Le Taurillon : Quels sont les éléments qui font de la Biélorussie une dictature ?
Virginie Symaniec : On a pris l’habitude de qualifier vulgairement de « dictature » des régimes sanglants, reposant sur un ordre militaire ou pratiquant des politiques de massacre. La Biélorussie est loin de correspondre à ce type de modèle. Pourtant, le régime biélorussien s’organise autour du pouvoir d’un seul homme, qui s’est appuyé sur des institutions en voie de démocratisation et l’instauration du suffrage universel pour accéder au pouvoir. Aliaksandr Loukachenka n’a certes pas cessé depuis de qualifier la Biélorussie de « démocratie », en ne retenant souvent que la croissance économique pour preuve de cette assertion. Il demeure que son régime a été marqué, dès 1994, par le développement, notamment, d’une verticale présidentielle, d’une violence systématique envers ses opposants ; par des atteintes quotidiennes aux droits de l’homme, par le muselage de la presse, par des élections truquées, etc.
J’avoue que je n’ai jamais très bien compris le rapport de cause à conséquence que le gouvernement biélorussien semble instaurer entre le fait de développer la croissance économique du pays (ce qui est d’ailleurs louable en soi, car on ne voit pas pourquoi les Biélorussiens devraient vivre moins bien que les autres européens) et le fait de mettre les gens en prison pour leurs idées.
Le Taurillon : Le Président Loukashenko multiplie des gestes contradictoires envers la Russie ou l’Union européenne. Quel est son but ?
Virginie Symaniec : Je ne suis pas persuadée que l’on puisse qualifier les gestes de A. Loukachenka envers la Russie ou l’Union européenne de « contradictoires ». Certes, d’un point de vue strictement géopolitique et puriste en termes de développements dits civilisationnels, on pourrait parler de paradoxe. Si l’on envisage en revanche le problème d’un point de vue strictement économique, en acceptant de se mettre un peu à la place des Biélorussiens, je ne vois là aucun paradoxe du tout. Il me semble qu’officiellement, le but qu’a toujours affiché le gouvernement biélorussien est de gagner une guerre économique.
De ce point de vue, A. Loukachenka s’est sans doute révélé plus stratégique et plus combatif que ne le souhaitaient la Russie ou les dirigeants européens en se jouant des anciens modèles coloniaux. Le gouvernement biélorussien semble en effet vouloir changer l’image de la Biélorussie comme éternelle « périphérie » de deux principes civilisationnels prétendument opposés en Europe. Ce projet de repositionnement de la Biélorussie comme « centre » au plan international est le corrolaire de la mise en oeuvre d’un véritable projet de société, auquel on assiste depuis 1994, et qu’on aurait tort de croire incohérent ou non théorisé.
Le Taurillon : Depuis 2007, comment a évolué la situation pour les citoyens biélorusses ?
Virginie Symaniec : Quels citoyens ?
Le Taurillon : Qu’est-ce qui dans votre parcours personnel vous a donné envie de co-écrire ce livre ?
Virginie Symaniec : Jean-Charles Lallemand a reçu une proposition de notre éditeur et m’a invitée à faire partie de l’aventure. J’ai interprété cette proposition comme une chance qui nous était offerte de synthétiser et de diffuser plus largement les faits que nous avions patiemment recensés depuis 1996 dans le cadre de nos activités communes d’édition pour le bulletin associatif Perspectives biélorussiennes, ainsi que comme une possibilité de réaliser quelque chose de constructif à partir de notre expérience à la fois singulière et complémentaire de la Biélorussie.
Suivre les commentaires : |