à toutes mes amies biélorussiennes qui, de loin ou de près, m’inspirent et m’aident
Majoritairement masculine, l’administration et la justice ne sont pas très sensibles aux questions liées aux femmes, celles ci devant en principe se cantonner à leur rôle de mères et épouses. Néanmoins, dans un monde de répression patriarcale, de plus en plus de femmes n’attendent plus dans l’ombre des hommes et prennent la parole.
« La féminisation de la pauvreté »
Ainsi désignait un rapport international la situation que les femmes, majoritaires d’ailleurs, connaissent au Bélarus (87 hommes à 100 femmes avec une espérance de vie de 76 ans pour les femmes contre 63 ans pour les hommes - 2007). L’une des principales causes, à l’origine de la situation globalement précaire des femmes, est le regard par le prisme des mentalités soviétiques toujours bien présentes dans la société biélorussienne. La femme est en charge du ménage, devant s’occuper de la maison, éduquer les enfants et travailler.
Autrement dit, la femme est épouse, mère et camarade. Symboliquement, à la base, juste une obligation traditionnelle pour la femme biélorussienne de mettre la table, celle-ci a contraint la société d’avoir une vision purement domestique de la femme, qui bien souvent doit avoir l’avis de l’homme. C’est pourquoi les nouvelles générations féminines, en partie, au moins, doivent se confronter avec une précarité spirituelle et matérielle. Ainsi, cette pauvreté se décline d’une part, dans la pression psychologique (spirituelle) que ces femmes endurent à cause de leurs maris ou concubins, dont les témoignages d’un Rapport d’Amnesty international rendu en 2006 fait largement état [1].
Les témoignages seuls nous restent car aujourd’hui, les Nations Unies reprochent par le rapport rendu le 4 février 2011 l’absence de statistiques et données qualitatives en matière de discriminations des femmes. Mais selon un rapport officiel biélorussien de 2005, 166 personnes avaient été tuées et 2736 autres victimes d’actes criminels dans la cadre familial.
Malheureusement, pour certaines femmes, impuissantes devant leurs conjoints et la justice insensible, le suicide reste la solution ultime. Le peu d’associations, créées sur la base du volontariat pour aider les femmes victimes de violences domestiques, doivent lutter premièrement pour leur existence, avant même de pouvoir accomplir leur but.
Cependant, les femmes biélorussiennes, comme il est souvent le cas en Europe centrale et de l’Est, sont aussi proies des trafiquants d’êtres humains, pour être envoyées en Europe occidentale, au Moyen-Orient ou en Russie, afin d’être exploitées sur le marché de la prostitution. Si jusqu’à aujourd’hui le gouvernement à été très apprécié par les rapports internationaux pour le travail de poursuite des auteurs de tels actes criminels, les mêmes voix déplorent l’absence d’implication de la part des autorités pour offrir assistance et protection aux victimes.
Inutile, ensuite, de s’attarder sur l’énumération des textes internationaux auxquels le Bélarus est partie ou, encore, des législations nationales que les autorités biélorussiennes ont adopté sans presque aucune mesure d’application, avant tout budgétaires. Simplement à titre d’exemple, la Loi relative à la prévention de la criminalité, entrée en vigueur le 21 janvier 2009, faisait pour la première fois référence à la violence domestique. En pratique, fin 2009, seulement deux centres d’accueil avaient été ouverts sur l’ensemble du pays, financés en partie par l’Etat (Rapport Amnesty 2010, p.39).
En dépit de tous les textes internationaux et lois ou règlementations nationales, les Nations Unies, dans le dernier rapport sur la situation des femmes, ont tiré un signal d’alarme sur l’absence d’une législation sur l’interdiction spécifique de la discrimination contre les femmes ou, encore, d’une loi sur l’égalité des sexes.
D’autre part, bien qu’elles aient accès à l’éducation et qu’elles soient plus diplômées que les hommes, des obstacles importants persistent vers une vraie égalité avec les hommes, ce qui conduit à une précarité matérielle des femmes. Dans la continuité des coutumes, la division des sexes étant toujours très traditionnelle, pour la plupart des femmes biélorussiennes réussir son mariage reste la première des préoccupations.
De nombreux récits racontent l’histoire de femmes contraintes par leur environnement social, familial, à faire des sacrifices et renoncer à leur carrière. A cet égard, le Bélarus est connu pour poursuivre la politique soviétique des aides de maternité, le soutien financier augmentant au fur et à mesures que la famille s’élargit. La probabilité de tomber enceinte est officieusement, aussi, l’une des principales raisons pour lesquelles les compagnies préfèrent embaucher des hommes.
Cependant, le fait que l’Etat finance les études pour la plupart des étudiants, à moins que ceux-ci ou celles-ci refusent, peut paraître, aux yeux des étudiants occidentaux, une disposition salutaire de la part de l’Etat providence. Le pendant, consistent dans l’obligation pour ces étudiants de travailler pour l’Etat pendant deux ans là où la Commission décide, habituellement à la campagne ou dans les zones les plus pollués par l’explosion de Tchernobyl de 1986.
Par conséquent, certaines femmes font recours au mariage blanc, souvent avec des militaires, ce qui est devenu un business pour ces derniers, afin de s’assurer qu’elles ne seront pas renvoyées à la campagne pour y travailler.
Dans un esprit « occidental », les femmes deviennent de plus en plus actives et indépendantes. Cependant, leur chemin vers un accomplissement professionnel est nettement plus sinueux que celui d’un homme, moins bien rémunérées et, la prise de décision dans les hautes sphères du pouvoir leur est quasi inaccessible.
Peu d’espoirs que la situation change avec la modification du Code du Travail par la Loi du 20 Juillet 2007 où les pères sont maintenant légalement d’avantage impliqués dans l’éducation des enfants, notamment par l’introduction du congé parental payé.
En outre, même si l’opposition milite pour des valeurs démocratiques, ses leaders, entièrement composés d’hommes, considèrent indirectement que les femmes pourraient mettre en danger leur pouvoir. Ainsi, Olga Neklyayev, l’épouse du candidat aux élections présidentielles de décembre 2010, disait n’avoir été qu’une simple épouse et, que ce n’est que par ce contexte dramatique qu’elle ait été contrainte d’agir sur le plan politique afin d’aider son mari.
Néanmoins, en dépit de ce bilan négatif, la femme biélorussienne est forte, dévouée à sa famille, profession et, pour une partie d’entre elles, aux activités militantes dans l’opposition et dans la défense des droits humains.
Les femmes dans la prise de décision
Si ce ne sont pas elles qui prennent les décisions, les femmes se montrent néanmoins plus actives que les hommes et agissent, que ce soit du côté officiel ou de l’opposition, en amont de la décision.
Officieusement la première dame du Bélarus n’est pas l’épouse de Loukachenka, jamais sortie de province et ainsi bien absente sur la scène publique, mais Lidia Ermochina, la Présidente de la Commission Electorale Centrale. Cependant, bien que maitre d’ouvrage de la fraude électorale des différentes élections organisées au Bélarus, celle-ci n’a pas vraiment de pouvoir de décision, devant se contenter de mettre en application la volonté d’Alyaksandr Loukachenka.
Ce dernier exprimait en 2009 à l’occasion de la journée de la femme, que « leur influence dans l’administration étatique et dans l’adoption des plus importantes décisions politiques est en expansion ». Si, par exemple, 30% des membres de la Chambre basse doivent être des femmes, cette réalité, d’une part, ne tient qu’à la bonne volonté du Président et, d’autre part, n’a aucun intérêt, puisque le Parlement est pratiquement dépourvu de pouvoirs.
En effet, la plupart des décisions sont prises par décret présidentiel, créant de facto un contrôle de la part de l’administration présidentielle et de dépendance. Le Conseil des Ministres est, en outre, composé d’hommes exclusivement [2].
Mais les femmes, bien que privées même dans l’opposition des fonctions de premier rang, ne restent pas les bras croisés et mènent le combat, devenant visibles surtout quand les hommes se font emprisonner. C’est ainsi le cas pour Natallya Radzina, la rédactrice de Charter ’97, site d’opposition, et pour Irina Khalip, journaliste et épouse d’Andrei Sannikov, candidat aux élections de décembre.
Cette dernière a reçu en 2009 le prix du Courage dans le Journalisme. Il y a également – en tout cas il y avait en 2000 - plus de vingt associations de femmes enregistrées par le Ministère de la Justice, dont la plus importante, la Société des Femmes Biélorussiennes, pouvant devenir un facteur influent de lobbying pour les intérêts des femmes et dans la résolution de leurs problèmes. Cependant, ce ne sont que des exemples, nos « mots de solidarité et d’admiration (étant adressés) à (toutes les) épouses, mères et sœurs des prisonniers politiques ».
Ainsi avait remercié Kirsi Vainio-Korhonen, historienne finnoise, dans un article publié sur Charter ’97, en faisant aussi aux biélorussiens le vœu « d’avoir autant de femmes que possible dans leur gouvernement démocratique […] une garantie de démocratie, humanité et bonté ».
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