Un accord de défense sans précédent
C’est un grand pas en avant que vient d’effectuer l’Europe par l’intermédiaire de la France et du Royaume-Uni. Un accord militaire a été signé en effet le 2 novembre dernier entre les deux pays, fixant ainsi une base militaire en Europe alors que le débat sur un organisme de défense commune était relancé depuis plusieurs années. La brigade franco-allemande, créée en novembre 1987, avait déjà dressé l’espoir d’une Europe de la défense, mais elle s’était soldée par un simple partenariat militaire entre la France et l’Allemagne.
C’est ce qui diffère dans le nouvel accord franco-britannique. Cet accord est plus qu’un simple partenariat : une véritable collaboration dans le domaine de la construction militaire ainsi que dans le domaine d’opérations extérieures. Dès 2011, environ 5000 hommes issus des forces françaises et britanniques s’entraîneront conjointement. Par ailleurs, le traité vise à regrouper les industries d’armement, et à limiter les coûts de recherche et de développement, plus particulièrement dans le domaine nucléaire.
Une Europe de la défense projetée il y a 60 ans déjà
Il y a 58 ans déjà, la Communauté européenne de défense (CED) proposait la création d’une véritable armée européenne, en vain. Le projet fut signé par les six États membres, France, Allemagne de l’Ouest, Italie, Belgique, Pays-Bas et Luxembourg, mais fut avorté suite au refus de ratification française, par la voie majoritairement contre de l’Assemblée nationale. Les inutiles crispations françaises face au réarmement allemand – celui-ci aura lieu de toute façon, mais dans le cadre de l’OTAN – mirent brutalement fin à un projet qui eut imprimé sa marque sur l’identité européenne.
Aujourd’hui, grâce au traité franco-britannique, c’est toute la machine militaire européenne qui est relancée, forte en matière de défense. L’Angleterre et la France sont en effet les seuls pays européens possédant l’arme nucléaire. Toutefois, le traité n’est qu’une nouvelle base à la construction européenne, qui ne doit pas rester en jachère. Et malgré l’effort des deux ministres de la défense, on peut mettre en cause l’absence d’autres forces européennes telles l’Allemagne, l’Italie ou l’Espagne, qui possèdent de nombreux contingents autour du globe. Il est en effet difficile de créer une Europe de la défense à deux, d’autant plus si l’on considère les liens fraternels unissant aujourd’hui la France à son voisin d’outre-Rhin. On ne peut que se désoler de ne pas voir le traité renforcé par l’implication de l’état-major allemand.
Un accord hanté par un passé chaotique
Cet accord n’est pas sans suites économiques. Le montant de cette coopération n’est toujours pas évalué, et ne le sera probablement pas, puisque la France et surtout l’Angleterre ont lancé des plans drastiques de restriction des finances en matière de défense. Mais à quelle hauteur ? Les priorités de l’un peuvent être le dernier des soucis de l’autre. Le danger serait que l’une des deux nations veuille mettre fin à l’accord, sous prétexte d’une implication humaine trop fragile ou d’un engagement financier trop faible de la part du partenaire. L’Angleterre, l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie en ont déjà fait les frais dans le cadre du projet de l’Eurofighter. Ce projet portant sur un avion de chasse commun prévu pour le début des années 1990 a été renégocié de trop nombreuses fois, retardant considérablement son arrivée, et lui faisant manquer son but. De nombreuses constructions ont du être abandonnées, et le nombre initial de commandes s’est trouvé en net recul. C’est très précisément contre ce type de dangers que la France et l’Angleterre doivent se réunir pour prévenir un échec.
Enfin, l’Angleterre est plus réputée pour fustiger l’UE que pour en apprécier les réalisations. Sa participation initiale dans un projet bilatéral d’une telle ampleur pourrait cantonner celui-ci à deux pays, ou au contraire lever un obstacle de poids dans la construction de l’Europe de la défense. Toute proportion gardée, on peut donc se féliciter de ce partenariat et en attendre les fruits. The die is cast
1. Le 24 novembre 2010 à 23:15, par Xav En réponse à : L’union fait la force, United we stand, divided we fall
Il faudrait aussi faire remarquer qu’avec une Europe Fédérale qui s’occupe de la diplomatie et donc de l’armée, il n’y aurait plus ce genre de problèmes.
2. Le 25 novembre 2010 à 17:46, par Vincent Bour En réponse à : L’union fait la force, United we stand, divided we fall
Tout à fait d’accord avec vous. Toutefois, l’aboutissement à une Europe fédérale reste difficile à obtenir du jour au lendemain. c’est donc pour cette raison qu’il faut encourager les moindres action en faveur de l’Europe fédérale.
3. Le 26 novembre 2010 à 09:44, par Mathis En réponse à : L’union fait la force, United we stand, divided we fall
C’est une très bonne initiative, ca va permettre de nous donner une puissance plus forte, de nous donner une parole et un mot à dire face aux autres grandes puissances. Avec d’un côté les États-unis et de l’autre les géants asiatiques Chinois et Indien, il faut réagir et ceci est une bonne façon de réagir.
4. Le 26 novembre 2010 à 15:13, par A. Thomas En réponse à : L’union fait la force, United we stand, divided we fall
Article intéressant qui replace l´accord F-GB dans un cadre historique. Il est certain qu´une armée européenne a toujours été une vision des fervents défenseurs de l´idée d´une Europe forte et étroitement unie. Mais la réalité est que les européens sont fondamentalement pacifistes et rechignent aux dépenses militaires : le patriotisme avec sa composante militaire tel que le vivent les Etats-Unis n´est pas de mise en Europe. La construction européenne s´est bâtie autour de la volonté d´installer une paix durable sur le continent à l´abri du « parapluie » militaire américain. Les deux « puissances nucléaires » européennes, la France et le Royaume-Uni, s´appuient sur leur passé de puissance impériale et apparaissent, en particulier pour les pays émergeants, comme anachroniques...Est-ce que l´« union » de deux puissances en déclin peut véritablement être facteur de force pour que l´Europe puisse peser dans le monde ? Il faut en débattre.
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