Union européenne : du consensus à l’indifférence

, par Jofre M. Rocabert, Traduit par Faustine Gauthier

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Union européenne : du consensus à l'indifférence

Même si la force du Traité de Lisbonne a été mise en doute après la crise de l’Eurozone, ce rescapé de la défunte Constitution apporte des éléments positifs qui pourraient bien donner l’impulsion nécessaire à un gain de légitimité de la gouvernance européenne.

L’un de ces éléments est le pas décisif que les parlements nationaux ont fait dans l’arène européenne. Leur rôle dans la légitimation de l’Union a toujours été très important puisqu’ils approuvent les traités et transposent les directives européennes dans leur systèmes nationaux. Pourtant, jusqu’à peu, ils étaient décrits dans les milieux académiques comme « les principaux perdants de l’intégration  ».

En effet, avec les transferts de compétences aux institutions européennes, les parlements nationaux ont été privés de nombreux domaines de compétences qu’ils maîtrisaient auparavant. Sans mécanismes d’influence sur le niveau européen, leur participation a donc longtemps été centrée sur le contrôle des actes de leur gouvernement à Bruxelles.

Implication ou indifférence à l’égard du processus décisionnel européen

Pour autant, tous les parlements n’ont pas joué le même jeu. Alors que certains d’entre eux ont considéré important de participer au processus de décision européen, d’autres ont laissé de côté leur chance de participation et s’en remettent au gouvernement pour porter toute la responsabilité de la politique européenne de l’Etat.

Comment expliquer ces différences ? Au moins deux conclusions ont été avancées. Tout d’abord, il est clair que l’Europe est seulement un sujet parmi d’autres dans l’ordre du jour des parlements nationaux. Malgré ce que l’on entend sur l’européanisation des Etats, les systèmes politiques des membres de l’Union n’ont pas été fondamentalement altérés dans leur équilibre institutionnel.

Dans des pays avec une importante tradition parlementaire, tels les pays nordiques ou l’Allemagne, le Parlement a une voix forte sur les affaires européennes. En revanche, dans le Sud, où les exécutifs ont traditionnellement eu la prédominance, les parlements détiennent un pouvoir réel bien moins important.

Ces derniers semblaient en effet avoir délaissé leur fonction légitime essentielle, ne s’assurant pas que l’influence politique émane bien du plus bas niveau possible.

La seconde conclusion, et la plus inquiétante, est que les parlements ont réagit uniquement lorsque les opinions sur l’Europe s’opposaient de façon tranchée. Certes, dans des pays où le processus d’intégration n’était pas donné d’avance, les parlementaires se sont assurés de faire entendre leur voix de représentants.

Mais, de l’autre côté, dans des pays comme l’Espagne où l’intégration a toujours été une politique d’Etat, les partis politiques ont préféré maintenir leurs parlementaires silencieux et leurs citoyens désintéressés par l’absence de voix au chapitre de leur Parlement.

La sous-estimation du projet politique européen : un risque à prendre en compte

Dans les démocraties parlementaires, la distinction entre gouvernement et Etat est désormais presque une illusion théorique, du fait des majorités parlementaires acquises aux gouvernements. Mais le problème repose surtout sur le fait que là où les partis sont favorables à l’Europe, l’européisme est en danger de devenir une question mineure sur laquelle il ne vaut plus la peine de s’engager ou de porter attention à ce qu’elle est vraiment : un projet politique profond et de large envergure.

Le consensus mou qui domine dans la plupart des politiques des pays du sud de l’Europe élude la possibilité pour la société civile de prendre part à l’action et au lobbying. Or, cela pourrait se solder par un sérieux avantage pour ceux qui savent qu’au lieu de politiser l’Europe ils peuvent lutter pour la détruire.

Pour finir, il faut savoir que le traité de Lisbonne donne aux parlements nationaux de nouveaux pouvoirs d’intervention au travers desquels ils peuvent demander à la Commission de modifier sa proposition législative. Cela a déjà eu des effets en Espagne et dans d’autres pays, où les commissions pour les affaires européennes ont intensifié considérablement leur activité de contrôle de la subsidiarité et même, dans certains cas, de coopération avec les parlements régionaux.

On peut espérer que cette impulsion encouragera les politiques à s’engager davantage dans la gouvernance européenne et que les citoyens pourront enfin prendre conscience de son importance.

Vos commentaires
  • Le 11 avril 2011 à 16:06, par Herbinet En réponse à : Union européenne : du consensus à l’indifférence

    « Le lien qui forme cette société, c’est la raison et la parole, qui permettent aux hommes d’enseigner, d’apprendre, de communiquer, de débattre, de juger, ce qui relie les hommes les uns aux autres et les unit dans une sorte de société naturelle. » (De Officiis) La France grandira grâce à la dimension européenne. L’histoire de la gouvernance européenne et de ses probables évolutions sont au centre des réflexions du cénacle. Des milieux restreints, portons-nous nos regards vers l’avenir, réunissons-nous nos valeurs et nos idéaux, saisissons-nous de cette chance unique de bâtir ensemble notre avenir commun. Chaque décision prise à l’échelle communautaire implique le « triangle », à savoir le Parlement, la Commission et le Conseil de l’Union. En effet, le Parlement représente les citoyens, le Conseil représente les Etats membres, la Commission défend les intérêts de l’Union. L’Union repose sur des traités, modifiables pour la réforme des institutions et pour l’attribution de nouvelles compétences. Pour truisme, les trois piliers représentent le domaine communautaire, la politique étrangère et de sécurité commune ainsi que la coopération policière et judiciaire (pénale).

    Pierre-Franck Herbinet

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