Suite à un avis d’expulsion le concernant, Daniel Cohn-Bendit, de nationalité allemande invoque une directive communautaire pour faire annuler la décision du ministre de l’intérieur à son égard. Après avoir essuyé un refus, une procédure s’engage et il appartient au Conseil d’État de porter le coup de grâce. La Haute juridiction déclare qu’une directive communautaire ne saurait être invoquée à l’appui d’un recours dirigé contre un acte administratif individuel. La réponse est sans appel, le juge français ne veut pas faire application d’un droit communautaire de plus en plus envahissant.
L’effritement progressif de la jurisprudence Cohn-Bendit
Cette décision s’oppose pourtant à une jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés Européennes qui reconnait un effet direct des directives dans les ordres juridiques internes, dans un souci d’harmonie européenne et de cohérence des jurisprudences et des droits (CJCE, 6 octobre 1970, Franz Grad). Mais le juge français s’obstine. La guerre des juges débute sur fond d’opposition doctrinale concernant la place faite au droit communautaire dans le droit positif français.
Ce désaccord jurisprudentiel n’est pas sans conséquence sur la protection des droits des justiciables qui ne savent plus quels sont les textes communautaires invocables ou non tant la jurisprudence sur la question est mouvante. L’abandon de cette jurisprudence est souhaitable et souhaitée. Peu à peu, le Conseil d’État rend des décisions qui effritent la jurisprudence Cohn-Bendit. En 1989, le Conseil d’État déclare que le juge administratif ne peut laisser perdurer des dispositions règlementaires contraires aux objectifs des directives (CE, Ass, 3 février 1989, Compagnie Alitalia). Plus récemment, il se dit prêt à contrôler la conformité des actes règlementaires avec le droit communautaire (CE, ass, 8 décembre 2007, Société Arcelor Atlantique et Lorraine).
La mort annoncée de la jurisprudence Cohn-Bendit ne fait nul doute. Et c’est le 30 octobre 2009 que le Conseil d’État fait sauter le dernier verrou quant à l’effet direct des directives communautaires dans son arrêt « Madame Perreux ».
La consécration du droit communautaire par l’arrêt « Madame Perreux »
Madame Perreux a fait l’objet de plusieurs refus de nomination au poste de chargée de formation à l’Ecole nationale de la magistrature. En tant que présidente du syndicat de la Magistrature, elle se dit victime d’une discrimination fondée sur l’appartenance syndicale et invoque l’article 10 de la directive du 27 novembre 2000 qui aménage les règles de preuve en matière de discrimination. Mais, le 2 décembre 2003, le délai de transposition de la directive en droit interne est expiré.
Pourtant, et c’est toute la nouveauté de l’arrêt, le Conseil d’État reconnait l’effet direct d’une directive non transposée en cas de recours contre un acte administratif règlementaire à condition que les dispositions soient précises et inconditionnelles. Le Conseil d’État considère que « tout justiciable peut se prévaloir, à l’appui d’un recours dirigé contre un acte administratif non règlementaire des dispositions précises et inconditionnelles d’une directive ». Le juge administratif français lève le drapeau blanc, c’est la fin de la jurisprudence Cohn-Bendit, la fin du conflit
L’armistice juridique annonce la réconciliation du droit communautaire et du droit interne (si tenté qu’ils aient été fâchés un jour). Il semble que le droit français, et surtout ceux qui le font et qui l’appliquent, soient résignés à faire place au droit communautaire. Deux fondements justifient cela : le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) le prévoit dans ses articles 288 et 291. La ratification du traité de Lisbonne par la France a un peu poussé le Conseil d’État à rendre cette décision, dans un souci d’adéquation avec le vote des deux Assemblées réunies en Congrès le 8 février 2008. Mais c’est surtout l’article 88-1 de la Constitution française qui prévoit que la transposition des directives communautaires est une obligation constitutionnelle. Durant tout ce temps, le juge administratif français qui ne reconnaissait aucun effet direct aux directives se mettait dans une position de la plus stricte incohérence. Ce méli-mélo juridique d’une complexité certaine trouve finalement une issue dans l’arrêt « Madame Perreux ».
Alors, consécration ou pas consécration du droit communautaire ? Les liens entre le droit interne et le droit communautaire se resserrent toujours plus grâce à cet arrêt, signe de la fin d’une histoire d’amour et de désamour, un « guerre et paix » juridique.
Les effets d’un tel bouleversement juridique
Mathias Guyomar, rapporteur public au Conseil d’État s’était prononcé en faveur de la reconnaissance de l’effet direct des directives. Il fallait enfin donner la possibilité aux justiciables qui se présentent devant les tribunaux administratifs français d’invoquer une directive non encore transposée à l’encontre de l’État. La consécration de cet « effet vertical ascendant » comme la doctrine l’appelle, est une garantie supplémentaire pour la défense des droits des citoyens, mais aussi une manière de soumettre davantage l’administration française au droit communautaire.
La jurisprudence Perreux a le mérite de tomber à pic avec l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne depuis le 1er décembre 2009. L’abandon de la jurisprudence Cohn-Bendit est un symbole extrêmement fort de l’amorce d’une harmonisation jurisprudentielle entre les juridictions françaises et la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE).
1. Le 26 février 2011 à 13:50, par Barbara En réponse à : L’effet direct des directives : une régularisation attendue
Bonjour, enfin un article qui explique bien l’arrte Madmae Perreux du CE ! Je suis contente d’avoir découvert ce site !
2. Le 3 mars 2011 à 09:30, par moi En réponse à : L’effet direct des directives : une régularisation attendue
Bonjour j’aurai aime plus de renseignement sur les consequences de la directives sur la France et sur les Francais
Suivre les commentaires : |