1. Un gouvernement économique de la zone euro, privé de budget propre dans un premier temps, puis absorbé dans les deux ans par une union politique, dont l’étendue des compétences reste floue : c’est la singulière promesse de François Hollande.
2. La zone euro a besoin d’une politique budgétaire définie et conduite sous le contrôle d’une représentation parlementaire qui lui soit propre : cette politique pourrait alors composer, avec la politique monétaire de la BCE, un policy mix cohérent, conforme à l’intérêt commun.
3. En union monétaire incomplète, une politique budgétaire déflationniste est tout ce que peut produire l’actuel gouvernement par les règles, et ces règles contraignant les Etats sont tout ce que peut donner la méthode intergouvernementale.
4. Dans le bras de fer entre intérêts particuliers, les créanciers pèsent nécessairement plus lourds que les débiteurs : les premiers croient que leur mercantilisme les rend insubmersibles, et que l’austérité va changer les seconds à leur image.
5. C’est oublier que la baisse forcenée des salaires et des prestations sociales rétrécit les débouchés industriels de tous et entraîne la zone euro dans la dépression, avec des effets dramatiques sur l’emploi dans les pays débiteurs et, à la longue, partout.
6. Inverser la marche ne dépendrait plus d’un desserrement de l’exigence de rigueur, ni de l’issue des scrutins allemands de septembre 2013 ou européens de 2014, ni de l’appel aux bons sentiments, ni d’une nouvelle série de sommets de la dernière chance, si de nouvelles secousses ébranlaient le système financier.
7. Quand la chancelière Angela Merkel dit que les Etats membres de la zone euro doivent se tenir prêts à céder une partie de leur souveraineté, il ne s’agit naturellement pas de la céder à l’Allemagne, mais, avec l’Allemagne et ceux qui voudront, à un gouvernement commun, responsable devant les représentants élus des Européens.
8. Une proposition de gouvernement économique de la zone euro ne peut rencontrer les exigences basiques de la démocratie représentative et l’offre allemande d’union politique qu’à quatre conditions : 1) qu’il ne s’agisse pas ni du Conseil européen en formation zone euro, ni de l’euro-groupe comme représentation des Etats membres ; 2) que la représentation des Etats membres soit constituée à partir des commissions des finances des parlements nationaux ; 3) que les décisions de politique économique s’imposant aux Etats membres soient prises en codécision par cette représentation et par le Parlement européen en formation zone euro ; 4) que cette formule transitoire ne préjuge pas de la forme donnée à l’union politique, par une convention constitutionnelle à réunir dans les deux ans, ou à de futurs Etats-Unis d’Europe, par une assemblée constituante.
9. Tous ceux qui rejettent, à juste titre, le gouvernement par les règles doivent se rendre à cette évidence : un gouvernement discrétionnaire est nécessairement un pouvoir européen nouveau, démocratique et souverain, capable de définir et de conduire, en toute légitimité, sa propre politique anti-crise : c’est la clef d’une réhabilitation de l’action publique en Europe.
10. La proposition de gouvernement économique reconnaît l’exigence d’une capacité budgétaire et le pouvoir d’emprunter, donc implicitement d’un Trésor de la zone euro. Il devient donc prioritaire de préparer la mise en place de ce Trésor, d’en étudier les conditions de réalisation par étapes selon un calendrier rigoureux.
11. C’est aux détenteurs actuels de la souveraineté budgétaire, les parlements nationaux, d’ouvrir eux-mêmes ce chantier, sans attendre les gouvernements, comme ce fut le cas, dans les années soixante-dix, en vue d’obtenir l’élection directe du Parlement européen : c’est donc aux commissions des finances des chambres des Parlements nationaux de proposer elles-mêmes au plus vite la mise en place d’un précurseur d’un Trésor fédéral, un Institut budgétaire européen (comparable à l’IME qui préluda à la BCE) associant les présidents de ces commissions et les directions des Trésors nationaux.
12. Cette initiative parlementaire transnationale et trans-partisane ajouterait à la proposition Hollande d’une capacité budgétaire de la zone euro et d’une stratégie européenne de développement durable pour créer des emplois, l’entrée en scène immédiate des parlements nationaux : elle aurait donc l’avantage de sortir les gouvernements de l’ornière. Elle contribuerait largement à reconstruire le consensus européen, avec le soutien actif des institutions représentatives de la société civile, des entreprises, des syndicats et des élus de nos territoires.
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