La nécessité d’une plus grande coopération
Les efforts de coopération passés se sont révélés insuffisants pour éviter de nombreuses tragédies. Si des collaborations existent depuis 1976, entre les douze états membres de l’époque, a travers la structure intergouvernemental de TREVI (Terrorisme, Radicalisme, Extrémisme, Violence Internationale), celle-ci n’avait ni les moyens ni la capacité de peser réellement sur le plan sécuritaire. Si d’autres initiatives telles que les Accords de Dublin avaient pour but d’harmoniser les positions juridiques et légales vis-à-vis d’action terroriste, beaucoup d’Etat ne les ont pas ratifiées de peur de perdre une marge de manœuvre et d’autonomie. Si progressivement depuis le traité de Maastricht en 1992, l’Europe s’est dotée de mécanismes opérationnels et d’organisation destinés à favoriser l’action collective au niveau judiciaire et policier, par l’European Police Office (Europol ; 1999) ou Eurojust (2004), les failles évidentes ont amené la collectivité, dépassée par les événements, à mener de nombreuses réformes.
Comment donc contrôler, réguler la société européenne et surtout éviter le pire ? Tout d’abord un changement de priorité doit s’opérer dans les politiques sécuritaires. Certes la nécessité de sécuriser nos frontières extérieures et de renforcer la surveillance des zones à risque s’impose d’elle même, mais l’urgence aujourd’hui doit aller à la prévention et non plus a l’intervention. Une partie essentielle de ses enjeux concernera le niveau national, mais certaines mesures peuvent et doivent être prises au niveau européen.
Premièrement une harmonisation législative et judiciaire doit s’opérer au niveau communautaire quant au concept du ’terrorisme’. En effet a l’heure actuelle et malgré plusieurs conventions européennes, une définition collective et uniforme pour ce terme n’existe pas : le Royaume-Uni possède sa définition propre tandis que les autres pays obéissent a la définition globale établie en 2001 par l’UE mais se réservent la prérogative nationale d’une définition en détail. Ceci représente une faille conséquente dans les dispositifs et mesures sécuritaires recommandées par Eurojust, celles-ci étant par conséquent intrinsèquement limitées par des obstructions juridiques.
Ensuite, une amélioration dans la communication et l’accès à l’information doit être mené, notamment a travers Europol qui souffre encore d’une carence de moyens et de personnel. Confronté à ces obstacles matériels et à ces handicaps, auxquels s’ajoutent d’une part un manque de confiance des services nationaux envers l’institution et d’autre part des procédures affaiblissant les faibles capacités d’intervention d’Europol, l’efficacité de ce mécanisme de sécurité européenne reste superficielle.
Enfin il faut que la rhétorique européenne développée principalement a travers la stratégie publiée en 2003 par Javier Solana, alors Haut Représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune, soit accompagnée des moyens qui la rendrait crédible : l’Europe se targue d’être un acteur de taille dans le monde, puisse ses ressources être persuasives et en adéquation avec nos ambitions.
Pour un mécanisme d’envergure.
Croire que le terrorisme s’arrête aux frontières définies et défendues par l’état souverain, c’est se leurrer face à ce nouveau modus operandi des terroristes modernes. Seul, mobile et ayant toujours pour cible un ’Autre’ diabolisé quel qu’il soit, le ’loup solitaire’ a pour terrain de chasse le continent européen. Certes les exemples actuels ne corroborent pas cette thèse mais le bon sens fait rapidement entrevoir les sombres possibilités de ces tueurs solitaires : Merah ou Breivik étant passé inaperçus a travers les mailles de sécurité de leurs pays malgré des séjours ou stages douteux a l’étranger, il serait encore bien plus aisés pour eux d’attenter a la sécurité collective d’un pays voisin. Ceci ne remet nullement en cause Schengen, ce serait céder à l’alarmisme, mais cela souligne la nécessité d’envisager des mesures transfrontalières et communautaires à ces problèmes susceptibles de nous concerner tous.
Seul un effort conséquent et collectif peut produire des résultats satisfaisants. Sans se substituer a l’Etat et à ses fonctions régaliennes il est néanmoins indispensable que des fonds soient dégagés, par des prélèvements sur les budgets de l’intérieur ou le cas échéant par des contributions volontaires, pour financer des opérations transfrontalières de prévention et de sensibilisation. Ces compétences partagées, ces couts divisés forment là des synergies qui peuvent se révéler des solutions efficaces et économes dans ce contexte difficile. Pour espérer enrayer les dérives radicales il faut fournir un travail de sape a la hauteur du danger qu’ils représentent.
La menace terroriste décrite ici n’est qu’une parmi tant d’autres. Néanmoins elle est celle qui a endeuillée les deux années 2011-12. Et l’actualité nous rappelle l’urgence avec laquelle les partenaires européens doivent se concerter et formuler une réponse adéquate a cette épreuve de plus pour l’Europe. Pour qu’encore une fois en Europe et à nos dépens la coopération ne prévale pas sur l’intégration, il est temps que l’Europe et ses capacités de juguler les actes terroristes cessent d’être des ’tigres de papier’ et se convertissent rapidement en appareil dissuasif.
1. Le 19 juin 2012 à 17:41, par Nouvellon En réponse à : Comment pallier les nouvelles menaces terroristes en Europe ?
Très bon article dans ce climat d’insécurité !
Suivre les commentaires : |