à son analyse : ce n’est pas la faute de l’Europe « néolibérale par essence » si les dirigeants grecs ont mis leur pays dans le pétrin.

    Franchement, expliquer qu’en 2005 ils avaient raison, c’est un peu grossier : à cause de leur grille d’analyse, on s’est retrouvé à perdre quatre ans avant que des réformes minimales soient mis en oeuvre.

    Désolé, l’Europe n’était pas « néo-libérale » en 1957, au moment de sa création. Elle ne l’est toujours pas du reste.

    Cependant, si vous désirez une Europe sociale, il nous faut une Europe politique. Avec le traité de Lisbonne, si nous avions un Parlement européen fort (avec des eurodéputés exigeants et organisés), nous pourrions l’avoir.

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