La crise de la zone euro et les BRICS

, par Nelson Belloni, Traduit par Mathieu Goethals

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La crise de la zone euro et les BRICS
Herman van Rompuy, Hu Jintao et José Manuel Barroso (de droite à gauche) © Services audiovisuels de la Commission européenne

L’ampleur et la durée de la crise de la Zone euro préoccupent encore et toujours les dirigeants du monde entier, et plus particulièrement ceux des États-Unis et des pays BRICS. Même la Chine craint les effets de l’interminable récession dans laquelle est plongée l’Europe. Dernièrement, Wen Jibao s’est exprimé en ce sens à plusieurs reprises. Le Fonds Monétaire International affirme pour sa part que si l’Europe ne sort pas bientôt de la crise, elle risque de se retrouver dans une situation comparable à celle des années trente.

Conséquence de la crise, la Chine a enregistré cette année un ralentissement notable de sa production. Les experts économiques examinent la situation avec attention pour tenter d’évaluer l’ampleur du phénomène et tenter ainsi d’en prévenir les effets. La croissance du Brésil stagnera aussi en 2012, alors qu’elle avait déjà ralenti l’an dernier. En effet, la contraction de la production industrielle en Europe, marché vital pour le pays sud-américain, avait engendré une diminution des prix et des quantités de l’exportation des matières premières du Brésil vers le Vieux Continent. Le Brésil est également touché par la baisse de la production chinoise, la Chine étant devenue son premier partenaire commercial, devant les États-Unis.

La croissance indienne suit aussi la tendance de ces dernières années. C’est à New Delhi, d’ailleurs, que s’est tenu en mars le dernier sommet des pays BRICS durant lequel ces derniers ont confirmé leur volonté de renforcer leur coopération économique et politique. Les BRICS se sont également prononcés en faveur d’une stimulation de la demande interne et des échanges commerciaux entre eux en utilisant, à cette fin, leurs propres devises. Au vu de la crise qui touche les pays occidentaux, l’objectif des BRICS est donc de ne plus dépendre des pays occidentaux. À cet égard, ils ont émis l’idée d’une banque d’investissements, que les analystes surnomment la Banque des Brics, pour promouvoir les investissements sur les marchés émergents et dans les pays en développement. Dilma Rousseff et Hu Jintao ont soutenu ce projet pour concurrencer la Banque mondiale et la Banque asiatique de développement et pour favoriser les investissements dans les pays en développement et ainsi les libérer du marché européen et de sa crise à moyen et long termes. À court terme, en revanche, les BRICS ont pour objectif de renforcer leur marché interne pour les mêmes raisons. Les cinq dirigeants se sont également exprimés à l’encontre de la position américaine concernant la Syrie et l’Iran et ont discuté du retrait imminent des troupes américaines et européennes d’Afghanistan.

En dépit du ralentissement économique des BRICS, le poids que ces pays ont pris sur la scène politique internationale n’est pas près de s’alléger : ces pays représentent 30 % du PIB mondial. La Chine arrive au deuxième rang des pays producteurs avec une part de 18 % de la production mondiale, contre 21%pour les États-Unis. S’il s’agit d’un chiffre important, il n’en reste pas moins que l’écart s’est creusé cette année en faveur des États-Unis. Cependant, la crise n’empêche pas la Chine de mettre le Japon et les États-Unis en difficulté dans la mer de Chine méridionale et orientale. La situation dans la région est de plus en plus tendue, à tel point que le gouvernement Noda réfléchit à l’éventualité d’acquérir des armes britanniques pour renforcer son propre arsenal militaire et ainsi contrer la montée en puissance de la marine chinoise.

Si beaucoup se réjouissent du ralentissement de la croissance chinoise, ce dernier n’enlève rien au fait que la Chine possède sur son territoire 23 % des réserves mondiales de terres rares, essentielles à la production de hautes technologies, et qu’elle est parvenue à s’accaparer 95 % des réserves mondiales, imposant ainsi à sa guise des limites à la production et des quotas à l’exportation desdites ressources.

Les États-Unis, dont la croissance atteint timidement les 2 % du PIB, ont insisté auprès de la Chine pour que celle-ci réévalue le taux de change du Renminbi afin de limiter ses exportations, en vain. La Chine continue de consacrer la moitié de ses ressources aux investissements nationaux et étrangers, soit le double de la moyenne mondiale. Sa consommation interne stagne à 40 %, alors qu’un taux de 60 % serait préférable. Ces chiffres démontrent donc que la richesse est mal redistribuée dans le pays et qu’une grande quantité des ressources est en revanche destinée aux investissements stratégiques dans le monde.

Angela Merkel s’est récemment rendue en Chine pour s’entretenir avec Wen Jiabao et conclure d’importants contrats de vente pour Airbus, Volkswagen et d’autres entreprises, pour un total de plus de 3,5 milliards de dollars. La Chine a toutefois imposé une condition : que les usines soient construites sur son territoire, pour former et engager des ingénieurs et des techniciens spécialisés chinois. Et elle a effectivement obtenu la vente de savoir-faire en haute technologie, comme le montre par exemple le projet de joint-venture entre Airbus et des industries chinoises pour la construction d’avions alimentés au biogaz. Une fois de plus, cela démontre que le potentiel technologique européen ne porte pas pleinement ses fruits en raison du manque d’investissements par rapport à la Chine et explique la situation d’infériorité de l’Europe.

Le deuxième objectif de la visite d’Angela Merkel à Pékin était d’assurer à la Chine que l’Allemagne « s’engage fermement » à sauver l’euro et à faire en sorte qu’il reste une devise forte et stable qui garde la confiance des marchés. Grâce à ces garanties (politiques), Merkel a persuadé le Président chinois d’aider l’Europe à racheter des titres de dettes souveraines, même celles des pays les plus endettés. Cet engagement de la Chine, en plus des contrats signés, pourrait redonner confiance aux marchés, notamment en ce qui concerne l’Italie et l’Espagne. Wen Jiabao a accepté que son pays soutienne la Zone euro parce qu’il considère que l’Allemagne est le pays qui permettra à l’Europe de sortir de la crise. La baronne Ashton n’aurait certainement pas pu arriver au même résultat. En effet, malgré le nom grandiloquent de sa fonction (Haut Représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité), elle n’a pas le pouvoir d’agir et de dialoguer avec les dirigeants des grandes puissances mondiales, car il n’y a pour la soutenir ni gouvernement ni politique étrangère, mais uniquement des divisions et des rivalités réciproques entre les États qu’elle est censée représenter.

Une fois de plus donc, on ne peut que constater les conséquences de la division de l’Europe. D’un côté, l’Europe est sur le déclin. De l’autre, le monde subit la crise européenne, mais ne cesse de travailler à une stratégie économique et politique. Ce n’est qu’en fédérant la Zone euro que les Européens pourront sortir de l’impasse, mais c’est à eux qu’il revient de le faire !

Vos commentaires
  • Le 17 décembre 2012 à 14:17, par Olivier Chantrel En réponse à : La crise de la zone euro et les BRICS

    Article absolument essentiel ; excellent ; on en retire trois infos ;

    Le repli et l’auto organisation des Brics vu le retrait UE

    Que si l’on rapporte les PIB à la production industrielle la CHINE est probablement devant les USA

    Que la régulation de l’accès aux matières premières est vitale ;

    Que ces pays vont se réorienter vers leur propre développement légitime ;

    La régulation de l’accès et de l’emploi es possible à partir du droit de la mer et de la cohérence des politiques d’accès aux ressources terre mer, en particulier du point de vue environnemental, notamment suite à l’affaire 17 du Tribunal international de la mer (article à paraître, plan et résumé déposé auprès de la directrice de l’IODE CEDRE CNRS Université de Rennes 1

    Bien cordialement

    OLIVIER CHANTREL

  • Le 18 décembre 2012 à 13:48, par GO2 En réponse à : La crise de la zone euro et les BRICS

    La légitimité du dollar pour les transactions internationales n’est pas basée sur la puissance économique mais sur la puissance militaire. Les USA ont payé le prix du sang entre 41 et 45 et ils en récoltent toujours les dividendes aujourd’hui. Quand la génération de la guere aura entièrement disparu il faudra « remettre au pot » de la guerre. Tant que le Brésil ou la Chine n’auront pas assuré leur contrôle militaire sur une région du monde, leurs monnaie n’aura pas de poids. C’est malheureusement la même chose pour l’Europe qui, sans une puissance militaire suffisante, sera balayée. A transmettre à Boris Johnson et aux conservateurs Britanniques qui croient pouvoir survivre en s’appuyant sur le commonwealth et pas sur l’UE.

  • Le 18 décembre 2012 à 17:21, par Michael En réponse à : La crise de la zone euro et les BRICS

    @ GO2

    Si on suit votre logique les Russes devraient avoir beaucoup plus de dividendes.

    Nombre de morts américains : 418 500, 0,32 % de la population Nombre de morts russes : 23 400 000, 13,88 % de la population

    L’Union européenne n’a pas de « contrôle militaire sur une région du monde » et pourtant sa monnaie est légitime pour les transactions internationales. Du moins c’est une monnaie forte, qui a de la valeur et de la légitimité puisque certains taux d’intérêts accordés à l’Allemagne ou la France sont négatifs. Les créanciers prêtent de l’argent à perte !

    Petite question, comment évaluer-vous la légitimité d’une monnaie pour les transactions internationales ?

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