La convention interdit l’utilisation, la production, le transfert de munitions à fragmentation et fixe des délais pour la destruction des stocks et le déminage des terrains contaminés. La Convention impose aux Etats de soutenir les victimes et les populations touchées. En novembre 2010, la première rencontre des parties signataires à la Convention aura lieu au Laos, le Laos étant le pays où le plus grand nombre d’armes à fragmentation ont été utilisées. Il est donc important d’encourager le plus d’Etats possible à ratifier cette Convention avant la conférence de Novembre pour être ainsi capable de participer à la première rencontre des parties. Dans une note à la fin de cet article, j’ai établi par aire géographique la liste des 30 états ayant ratifié cette convention, la ratification d’un traité étant souvent influencée par ce que les autres états de la région font (ou ne font pas).
Force est de constater que les Etats européens ont réunis le plus de ratifications. C’est en majeure partie du au leadership des diplomates de Norvège et d’Irlande. Il n’y a pas eu de leadership aussi positif dans d’autres régions du monde, exception faite du Laos en Asie. Toutefois le service diplomatique du Laos est petit et sans grandes ressources. Ainsi, en dehors de l’Europe, les pressions pour la ratification devront émaner de secteurs non gouvernementaux qui ont joué un rôle important dans la préparation et la promotion de la Convention. Cependant il y a toujours une ombre au tableau , et dans le cas présent, elle consiste en ce que les producteurs et utilisateurs principaux des munitions à fragmentation étaient délibérément absent des négociations et de l’accord : Brésil, Chine, Inde, Israël, Russie, Pakistan et les Etats-Unis.
Les producteurs et utilisateurs principaux des munitions à fragmentation étaient délibérément absent des négociations et de l’accord.
Pourtant, au regard du processus de négociations sur les armes, l’interdiction des bombes à fragmentation a été rapide. Elles ont commencé à Oslo, Norvège, en février 2007 et par là même ont été souvent qualifiée de « processus d’Oslo ». Les négociations étaient une réaction justifiée à l’utilisation de ces bombes, à grande échelle, par Israël au Liban pendant le conflit des mois de juillet et août 2006. Le centre de Coordination de Lutte antimines des Nations Unies (UNMACC) travaillant dans le sud du Liban, a rapporté que la densité des bombes utilisées sur place était plus élevée qu’au Kosovo ou en Irak, particulièrement dans les zones habitées, faisant ainsi peser une menace constante sur des centaines de milliers de personnes, comme sur le personnel de maintien de la Paix des Nations Unies. On estime qu’un million de bombes à fragmentation ont été tirées sur le sud du Liban durant les 34 jours de guerre, un grand nombre au cours des deux derniers jours du conflit, alors qu’un cessez le feu se concrétisait. Les milices du Hezbollah ont elles aussi tiré des rockets de bombes à fragmentation sur le nord de l’Israël.
On pense que les bombes à fragmentation israéliennes étaient fabriquées aux Etats Unis quand celles du Hezbollah venaient d’Iran. C’est pour cette raison qu’une des clauses importantes de la Convention est l’interdiction du transfert des bombes à fragmentations. Au regard de la loi américaine sur le contrôle des exportations d’armes, si Israël ou un autre pays achètent bombes à fragmentation et équipement mortel divers, un accord écrit restreignant leur utilisation doit être signé. L’UNMACC a déclaré avoir réuni les preuves formelles de l’utilisation par Israël pendant la guerre au Liban, de trois sortes de bombes à fragmentation fabriquées aux Etats-Unis. A l’époque, l’utilisation des bombes à fragmentation contre les soldats n’était pas considérée comme allant à l’encontre des Conventions de Genève, mais leur utilisation contre les populations et zones densément peuplées était interdite.
Les munitions à fragmentations sont des ogives qui dispersent des dizaines de petites bombes. Bon nombre des ces sous munitions n’explosent pas à l’impact et restent éparpillées sur le sol, prêtes à tuer et estropier si on les importune ou les saisit. Les rapports des organisations humanitaires et des groupes de déminage ont démontré que les civils constituent la grande majorité des victimes de bombes à fragmentation, particulièrement les enfants, attirés par leur petite taille et leurs couleurs souvent vives.
Le taux d’échec d’explosion des munitions à fragmentation est élevé, allant de 30 à 80%. Mais le mot « échec » n’est peut être pas le plus juste. Elles peuvent être en réalité destinées à tuer plus tard. L’importance du nombre de bombes à fragmentation n’ayant pas explosées sous entend de facto, que les terres agricoles, les forêts ne peuvent être utilisées ou plus précisément ne peuvent être utilisées sans grand danger. La plupart des personnes tuées et mutilées par les bombes à fragmentations au cours des 21 conflits où elles ont été utilisées, sont des civils, souvent jeunes. Ces personnes subissent souvent des blessures graves telles que la perte de membres ou la perte de la vue. Il est alors difficile de retourner au travail ou à l’école.
Les discussions sur une interdiction des armes à fragmentations ont commencé en 1979 pendant les négociations à Genève, conduisant à la Convention sur l’Interdiction ou la limitation de l’emploi de certaines armes classiques pouvant être considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans discrimination —la « Convention de 1980 sur les armes inhumaines » pour ses défenseurs.
L’impact sans discernement des bombes à fragmentation a été soulevé par le représentant du Bureau Quaker des Nations Unies à Genève et par moi-même pour « Citoyens du Monde » et avec le soutien du gouvernement suédois. Mon texte ONG d’août 1979 sur « les armes antipersonnelles à fragmentations », appelait à une interdiction fondée sur la Déclaration de Saint Petersbourg de 1868. Ce texte recommandait que « des procédures de contrôles permanents et de règlement des conflits soient établies, permettant des enquêtes sur les accusations d’utilisation d’armes prohibées, qu’il s’agisse de conflits entre Etats ou de conflits internes ; un tel organisme permanent comprendrait un comité consultatif d’experts qui pourraient commencer leurs travaux sans résolution préalable du Conseil de Sécurité de l’ONU ».
J’ai été remercié pour mes efforts mais on m’a laissé comprendre que « Citoyens du Monde » ne se situaient sur le terrain des politiques « réelles » et qu’il serait préférable que je fasse pression pour l’interdiction du Napalm —les photos qui témoignent de son utilisation au Vietnam étant toujours présentes dans la mémoire de nombreux délégués. Les gouvernements ont beaucoup de difficultés à se concentrer sur plus d’une arme à la fois. De même dans le but d’une mobilisation de l’opinion publique, des réminiscences visuelles brutales sont nécessaires pour attirer l’attention et susciter la compassion.
Le décalage ironique entre les objectifs humanitaires fixés pendant la guerre et la persistance des meurtres dus aux bombes à fragmentation après la guerre était trop important pour ne pas être remarqué
Bien que des munitions à fragmentations aient été amplement utilisées pendant la guerre du Vietnam, elles ne reçurent jamais l’attention que les médias et le public portèrent au napalm. [1] L’institut de recherche américaine sur le désarmement a récemment publié une étude sur l’impact destructeur continu des bombes à fragmentations au Laos, « La République démocratique du peuple Lao peut se prévaloir du titre douteux de pays le plus fortement bombardé au monde ». [2] Le déminage des terres contaminées par les bombes à fragmentations se poursuit alors que la guerre du Laos de 1963-1973 est déjà en grande partie effacée des mémoires collectives.
Leur utilisation abondante par les forces de l’OTAN pendant la guerre du Kosovo, attire de nouveau l’attention sur l’usage des bombes à fragmentation et les munitions non explosées. Le décalage ironique entre les objectifs humanitaires fixés pendant la guerre et la persistance des meurtres dus aux bombes à fragmentation après la guerre était trop important pour ne pas être remarqué. Toutefois, les difficultés rencontrées par l’administration onusienne au Kosovo et dans les négociations pour un « statut final » ont rapidement éclipsé toute autre préoccupation. De même l’utilisation des bombes à fragmentation en Irak est étouffée par la persistance des tensions, les violences sectaires, le rôle des Etats Unis et de l’Iran, et la forme que prendra l’Irak après le départ des troupes américaines.
Ainsi c’est l’utilisation sans discernement des bombes à fragmentation contre le Liban dans une guerre particulièrement insensée et peu concluante qui a finalement conduit à des efforts soutenus pour l’interdire. L’interdiction des bombes à fragmentation suit de près la Convention sur l’interdiction de l’utilisation, du stockage, de la production et du transfert des Mines anti-personnelles et sur leur destruction qui est entrée en vigueur en Mars 1999 et est aujourd’hui ratifiée par 152 états. Un grand nombre d’ONG actives sur les mines anti-personnelles jouèrent aussi le rôle de moteur dans les efforts faits sur les bombes à fragmentation – une combinaison de groupes humanitaires et de désarmement.
Nous pouvons jouer un rôle actif pour encourager les Etats qui ont signé la Convention sur les munitions à fragmentation à la faire ratifier par leurs Parlements. Une tâche plus difficile sera de convaincre ces états partisans des bombes à fragmentation : Etats Unis, Russie, Chine, Israël, Inde et Pakistan. L’interdiction pourra décourager leur utilisation par ces Etats, mais leur signature constituerait un signe important de respect des accords internationaux et du droit international. Les pressions doivent être maintenues sur ces hors-la–loi.
1. Le 26 mars 2010 à 05:57, par Martina Latina En réponse à : Interdiction des Bombes à fragmentation : une lueur dans l’obscurité des conflits
Merci pour cet article. Il est en effet temps d’interdire ces armes de guerre lâche et larvée, qui sèment la mort pour longtemps sur les terres agricoles autant qu’habitées, dans les populations innocentes et désarmées, à charge pour les organismes pacifiques de sacrifier d’autres vies encore.
Comment L’EUROPE dépositaire de la démocratie et de la paix qu’à l’aube des temps civilisés elle a reçues en partage de la jeune Phénicienne EUROPE et d’un TAURILLON ravisseur, mais fondateur, saura-t-elle faire reculer ce fléau dévastateur, barbare et monstrueux ? La construction de l’Europe ne peut néanmoins se poursuivre que par la résistance tenace à la haine comme à l’indifférence, que par l’invention permanente, vigilante, concertée, de la justice et de l’harmonie. Dès lors, la formule du poète latin TERENCE sera dignement appliquée : « Je suis un être humain : rien d’humain, que je sache, ne m’est extérieur » ; ainsi enfin des « lueurs » réelles déchireront l’inhumaine « obscurité ».
2. Le 30 mars 2010 à 20:33, par Krokodilo En réponse à : Interdiction des Bombes à fragmentation : une lueur dans l’obscurité des conflits
Bravo pour cet article, on n’en parlera jamais assez, et l’UE aurait là un projet à la hauteur de ses ambitions, plus humain que la défense des intérêts des multinationales de l’agroalimentaire ou de la pharmacie. Bravo aussi pour avoir cité précisément les grands pays qui refusent de signer l’interdiction de l’usage de ces armes anti-civils : la barbarie n’est pas seulement là où on la situe habituellement...
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