La frontière entre la Grèce et la Turquie est la plus poreuse d’Europe malgré le soutien de Frontex aux douanes grecques. Pour pallier cette situation, alors que les autres Etats membres critiquent l’Etat hellénique pour ce manque de contrôle, les autorités du pays ont annoncé le 4 janvier leur décision d’ériger un mur sur la zone la plus sensible de la frontière avec la Turquie. Retour sur cette mesure critiquée.
La lutte contre l’immigration illégale, priorité de l’espace de liberté, sécurité et justice
Dès 1986 et l’acte unique européen, puis dans le traité de Schengen de 1990, la perspective du marché unique et de la suppression des contrôles aux frontières intérieures mettait en exergue la nécessité de mesures compensatoires. Celles-ci prenaient notamment la forme de contrôles plus efficaces aux frontières extérieures de l’Union pour faire face à la fois à la criminalité transnationale et à l’immigration.
Cette préoccupation a été confirmée par la suite lors de la création de l’ELSJ par le traité d’Amsterdam, qui intègre l’acquis de Schengen aux traités. Le traité de Lisbonne développe la politique commune en matière d’asile, d’immigration et de contrôles aux frontières extérieures tout en respectant la même optique.
Néanmoins, ce point central du pan asile et immigration de l’ELSJ qu’est l’immigration pose des questions pratiques en termes d’équilibre entre sécurité et liberté, entre contrôles et respect des droits fondamentaux. A l’heure actuelle il est évident que le pôle sécurité a été prédominant, les mesures s’axant surtout sur la lutte contre l’immigration illégale et moins sur les canaux de migration légale et l’intégration des migrants. Pourtant, le lien fait récemment entre migration et développement et la volonté d’une approche globale de la question ouvrent une perspective de rééquilibrage.
La Grèce : reflet de l’orientation en matière d’immigration
La suppression des contrôles aux frontières intérieures appelle des mesures à la fois normatives et opérationnelles de contrôle aux frontières extérieures. La situation de la Grèce a récemment nécessité l’implication de l’ensemble des instruments à disposition. Au niveau des mesures normatives, la Grèce, comme tous les Etats membres de l’espace Schengen, a adopté des standards et procédures communes de contrôle. Quant aux mesures opérationnelles, la coopération entre Etats est organisée par différents textes et par FRONTEX, l’agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures créée en 2004.
Cette agence, dont le rôle essentiel est de venir en soutien des Etats membres dans le cadre du contrôle aux frontières, est présente en Grèce depuis octobre 2010. En effet, la Grèce est incapable de gérer seule l’immigration passant par les îles la séparant de a Turquie et a demandé le déploiement de RABITS (Rapid Border Intervention Teams). Cela a aboutit au déploiement de quelques 200 spécialistes pour contrôler la frontière.
Cependant, cette politique s’est révélée insuffisante pour enrayer le flot d’immigrés qui s’est simplement détourné des îles pour passer par la frontière terrestre. C’est dans ce contexte que la Grèce a annoncé le 4 janvier la construction d’un mur le long de la frontière avec la Turquie, notamment sur les 12 km les plus sensibles, là où la frontière s’éloigne du fleuve Evros.
Une barrière contre l’immigration : mesure visible mais à l’efficacité discutable.
Suite à l’annonce de ce projet de mur, les réactions ne se sont pas fait attendre. Ainsi la commissaire à la sécurité Cecilia Malmström estime que "les murs et les grillages sont des mesures à court terme qui ne permettent pas de s’attaquer de manière structurelle à la question de la migration". Cette intervention est dans la lignée de l’approche globale des migrations prônée dans le programme de Stockholm qui met l’accent sur la nécessité de resituer le phénomène migratoire dans un contexte plus large tenant compte des facteurs à l’origine des migrations.
"les murs et les grillages sont des mesures à court terme qui ne permettent pas de s’attaquer de manière structurelle à la question de la migration" D’autre part, par ce discours, la commissaire suédoise met en évidence qu’un mur n’arrête pas mais ne fait que détourner le problème. Cela est corroboré par les faits mais aussi par la population. En effet, selon Ioannis Stefanakis, un habitant de la région, « une fois bloqués par le mur les migrants traverseront le fleuve ».
Ce phénomène de contournement est bien connu puisqu’expérimenté par l’Union et par l’Espagne. Ainsi, suite à l’édification de barrières autour des enclaves de Ceuta et Melilla, les migrants prennent désormais la route plus dangereuse les menant aux îles Canaries.
De plus, outre son efficacité discutable, l’édification de ce mur pose des questions éthiques plus larges qui ne concernent pas seulement la Grèce mais l’ensemble de l’Union. En poussant les migrants à prendre des routes de plus en plus risquées, l’Union est la cause indirecte de centaines de morts chaque année.
En fermant de plus en plus les points de passage et en lien avec le manque d’information, l’amalgame entre les migrants illégaux et la délinquance ne cesse de croître tandis que la possibilité pour les candidats à l’asile de faire valoir leur droit se trouve limitée.
La construction du mur par la Grèce est donc le reflet d’un problème plus large qu’est la priorité donnée à la lutte contre l’immigration face aux autres phénomènes de franchissement des frontières extérieures.
1. Le 14 janvier 2011 à 13:57, par Fanny Dubray En réponse à : Le mur grec et l’Europe forteresse : dérive sécuritaire de l’espace de liberté, sécurité et justice.
Triste reflet d’une stratégie de fermeture des frontières et d’étranglement de l’asile, la construction de ce mur pose à l’Europe deux problèmes très sérieux :
– Celui de la compatibilité de cette mesure avec les valeurs humanistes qu’elle entend défendre sur la scène internationale : l’Europe ne peut continuer à à bouder la convention internationale sur les droits des migrants, ni à entraver de plus en plus systématiquement le dépôt des demandes d’asile, ni à en rejeter la charge sur les pays voisins. C’est une question de valeurs, mais aussi de crédibilité sur le plan international.
– Celui de la solidarité budgétaire entre les Etats membres, la responsabilité et les coûts de l’asile retombant toujours sur le pays d’accueil (Règlement Dublin II), voire sur le pays voisin, dit « pays de transit » (Notamment en vertu des accords de réadmission signés avec ces pays en échange de diverses contreparties). Aujourd’hui, alors que l’immigration est un problème qui se pose à l’échelle de Schengen, ce sont la Grèce et la Turquie qui paient le prix fort du contrôle de l’immigration et de l’octroi de l’asile. Cette situation est intenable, et ne peut, en toute logique, que conduire à de telles extrémités. La nécessité d’une solidarité européenne est évoquée dans une communication récente du HCR : http://www.un.org/apps/newsFr/storyF.asp?NewsID=24145&Cr=HCR&Cr1=.
2. Le 23 janvier 2011 à 14:46, par Caroline En réponse à : Le mur grec et l’Europe forteresse : dérive sécuritaire de l’espace de liberté, sécurité et justice
La Grèce devrait se retirer de l’Union Européenne. Quant à la Turquie, j’espère qu’elle n’y entrera jamais.
3. Le 5 février 2011 à 18:09, par Michel En réponse à : Le mur grec et l’Europe forteresse : dérive sécuritaire de l’espace de liberté, sécurité et justice
Un mur à l’extrème limite de l’Europe, pourquoi pas ? Les USA l’ont bien fait avec le Mexique.
4. Le 6 février 2011 à 18:18, par Cédric En réponse à : Le mur grec et l’Europe forteresse : dérive sécuritaire de l’espace de liberté, sécurité et justice
@ Michel Déclarer la guerre à la Biélorussie, pourquoi pas ? Les USA l’ont bien fait avec l’Irak.
5. Le 30 septembre 2013 à 12:11, par lolo En réponse à : Le mur grec et l’Europe forteresse : dérive sécuritaire de l’espace de liberté, sécurité et justice
on s’en fou qu’il y est la guerre ou non puisque la guerre on va l’avoir un jours ou l’autre—’’
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