Le plan d’Ahtisaari
Le document est actuellement discuté à Vienne entre le Kosovo et la Serbie, bien que le compromis apparaisse irréaliste depuis que cette dernière a rejeté la proposition dans son ensemble. Ainsi, la situation est difficile à digérer pour la majorité albanaise.
Dans son ensemble, le document supprime la souveraineté serbe sur le Kosovo. Elle obtient le droit de signer et de ratifier les accords internationaux, la reconnaissance de ses forces de sécurité, ainsi que des compétences dans les affaires étrangères, ce qui clarifie la subjectivité du Kosovo sur la scène internationale. Cependant, sa propre souveraineté et son contrôle sont pilotés de près par la présence internationale civile (Politique Européenne de Sécurité et de Défense).
Qui plus est, le fonctionnement de l’Etat kosovar n’est pas menacé. Cependant, le changement (en particulier dans la législation) sera l’un des défis les plus difficiles à relever pendant la période de transition. Cela inclut le fait que le document va aussi loin que de donner à la coopération inter-municipale une large autonomie, tout en permettant la mise en place d’une instance de décision qui agirait au-dessus de tous les groupes municipaux. Créer cet échelon de gouvernance pourrait compromettre la communication entre le niveau national et le niveau local, à cause des municipalités qui ne coopéreraient pas.
Bien que présentant le Kosovo comme une « société multiethnique », le document ne mentionne le terme « Albanais » dans aucun exemple, ce qui peut être interprété comme une négligence de l’identité albanaise du Kosovo, même si elle constitue 90% du pays. De plus, la limite est ténue entre assurer la sécurité des groupes ethniques et les isoler. A court terme, la division touchant la minorité serbe du Kosovo et les mesures de sécurité autour des sites religieux orthodoxes pourraient sembler la meilleure solution. Cependant, ce type de développement social gênera sérieusement les efforts de réconciliation, sur le long terme.
Les protestations de « Vetevendosja »
La liberté et le fonctionnement d’un courant adverse, défiant les principaux mouvements politiques, représente un noyau dur de l’effort de démocratisation du Kosovo. Préserver et développer de tels courants internes ne devrait pas seulement être une mission assignée à la « société civile », mais mérite tout autant une attention particulière de la part des institutions kosovares. La période couvrant les cent vingt jours de transition, lorsque les statuts se mettront en place, fera ressurgir un certain nombre de déceptions et d’insatisfactions dans les domaines économiques, sociaux et autres. Ainsi, les protestations doivent au final être comprises pour ce qu’elles sont, un visage limpide de ce que la société ressent selon qu’elle est satisfaite ou pas de la vie politique. Dans cette optique, les institutions kosovares doivent apprendre à se reposer sur leur (propre) responsabilité.
Le mouvement de protestations dit « Vetevendosja » de février (auto-détermination) a une nouvelle fois prouvé l’existence de cette façade relativement fragile de la situation politique et sociale. La tragédie survenue lors des violences pendant ces manifestations avec la mort de deux jeunes manifestants, tués par des balles de police, devrait continuer à être un poids pour toutes les institutions concernées (l’UNMIK, la police kosovare, le gouvernement comme « Vetevendosja » lui-même), jusqu’à ce que l’enquête sur cette affaire soit terminée et rendue public. Pour une fois, prendre ses responsabilités devrait prévaloir sur l’immunité et l’excuse du « pour l’amour du statut-quo ».
La période de transition au Kosovo constituera un défi crucial pour la communauté internationale en général et l’Union européenne (UE) en particulier. Ainsi, une décision du Conseil de sécurité, ouvrant la voie au Kosovo à la déclaration de sa propre guérison sur le « cancer » gangrenant l’Europe, son indépendance, ne peut être prise sur un coup de tête. Ce grand pas en avant pour le Kosovo est aussi un saut de géant pour l’UE qui, avec ce pays, prend la responsabilité de défendre ses propres fondements que sont les droits universels.
Cet article avait déjà été publié dans nos colonnes du 28 décembre 2007.
1. Le 30 décembre 2007 à 11:50, par Ronan En réponse à : Le dernier pas du Kosovo vers l’indépendance
Kosovo, une situation d’autant plus complexe que non seulement la Serbie s’oppose à toute indépendance de cette province (qu’elle considère comme étant son ’’berceau nationnal’’...).
Mais parce qu’il en est de même de la part de la Russie (grande puissance réaffirmée) ainsi que de certains Etats membres de l’UE (Roumanie, Slovaquie, Grèce, Chypre...) : bien résolus à combattre tout encouragement au ’’séparatisme’’ (dont ils craignent d’être à leur tour victimes...) et souhaitant également envoyer des ’’signes’ d’amitié à l’égard de la Serbie (pays orthodoxe et slave dont ils s’estiment solidaires...).
Dans ce dossier, c’est prochainement à la Slovénie (qui assurera, pour un semestre, la présidence informelle de l’UE à partir du 1er janvier prochain...) que va revenir la lourde mission d’essayer de concilier les contraires tout en tentant de rapprocher la Serbie de l’UE. Bon courage...
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