Cela commence dans une salle de classe du tout début de notre XXème siècle, devant un tableau noir...
...devant un tableau noir, où un enfant (français, allemand, britannique, qu’importe...) nous récite un « poème » à la Déroulède comme -fort heureusement- on n’en fait sans doute et heureusement plus beaucoup de nos jours.
Un texte morbide et haineux, nationaliste et nombriliste, chargé de haine et sang où l’on retrouve la tranquille mais hautaine certitude des Nationalistes de tous pays d’avoir seuls raison contre le reste du monde, d’incarner à eux seuls l’éternelle et unique Civilisation dont ils seraient les seuls dépositaires exclusifs (et que l’« autre » est nécessairement un ennemi ; à exterminer, autant que possible...).
Soumis à un tel « bourrage de crâne » nationaliste, horrible conditionnement mortifère, mais parvenus enfin à l’âge adulte, que deviendront-ils donc, ces enfants ?
Dans les tranchées...
Ces enfants sont destinés à devenir des hommes, mais plus surement encore : des soldats. Chacun d’entre eux dressé, l’un contre l’autre, au nom de mêmes idéaux également instrumentalisés de part et d’autres des mêmes frontières.
Car c’est ainsi au nom de la « Liberté » et de la « Civilisation », mais plus surement encore au nom de tous ces Nationalismes ennemis, puisque rivaux, que ces êtres humains seront envoyés ainsi s’entretuer aux fronts d’une guerre dont les véritables enjeux les dépassent complètement.
Fin décembre 1914, ça fait ainsi déjà près de quatre mois que les peuples d’Europe ont donc à nouveau recommencé à, encore, s’entredéchirer.
La guerre qu’on leur promettait devait être glorieuse, fraîche et « joyeuse ». On leur avait assuré que la victoire sur l’« ennemi héréditaire » serait aisée, que la glorieuse promenade militaire vers Berlin ou Paris ne durerait que quelques semaines et qu’ils seraient de retour dans leurs foyers pour Noël.
Or, il n’en n’est rien.
Et Noël, en cette année 1914, une fois le rêve de « gloire » devenu sanglante boucherie, on le passera donc bien loin de la maison et de sa famille, loin de l’épouse tant aîmée et de ses chers enfants : dans le froid, dans la boue, dans la peur, dans la haine de l’ ’’autre’’ et dans le sang.
Survient l’imprévu...
Or le Kaiser Wilhelm II Hohenzollern avait encouragé ses services militaires d’intendance à dôter les troupes allemandes stationnées au front en sapins de Noël (car, même dans l’adversité, il s’agit tout de même de ne pas complètement oublier ses valeurs...).
Et, dans la nuit de Noël 1914, c’est donc « Ô Tannenbaum » et « Stille nacht » que l’on se mit à chanter dans la tranchée « germanique ».
Et, l’énorme surprise, c’est quand les hommes de troupe « d’en face » (des Ecossais...) leur répondent alors en jouant de la cornemuse et en chantant quelques magnifiques chants descendus tout droit des Highlands. Et surprise, pareillement, quand leurs homologues français, assis à califourchon sur le parapet de leurs tranchées se mirent ainsi à leur répondre... en applaudissant.
Ainsi commençait donc un réveillon de Noël vraiment pas comme les autres, puisque nuit de trêve sinon nuit rêvée : quand, dans une ambiance un peu féérique sinon surréaliste, des ennemis jusque là acharnés à s’entretuer, se tendent enfin la main et, en apprenant à se connaître, découvrent en fait qu’ils sont frères, qu’ils partagent une même détestation de la guerre et qu’ils pourraient, pourquoi pas, pour peu qu’on leur donne seulement un peu le temps sinon vraiment l’occasion, très bien se découvrir amis.
Juste faire taire les canons, le temps d’un réveillon...
Tel est ainsi le thème de « Joyeux Noël », ce film qui est sorti l’avant-veille du 11 novembre.
Un film historique basé sur des faits réels. Un film « polyglotte » et « trilingue » qui respecte ainsi le regard de l’autre et aussi la langue d’autrui. Un beau film de guerre puisqu’il parle enfin de paix. Un film iconoclaste et naïf, peut-être, mais sincère et courageux, surement. Un film que certains, peut-être, ne comprendront pas.
Mais un film bouleversant et émouvant à plus d’un titre qui nous raconte que la haine de l’« autre » n’est décidément pas une fatalité et que notre rêve d’une Europe enfin unie (et fraternelle...) est peut-être né, ainsi, un soir de noël 1914...
Joyeux noël, donc...
(Juste préciser que cet article, republié ce jour, a initialement été publié le 9 novembre 2005 : au moment de la sortie de ce film sur les écrans français).
1. Le 3 décembre 2005 à 22:09, par Ronan Blaise En réponse à : Joyeux Noël, Merry Christmas, Frohe Weihnachten...
Juste préciser qu’avec plus de 500 000 entrées enregistrées lors de sa toute première semaine de diffusion et ayant réalisé là un très bon démarrage, le film ’’Joyeux Noël’’ a pareillement été plébiscité par ses tous premiers spectateurs.
Tout cela laisse augurer d’un très bon bouche à oreille qui (prévision du cumul final ’’France’’) devrait propulser le film vers les 4 millions d’entrées pour ce film très justement sélectionné pour représenter la France aux Oscars.
(Sources : Infos UGC / Wanadoo).
2. Le 31 janvier 2006 à 20:11, par Ronan Blaise En réponse à : Joyeux Noël, Merry Christmas, Frohe Weihnachten...
Et, en ce mardi 31 janvier 2006, on apprend donc que le film « Joyeux Noël » a bel et bien été nominé pour recevoir -peut-être- l’Oscar du ’’meilleur film étranger’’ (lors de cette 78e cérémonie des Oscars, qui -sous les bons auspices de l’ ’’Académie des arts et des sciences du cinéma’’ de Los Angeles- aura lieu le 5 mars prochain, au théâtre Kodak d’Hollywood).
Et maintenant que ces nominations ’’2006’’ ont été annoncées, les quelque 5.800 membres du ’’Collège électoral’’ de la dîte ’’Académie’’ doivent donc désormais choisir les vainqueurs ’’aux-statuettes-dorées’’, lors d’un vote (par courrier) qui doit se dérouler du 8 au 28 février prochains (dâte de cloture des votes...).
’’Joyeux Noël’’ : un film qui a, pour l’instant, fait près de 2 millions d’entrées (cumul France, fin janvier 2006) et qui -bien que n’étant pas encore sorti aux Etats-Unis- a récolté environ 3 millions d’euros de recettes dans 13 autres pays (européens essentiellement...).
3. Le 1er mars 2006 à 22:35, par CHRISTIAN En réponse à : Joyeux Noël, Merry Christmas, Frohe Weihnachten...
BONSOIR joyeux noel ! bravo ! LA GRANDE GUERRE EST TRES LOIN POUR LES JEUNES ! le souvenir se perpetue et il ne reste que 5 ,je crois poilus de 14/18 !!!ce sont donc 5 mémoires vives qui faut préserver encore et, leur « histoire »,( leur 5 histoires,),mériteraient d’être portées à l’écran par l’auteur de joyeux noel !! transmettez cette remarque et idée à l’auteur SVP !!merci pour nos poilus. CHRISTIAN
4. Le 6 mars 2006 à 07:08, par Ronan Blaise En réponse à : Joyeux Noël, Merry Christmas, Frohe Weihnachten...
Lendemains de soirée d’Oscars du 5 mars 2006 : finalement rien pour Joyeux Noël. Il faut dire aussi que la concurrence était rude.
Mais être déjà nominé pour une telle occasion, cela dépassait de très loin toutes les espérances jamais formulées par l’équipe de réalisation du film. Et rien que cela, ça vaut toutes les reconnaissances, sinon tous les Oscars. (Ronan).
5. Le 2 juin 2006 à 22:41, par Ronan Blaise En réponse à : Joyeux Noël, Merry Christmas, Frohe Weihnachten...
Et juste signaler que le DVD de ce fameux film intitulé ’’Joyeux Noël’’ est disponible dans le commerce depuis le 17 mai dernier.
6. Le 24 décembre 2007 à 17:38, par Joke En réponse à : Joyeux Noël, Merry Christmas, Frohe Weihnachten...
Et certains ne voient toujours pas l’intérêt de l’Europe !
And there are still some who don’t want to see what Europe is about...
7. Le 25 décembre 2007 à 15:36, par Ronan En réponse à : Joyeux Noël, Merry Christmas, Frohe Weihnachten...
Hier soir, soir de Noël en ce 24 décembre 2007, le film repassait sur le cable... Film pas franchement "gai- gai", mais émouvant tout de même (et regardé en famille, néanmoins...). D’où il ressort :
(1) Que le chant et la (belle) musique sont un excellent fédérateur...
(2) Que le latin était également - autrefois - un extraordinaire fédérateur. Et si c’est bien le même objectif ’’fédérateur’’ que poursuivent bel et bien les Espérantistes qui viennent régulièrement visiter ce site, ma foi pourquoi pas (et félicitations) : mais juste que ceux-là comprennent bien que trop de "systématisme" (voire d’outrances) de leur part pourrait (à force de heurter, d’énerver voire de braquer leurs lecteurs...) se révéler être franchement contreproductif pour la très noble cause qu’ils prétendent défendre...
(4) Que la religion (et la foi chrétienne alors partagée en Europe...) pourrait également être un excellent fédérateur ’’supranational’’ ; mais à condition - toutefois - de ne pas servir que de ’’ciment tribal’’, de ’’prétexte oppositionnel’’, de ’’justificatif’’ à la boucherie et/ou de ’’ligne de front de plus’’ à des communautés nationales déjà opposées (« Gott mit uns », et ’’mit uns’’ bien entendu...).
(5) Que le ’’conditionnement’’ nationaliste à la veille de la guerre de 1914 était alors tel que - en ce soir de la Noël 1914 - même le moindre geste de bonne volonté émanant de l’ ’’ennemi’’ est alors systématiquement et préalablement d’abord perçu comme une ruse (forcément...), un piège éventuel, une diversion certaine de la part d’êtres ennemis unilatéralement présentés comme fondamentalement différents, sinon de nature intraséquement perverse (voire démoniaque...).
Où il apparait alors - lors de ces "fraternisations de la Noël 1914" et dans un climat de paix "armée" néanmoins quelque peu "tendue" (excusez du peu...) - qu’il suffirait alors d’un rien ’’accidentel’’ (d’un tir de ’’pétard’’ inopportun ou de quelques esprits ’’échauffés’’ un peu trop alcoolisés...) pour que ce "réveillon" fraternel et improvisé ne se transforme alors en une tragique boucherie. D’où le sens profond de l’expression ’’hommes de bonne volonté’’, sans aucun doute...
(6) Où on se rend compte que les pauvres gars (ouvriers, paysans, petites gens) convoqués là par leurs Etats-majors respectifs pour - au nom d’une prétendue ’’solidarité nationale supérieure’’, au nom de la défense de ’’grands principes’’, sinon au nom de la défense de la ’’Civilisation’’ (rien que ça...) - aller s’entretuer sur la ligne de front ont - malgré leurs différences de nationalités, de culture et de langues - probablement plus de points communs entre eux qu’avec les planqués de l’arrière qui, tranquillement installés au chaud chez eux, bouffent alors de la dinde aux marrons en braillant « Mort aux boches ! ».
De là à dire que les pauvres gens n’ont décidément pas de patrie et que le nationalisme est là un prétexte instrumentalisé pour servir bien d’autres intérêts mercantiles (sinon le refuge - idéologiquement commode - des assassins professionnels...), il n’y a qu’un pas... Reste donc à trouver le moyen de faire vivre ensemble - pacifiquement - tout ce beau monde. D’où le caractère éminemment (et positivement) révolutionnaire - pour l’époque d’alors et pour notre temps encore - des idées européennes et fédéralistes, sans aucun doute...
8. Le 19 octobre 2011 à 16:37, par stephro En réponse à : Joyeux Noël, Merry Christmas, Frohe Weihnachten...
Je ne sais pas comment vous faîtes pour trouver des films comme celui-ci. C’est fou comme les jeunes étaient embrigadés et instrumentalisés pour les besoins de la guerre. C’est bien que ce film ait rencontré un certain succès et votre article donne envie d’en savoir plus.
9. Le 28 décembre 2014 à 18:12, par Jacques Fayette En réponse à : Joyeux Noël, Merry Christmas, Frohe Weihnachten...
Je me souviens d’avoir vu ce film et d’avoir participé au financement du monument commémoratif qui a été érigé à l’endroit où le prêtre écossais a célébré la messe. Je me suis souvenu immédiatement de mon premier voyage à Verdun, j’avais 21 ans et j’étais à l’Université d’été de Luxembourg où je suivais des cours sur le « Marché Commun ». Trois ans avant grâce à André Darteil, j’avais rencontré Altiero Spinelli et avait été élu au Congrès du Peuple européen.
Sur le Fort de Vaux j’ai vu arriver un vieux monsieur aidé par sa fille et son gendre, il avait fait partie du régiment allemand qui en juin 1916, avait pris le Fort et il y a rencontré un ancien combattant français, j’ai servi d’interprète entre les deux hommes. J’ai fait le serment ce jour-là de lutter jusqu’à la fin de mes jours pour la Fédération européenne.
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