Jean-Marc Ferry : le groupe Spinelli doit réveiller les consciences

, par Quentin Boulanger

Jean-Marc Ferry : le groupe Spinelli doit réveiller les consciences

Dans une interview réalisée pour le Taurillon, le philosophe et professeur à l’Université libre de Bruxelles Jean-Marc Ferry revient sur la conférence du groupe Spinelli, à laquelle il a pris part, aux côtés de l’ancien ministre allemand des affaires étrangères Joschka Fischer.

Membre du groupe Spinelli, jean Marc Ferry n’est pas un fédéraliste au sens où on l’entend souvent. Son engagement européen est celui d’une lutte contre la tentation de repli souverainiste mais aussi d’un désaccord avec la visée fédéraliste de création d’un État supranational. Il est ainsi partisan d’un équilibre entre l’autonomie des États et le pouvoir des institutions européennes.

Le fédéralisme européen ne signifie pas l’Etat fédéral européen

L’Union doit être un système spécifique, fondé sur certains éléments centraux tels que la co-souveraineté, l’égalité et la tolérance. Ainsi, L’Union ne doit pas imiter les Etats-Unis, État fédéral national, dans la mesure où les Etats européens ont une identité forte qui rend impossible leur assimilation à des États fédérés. L’intégration européenne est originale et basée sur la concertation et la coordination.


Interview de Jean-Marc Ferry pour le Taurillon 1/3
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L’échange entre les différents niveaux de l’espace public européen doit donc être la clé de ce modèle d’intégration. La poursuite d’un système de transfert de souveraineté en faveur des institutions supranationales ne peut ainsi qu’entrainer un décrochage des peuples européens.

Le projet européen va droit dans le mur !

Malgré ce constat, l’Europe, fondée sur le partage du pouvoir, le dialogue ou la coopération, reste pour lui « en pointe du point de vue de son principe politique ». Reste à traduire cela sur la scène internationale où l’Europe doit prendre conscience du rôle qu’elle a à jouer.


Interview de Jean-Marc Ferry par le Taurillon 2/3
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L’ouverture à l’autre, la co-souveraineté doit permettre de regagner l’influence que les États européens ont perdu notamment du fait de la mondialisation. Face à la subversion du politique par l’économique, il faut ainsi selon Jean-Marc Ferry unir les souverainetés. Cette union ne signifie pas la perte des souverainetés nationales mais leur reconquête.

Identité européenne et sentiment de représentation : la nécessaire interaction entre les Parlements d’Europe

L’architecture des institutions européennes rappelle la structure cosmopolitique kantienne autour de trois niveaux de relations. Le niveau interne, les relations entre États et le droit cosmopolitique des individus hors de leur État. Seul ce système complexe permet d‘intégrer les différents centres du pouvoir en Europe.

Ainsi, les parlements d’Europe doivent être mis en réseau horizontalement et verticalement avec le Parlement Européen. Celui-ci permettra de synthétiser les demandes des niveaux nationaux et subnationaux et d’ouvrir le système aux revendications des peuples.

Cependant, ce système des parlements se heurte aux réticences de certains députés européens qui ne sont, selon monsieur Ferry, pas de véritables élus mais le symbole de la partitocratie.

D’autre part, la réalisation d’un marché ne permet pas d’élargir le sentiment de nous. L’intégration politique, civique, doit rattraper l’intégration systémique, technique. Pourtant, comment promouvoir un sentiment tel que l’identité européenne ?

Contre un nationalisme européen, pour un sentiment européen d’être bien représentés

Il ne faut pas pour cela faire aimer l’Europe : le nationalisme européen n’est pas pertinent au niveau européen. Seul le sentiment d’être représenté au niveau européen créera un sentiment européen. Deux niveaux sont centraux.

D’une part, les élus locaux ont des intérêts communs qui doivent être mis en évidence. Le comité des régions doit ici jouer un rôle plus central. Pourquoi ne pas l’édifier en 2ème chambre parlementaire ?


Interview de Jean-Marc Ferry par le Taurillon 3/3
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Le Parlement européen représenterait les intérêts des peuples alors que le comité des régions représenterait les intérêts sectoriels des entités composant l’Union. Ce système bicaméral, que l’on retrouve dans les États fédéraux, pourrait permettre une meilleure visibilité de l’action de l’UE.

D’autre part, l’espace médiatique européen a un rôle essentiel à jouer dans l’échange et la diffusion de problèmes communs et des réponses données. C’est dans la structuration de la diffusion de cette information d’intérêt européen que les institutions peuvent avoir un rôle.

Il faut promouvoir une programmation européenne, un traitement de sujets communs par les médias, tout cela dans le respect de la liberté de la presse.

crédits photo : European Union 2011 PE-EP/Pietro Naj-Oleari

Vos commentaires
  • Le 14 mars 2011 à 17:43, par HR En réponse à : Jean-Marc Ferry : le groupe Spinelli doit réveiller les consciences

    « Cependant, ce système des parlements se heurte aux réticences de certains députés européens qui ne sont, selon monsieur Ferry, pas de véritables élus mais le symbole de la partitocratie. »

    Au moins, on est d’accord sur ce point. Mais dans ce cas, pourquoi ne pas partir de là, pour le Groupe Spinelli ? Parce que ça veut dire une chose, pûrement et simplement : la partitocratie a une autre nom mieux connu en Europe, la bureaucratie.

    Ca veut donc bien dire ce que j’ai souvent fait remarquer ici à propos de l’Union Européenne du traité de Lisbonne : seule les bureaucraties nationales y sont représentées.

    Les citoyens européens, eux, ne sont pas représentés en Union Européenne.

    On remarque que c’est là que le Groupe Spinelli représente bien l’énorme contradiction du fédéralisme en Union Européenne. Parce que c’est vrai, « Seul le sentiment d’être représenté au niveau européen créera un sentiment européen. ». Mais les soit-disants « fédéralistes » du Groupe Spinelli veulent-ils vraiment que les citoyens de l’Union Européenne soient représentés en Union Européenne ?

  • Le 14 mars 2011 à 21:43, par Cédric En réponse à : Jean-Marc Ferry : le groupe Spinelli doit réveiller les consciences

    D’accord avec JM Ferry que plus d’Europe n’est pas la clé de la désaffection de l’Europe, d’accord qu’un Etat fédéral n’est pas un objectif utile en soi, d’accord que les symboles ne seront pas la solution, d’accord qu’il ne faut pas recopier en tous points le modèle américain.

    Mais doit-on, par fétichisme du modèle "sui generis" européen, refuser de s’inspirer de tout ce qui marche au niveau national ou au niveau fédéral américain ?

    Le discours de Ferry est plein de contradictions. Il prône par exemple une Europe de la co-souveraineté, et surtout pas une Europe supranationale, une Europe basée sur une voie originale (concertation, coopération, coordination), et surtout pas sur l’unification ou l’harmonisation. Mais quoi de plus technocratique, quoi de plus aveuglément européiste que cette « Charte européenne de l’audiovisuel » qu’il promeut. Je résume : un engagement "volontaire", comprenant des critères de qualité, une évaluation par la Commission européenne (par décret du président ?! Encore une approche très française du rôle du souverain...), avec sanction financière à la clé ! Cette histoire est hallucinante.

    « Rompre avec toute forme de nationalisme » est une belle utopie. JM Ferry lui-même, en rabâchant des poncifs français (comme l’indépendance de la BCE) en est incapable.

    Plus de « co-souveraineté » positive sans mettre en commun la souveraineté négative est un leurre. L’Europe n’empêchera jamais qui que ce soit de partir, mais une coordination qui n’est pas fondé sur un minimum de règles contraignantes et de sacrifices mutuels n’a de coordination que le nom.

    Enfin, l’idée d’un réseau intégré des parlements européens, impliquant un bon million d’élus locaux européens, ou encore d’un Comité des régions érigé en 2nde chambre (en 3ème en réalité), fleure bon l’usine à gaz institutionnelle et la multiplication des « voyages d’études parlementaires ». S’il s’agit de mener les mêmes discussions qu’au Parlement européen, c’est-à-dire des discussions sur des rapports indicatifs et des déclarations politiques, je ne vois pas trop l’intérêt. Il faut réformer le Parlement européen pour le rendre plus représentatif, mais certainement pas comme ça...

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