Les projets mettant les femmes à l’honneur se multiplient, à l’instar de « Femmes d’Europe & Initiative citoyenne » lancé cette année par la Fondation Robert Schuman, en partenariat avec la Direction générale Education et Culture de la Commission européenne, l’Institut Konstantinos Karamanlis pour la Démocratie, la Fondation polonaise Robert Schuman.
Entretien avec Pauline Massis Desmarest, rédacteur en chef de la Lettre, responsable de la communication internet à la Fondation Robert Schuman et chargée de projet « Femmes d’Europe&Initiative citoyenne ».
Quel tableau pourrions-nous dresser de la place des femmes en Europe ?
La situation des femmes en Europe s’améliore trop timidement et il reste encore bien des obstacles à surmonter. Comme le souligne la Commission européenne dans ses rapports annuels « des inégalités subsistent », « la disparité entre les sexes demeure toutefois bien réelle et, sur le marché du travail, les femmes sont toujours surreprésentées dans les secteurs les moins bien rémunérés et sous-représentées aux postes à responsabilités" [1] . Les chiffres publiés sur le site de la Commission sont révélateurs de ces inégalités persistantes entre les hommes et les femmes dans l’Union :
o "Le taux d’emploi des femmes varie entre 40% et 75%, avec une moyenne européenne de 75,8% pour les hommes et de 62,5% pour les femmes, soit 13% de moins pour les femmes.
o Seules 65,6% des femmes ayant des enfants de moins de 12 ans travaillent, contre 90,3% des hommes.
o Les femmes travaillent davantage à temps partiel que les hommes, et représentent plus de 75% des travailleurs à temps partiel, dans des secteurs et à des postes moins bien valorisés.
o Les femmes gagnent en moyenne 17,1% de moins que les hommes par heure de travail effectuée.
o Près de 60% des titulaires d’un diplôme universitaire sont des femmes, mais elles représentent pourtant moins de 33% des scientifiques et des ingénieurs de l’Union et constituent près de 80% de la population active dans les secteurs de la santé, de l’éducation et du bien-être" [2].
« Femmes d’Europe&Initiative citoyenne » est un projet européen qui consiste à « informer » les femmes et leur « donner la parole ». Comment ?
Ce projet s’inscrit dans un partenariat entre la Fondation et la Commission européenne qui existe depuis 4 ans maintenant, afin de comprendre ce que les femmes attendent de l’Europe, et pourquoi elles restent moins enthousiastes que les hommes vis-à-vis de la construction européenne.
Soucieuse d’avancer vers davantage de parité et d’égalité pour les femmes en Europe, la Fondation Robert Schuman a estimé judicieux de sensibiliser les femmes au nouvel outil mis en place par le Traité de Lisbonne qu’est l’initiative citoyenne européenne. Ce nouvel outil doit être envisagé comme un moyen permettant de mieux intégrer les Européennes dans l’espace politique et de faire valoir leurs droits. Notre projet consiste à informer et à expliquer aux femmes ce qu’est l’initiative citoyenne afin qu’elles se saisissent de ce nouvel outil pour porter ensemble leurs attentes et proposer une initiative à la Commission européenne le 1er avril 2012.
Le 21 septembre dernier, le Parlement européen a accueilli la conférence de clôture du projet. Quelles en étaient les principales conclusions ? Qu’a révélé le questionnaire sur les attentes des femmes vis-à-vis de l’Europe ?
La conférence organisée le 21 septembre 2011 a été le point culminant du projet. Elle a rassemblé des femmes de tous horizons soucieuses de promouvoir leurs droits en Europe. En amont de cette conférence, la Fondation a réalisé un sondage en ligne auprès de 3 500 femmes entre le 1er mars et le 15 septembre 2011 sur les Femmes, l’Europe et l’Initiative citoyenne. Les résultats de l’enquête ont été présentés lors de la seconde table ronde par le directeur général de la Fondation, Pascale Joannin. On peut retenir quatre idées majeures :
o Le thème de l’égalité des sexes arrive en tête des attentes des citoyennes (98,82%), dont une majorité pense que l’action de l’Union européenne est insuffisante dans ce domaine. 75% considèrent que l’égalité salariale est un domaine peu couvert par les politiques européennes.
o Le travail féminin (84,16%), l’éducation (55,81%), la famille (52,76%) et l’immigration (27,97%) sont les questions qui préoccupent le plus les femmes.
o La conciliation entre vies professionnelle et familiale (45,72%), la place des femmes dans les espaces de pouvoir (20,72%), la lutte contre les discriminations (16,95%) font également partie des thèmes dont les femmes estiment qu’ils ne sont pas assez traités par l’Union européenne. Près de 2/3 des personnes interrogées (61,85%) considèrent que le niveau de participation des femmes aux postes à responsabilité dans les entreprises et dans la vie publique est insuffisant.
o Une très large majorité (86%) désigne en priorité le thème de l’égalité et de la parité pouvant faire l’objet d’une initiative citoyenne européenne ; 53% souhaitent que l’égalité salariale fasse l’objet d’une initiative citoyenne européenne.
Que retenir alors de la conférence du 21 septembre ?
Au-delà des conclusions spécifiques sur chacune des tables rondes, les participantes ont montré leur volonté de lancer une initiative citoyenne dès le 1er avril 2012. C’est pourquoi la Fondation a mis en place sur son site http://www.femmes-europe.eu/index.php?ln=fr un espace dans lequel les femmes peuvent préciser leurs idées et débattre en elles. Elles ont décidé de se retrouver au printemps prochain pour affiner leur projet d’initiative citoyenne.
Comment le nouvel outil de l’initiative citoyenne européenne peut-il aider à faire progresser la voix des femmes ?
La crise que l’Europe traverse est à la fois une crise économique mais aussi une crise des valeurs démocratiques où protectionnisme et nationalisme refont surface. Dans ce contexte et pour éviter une faillite de l’Europe, il est primordial d’impliquer les citoyens dans le débat européen et de rendre effective la démocratie participative.
Les femmes doivent être les premières à utiliser ce nouvel outil pour faire entendre leur voix. L’initiative citoyenne représente un outil formidable de mobilisation ; les femmes peuvent l’utiliser et demander à ce que l’égalité hommes/femmes soit enfin réelle et pas tronquée.
L’Europe a fait beaucoup en faveur des femmes mais n’est pas encore parvenue à une situation satisfaisante. Les femmes peuvent donc légitimement demander une amélioration de la législation européenne les concernant. L’espace ouvert sur notre site est disponible pour les femmes désireuses de faire évoluer la situation. Elles peuvent ainsi unir leurs compétences (juridiques, rédactionnelles), et être une force de proposition pour lancer une initiative citoyenne.
1. Le 17 novembre 2011 à 11:53, par HERBINET En réponse à : L’Europe des femmes – Femmes d’Europe & Initiative citoyenne
Pays nordiques et parité hommes-femmes
La France doit s’inspirer du modèle nordique.
Savez-vous pourquoi certaines femmes cumulent plusieurs postes d’administratrices dans les CA ? La réponse est sans détour : elles sont trop peu nombreuses ! En France, le constat de la parité hommes-femmes est édifiant. Les femmes peuplent majoritairement la France et elles constituent 53 % de l’électorat. L’écart de salaire entre les femmes et les hommes avoisine les 20 %. Le niveau d’éducation féminin a rejoint, même dépassé celui des hommes. Le taux de chômage des femmes est plus élevé. L’accès des femmes aux responsabilités se heurte à la résistance du « plafond de verre » . Riche de cet enseignement, comment améliorer la situation ?
*
Bien que l’égalité est un principe fondamentalement ancré dans l’histoire de la construction européenne, malgré une société en mutation depuis la seconde guerre mondiale, l’égalité hommes-femmes doit devenir effective dans nos vies. Si l’égalité est une composante majeure de l’essor économique, malheureusement, trop souvent, les entreprises et les administrations ont de bonnes excuses pour refuser aux femmes l’accès aux responsabilités qu’elles méritent, pourtant ! Qui dit « mise en lumière des bonnes pratiques », dit s’affranchir des « mauvaises » et les bannir à jamais. A la question stupide « mais qui va garder les enfants ? », fuse la réponse (bourgeoise, souvent), « si vous pouvez me l’épargner ! ». Pour faire évoluer les mentalités, il s’agit de réaliser le bon diagnostic en favorisant la méthode de l’approche globale, sans oublier d’effectuer un travail de veille chez nos voisins européens (pays nordiques), qui brillent par l’exemplarité de la politique en faveur de la parité. La Suède et la Norvège sont des exemples, dont la France a le devoir de s’inspirer. L’objectif est bien de s’attaquer aux causes, c’est-à-dire les « racines du mal » pour éradiquer la discrimination sexiste (et donc l’accès aux femmes aux postes à responsabilité). La stratégie passe surtout par l’éducation dès les premières années pour prévenir la construction des stéréotypes. En « copiant » le système de la parité en Suède et en Norvège, peut-être arriverons-nous à moderniser le fonctionnement franco-français de nos institutions « grippées » par tant de conservatisme. Grâce à l’exercice des principes démocratiques, ces pays, même si les inégalités persistent, ont su surmonter les obstacles, qui sont les nôtres en France. Savez-vous, ce que pesanteur sociale veut dire ?
La Suède et la Norvège à la loupe
Une réussite pour la Norvège, meilleure élève en la matière. Les résultats sont probants puisque ce pays nordique, qui a imposé à ses entreprises des quotas, se distingue par un taux très élevé de femmes administratrices. La Norvège a démontré sa capacité à rééquilibrer les rapports hommes-femmes. Dans ce pays, Il y a pratiquement maintenant autant de femmes que d’hommes sur le marché du travail. La clé fut la création des garderies. La bonne pratique, c’est de concilier vie de famille et emploi, du fait du système généralisé de garde des enfants. Par exemple, un homme a droit à un congé paternité de 6 mois avec une compensation salariale de 100 %.
La représentation féminine dans la vie politique norvégienne est élevée : 40 % des Députés sont des femmes. Les proportions se retrouvent au niveau local. En fait, ce résultat a été obtenu à la suite des campagnes précédant les élections, puis de quotas mis en place. Pour en arriver à un résultat si élogieux, il faut remercier la courageuse politique norvégienne de l’égalité, qui est innovante, ambitieuse et juste. De dimension générale sur le principe de l’égalité, elle a promu l’égalité des droits, l’absence de violence sexuelle, la distribution égale du pouvoir, l’indépendance économique des femmes, l’égalité des chances sur le marché du travail, l’égalité des chances pour l’accès à l’éducation.
La voie est effectivement ouverte par les pays nordiques, qui sont des modèles du genre. A savoir, si la France doit s’inspirer des pratiques suédoises, sachant que la situation culturelle est différente, le débat nous renseignera. Les pouvoirs publics encouragent les femmes à une activité professionnelle. Les parents doivent acquérir une expérience professionnelle avant de donner la vie, puis la volonté politique les incite à reprendre le travail suite au congé parental. Le système social repose sur le principe de l’autonomie financière entre hommes et femmes. Le fisc et les assurances sociales placent sur un pied d’égalité les deux sexes. Chaque individu est imposé séparément. La « ristourne fiscale » pour les familles n’existe pas. La clé : l’assurance parentale. L’assurance parentale permet un taux d’activité élevé. Le partage des prestations de l’assurance parentale est le signe que le couple partage les autres responsabilités. Si l’assurance parentale est individualisée, l’objectif est que les pères et les mères se partagent avec équité le congé parental. Outre l’assurance familiale et l’imposition partagée, la Suède ouvre la voie sur le développement des structures d’accueil de l’enfance. Elle est aussi innovante concernant l’aide aux personnes âgées. La prise en charge est organisée par les communes. D’autre part, les enfants n’ont pas d’obligation d’assistance envers les parents âgés.
Le modèle appliqué en Suède conjugue féminisme et bien-être. En revanche, des lacunes sont observées. Bien que les femmes soient mieux formées que les hommes, les écarts de salaires persistent. Pourquoi ? Les prestations des hommes dans les entreprises sont mieux valorisées. Pour lutter contre les causes, il faut demander à l’employeur de présenter annuellement un inventaire global des salaires versés dans l’entreprise et de corriger les écarts salariaux injustifiés. Un plan pour l’égalité des salaires doit être mis en place mais aussi pour tous les aspects de l’égalité sur le lieu de travail.
* * *
Au travail, une femme formée et motivée, se doit d’être l’égale d’un homme, puisque les compétences n’ont pas de sexe. En revanche, l’égalité des salaires est un long et laborieux processus. S’inspirer du modèle nordique, c’est avoir recours à des quotas homme-femmes dans les conseils d’administration. Les gouvernements nordiques imposent des quotas dans les conseils d’administration. Le respect de la parité est devenu une stratégie commerciale pour de nombreuses entreprises. La France doit s’inspirer du modèle nordique.
Suivre les commentaires : |