L’Europe doit construire avec les BRIC

, par Maël Donoso

L'Europe doit construire avec les BRIC

Le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine ont récemment formé une alliance stratégique connue sous l’acronyme BRIC. Quelle sera l’influence de ce groupe dans l’ordre du monde, et comment l’Europe doit-elle se positionner face à cette nouvelle donnée géopolitique ?

Inauguré officiellement le 16 juin dernier à Iekaterinbourg, en Russie, le BRIC (alliance qui réunit le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine) traduit d’abord une réalité, celle de quatre économies à forte croissance, dont le poids dans les échanges commerciaux planétaires est en augmentation constante. L’objectif premier du BRIC est de favoriser les synergies entre ces quatre économies, au sein d’une alliance stratégique qui serait hautement profitable à tous ses membres.

Le Brésil trouverait ainsi un marché pour écouler sa production agricole et ses matières premières. La Russie diversifierait ses exportations de pétrole, de gaz et de matériel militaire. L’Inde pérenniserait ses activités dans les produits technologiques. La Chine, finalement, assurerait de nouveaux débouchés pour les biens issus de son tissu industriel. Les économies du BRIC parient donc sur leur complémentarité pour faire de leur réseau un nouveau levier économique, et améliorer leur influence sur la scène internationale [1].

La pertinence du BRIC comme acteur politique

S’ils sont d’abord liés par des considérations économiques, ces pays sont également unis par des enjeux politiques, dans un système planétaire qui reste fortement dominé par les États-Unis et l’Europe. Une meilleure représentation dans les institutions internationales, et la remise en question du dollar comme monnaie de référence, sont deux revendications importantes du BRIC, qui représente près de 40% de la population mondiale.

Cette nouvelle alliance est-elle pertinente ? Le BRIC sera-t-il un acteur important dans les futurs enjeux stratégiques ? On peut naturellement objecter que ces quatre pays ont des modes de gouvernement sensiblement différents, et qu’il leur serait donc difficile de parvenir à une coopération politique renforcée à moyen terme. Si la viabilité de ce groupe et sa pertinence restent à démontrer, l’interrelation de ces quatre économies et l’intérêt commun des Brésiliens, des Russes, des Indiens et des Chinois à voir leur influence reconnue sont des réalités indéniables.

Vers une intégration politique mondiale

Avant tout, la fondation du BRIC est un argument de plus en faveur de la nécessité de procéder, par étapes, à une intégration politique mondiale. La vision naïve qui oppose les puissances émergentes aux groupes politiques anciennement développés ne reflète sans doute pas la réalité : après tout, la Russie et la Chine sont membres permanents du Conseil de Sécurité aux côtés des pays occidentaux, et tous les pays du BRIC ont été représentés au dernier G20 de Londres. Les lignes de fracture sur la scène internationale ne sont ni claires ni définitives, la seule chose certaine est la tendance à l’intégration politique que nous observons actuellement.

Au niveau mondial, la nécessité de mettre en synergie des économies complémentaires, de réguler la finance, d’agir pour l’environnement, et de mettre en commun nos ressources humaines, scientifiques et technologiques, appelle désormais à réformer les grandes institutions internationales, en revoyant en particulier le rôle des Nations Unies. Encore une fois, nous pouvons considérer l’Union européenne comme le laboratoire d’un processus fédérateur, qui pourra non seulement s’exporter dans d’autres régions du monde, mais s’appliquer un jour directement à l’échelle planétaire.

Ce processus d’intégration, qui est déjà à l’œuvre, doit être porté par des idées directrices fortes. La démocratie, le respect des droits humains, la valorisation du savoir et de l’éducation en sont quelques-unes. À l’heure où les relations entre groupes politiques se diversifient et où les niveaux de gouvernance se superposent, il devient également essentiel de réfléchir à un moyen équitable de répartir le pouvoir décisionnel aux échelles les plus adéquates, autrement dit de préparer le terrain pour une fédération mondiale.

Le rôle de l’Europe

Pionniers de l’intégration politique, les Européens devraient avant tout montrer l’exemple en encourageant l’adaptation des institutions internationales, dans un sens qui reflèterait davantage l’équilibre des forces actuel. Ils devraient également encourager les initiatives qui conduiraient à une intégration planétaire, par exemple l’adoption d’une monnaie mondiale, qui a été proposée en particulier par Zhou Xiaochuan, gouverneur de la Banque centrale de Chine, quelques jours avant la tenue du G20 [2].

L’expérience issue de la construction européenne devrait nous donner les moyens d’anticiper et d’accompagner les grands mouvements fédérateurs mondiaux. Avec leur expérience, leurs ressources, leur diplomatie, les Européens peuvent exercer un effet de levier considérable sur les grandes alliances stratégiques qui se nouent aujourd’hui sur la planète. En ce sens, il serait utile de porter régulièrement notre regard au-delà de l’Occident, et de réfléchir plus profondément à la place que l’Europe pourrait occuper dans les relations entre les grands groupes politiques.

Et si l’Europe devenait le leader de l’éducation, du développement durable et de la recherche scientifique ? Et si l’Europe pariait sur le développement de l’industrie high-tech, des produits agricoles de qualité et des services d’expertise ? Les Européens gagneraient alors un positionnement unique, qui leur permettrait de s’adapter à la demande mondiale. C’est en tenant compte des nouvelles alliances stratégiques planétaires que l’Europe doit décider de sa politique économique, et des futures priorités de sa diplomatie.

Que ce soit avec les membres du BRIC ou ses autres partenaires, l’Europe doit construire une relation de confiance et de développement mutuel, qui jettera les bases d’une nouvelle gouvernance mondiale.

Illustration : photographie des chefs d’État et de gouvernement du BRIC en 2008. Source : Wikimedia.

Vos commentaires
  • Le 20 août 2009 à 06:35, par Martina Latina En réponse à : L’Europe doit construire avec les BRIC

    Oui, regardons plus loin, vers les BRIC et les autres, à la suite d’EUROPE dont le nom signifie « Vaste-Vue » et qu’un prodigieux TAURILLON déposa sur un rivage inconnu comme porteuse des inventions nautiques, alphabétiques et démocratiques du Levant, avec notre expérience d’ouverture et de concertation européennes, à commencer par l’environnement - donc pour le prochain sommet de Copenhague -

    sans oublier l’anecdote rapportée récemment par Mme Catherine Trautmann ; un ancien ministre japonais lui faisait part de la nécessité qui se faisait jour de « faire une Europe asiatique », et de créer dans son pays des « écoles de démocratie » : car, disait-il, les Asiatiques ont beau connaître depuis des siècles égalité, solidarité - il leur manque toujours l’exercice de la liberté.

    Songeons à ces continents entiers qui aspirent comme le nôtre au partage équitable et fraternel de cette dignité, mais sans l’avoir encore jamais goûtée !

  • Le 24 août 2009 à 11:23, par Ronan En réponse à : L’Europe doit construire avec les BRIC

    « ONU, Conseil de Sécurité, G8, G20, BRIC » ...

    Reste à savoir comment tout cela s’articulera. Notamment avec les Unions régionales en Amsud (Mercosur devenu CSAN) et en Extrême Orient (avec le projet d’EAC).

    (Cf. http://www.taurillon.org/Vers-des-Etats-Unis-d-Amerique-du-sud ). (Cf. http://www.taurillon.org/Vers-une-Union-regionale-en-Asie-orientale ).

    Pour l’instant il semblerait que les BRIC soit juste une alliance conjoncturelle pour (l’Inde et le Brésil) mettre le pied dans la porte et forcer l’entrée du Conseil de sécurité et du G8 ; et pour (Russie et Chine) y augmenter leur influence grâce à de nouveaux alliés.

    Où l’on voit donc se déplacer le centre de gravité de la gouvernance modiale mais sans - toutefois - que les règles du jeu changent de façon fondamentale : avec de nouveaux acteurs mais avec toujours les mêmes logiques nationales de rapports de force.

    L’alternative restant toujours la même : les institutions internationales sont un théâtre où les relations entre « grandes puissances » (reconnues ou souhaitant l’être) oscillent entre coopération et confrontation. Manque la dimension de l’intégration.

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