Le Pérou, pays d’environ 27 millions d’habitants, a réalisé de grandes avancées dans la consolidation de la démocratie. Dans un entretien, le mois dernier, pour le principal journal national, El Comercio, la Commissaire européenne des Relations Extérieures, Benita Ferrero-Waldner, précisait que le pays était l’un des plus stables politiquement au sein de l’Amérique latine. Néanmoins, la période post-Fujimori se caractérise par une crise de leadership et de crédibilité de toutes les instances publiques allant du gouvernement aux diverses institutions en passant par les partis politiques. C’est ainsi que samedi dernier le président Toledo effectua un 6ème remaniement ministériel après la crise provoquée par la démission de 2 ministres, dont le Premier Ministre. Démissions qui font suite à la nomination controversée de Fernando Olivera au Ministère des Affaires Etrangères. Celui-ci s’était fait remarqué récemment par son soutien au développement de la Coca dans la province de Cusco, en opposition complète avec les politiques menées sur ce sujet par le gouvernement mais aussi par la Communauté Andine et les Etats-Unis.
Cette instabilité politique peut vite devenir dangereuse dans un contexte de protestations sociales et d’insuffisances des performances économiques. Le scénario s’est déjà produit à la fin de des années 80 et au début des années 90.
L’UE, consciente de la fragilité de la démocratie, développe une série de projets au niveau des provinces, de la nation et de la région andine afin de crédibiliser les différentes autorités. Elle appuie entre autre l’APCI, organisme dépendant du Ministère des Affaires Etrangères, et chargé notamment de promouvoir la transparence et la concertation entre les acteurs publics et la société civile. Le programme CERIAJUS est chargé de réformer la justice nationale vers plus d’équité et de transparence. A cela s’ajoute la coordination que la Commission essaye de mettre en place entre les 10 programmes des pays de l’UE concernant le développement et la consolidation de la démocratie au Pérou. Mais ces programmes ne sont pas exclusifs. Ils sont interdépendants avec la politique globale menée par l’UE dans le pays. En décembre 2002 la coopération bilatérale a été définie par le Mémorandum de l’Accord qui se caractérise par trois axes : Appui à l’Etat de droit et à la réforme institutionnelle (15% du total), développement socio-économique (60%) et intégration régionale andine (25%). En effet, la lutte contre la crise de la représentativité ne peut se résumer à des programmes de gouvernance, elle doit être associée aussi à la mise en place d’alternatives économiques et sociales. Et c’est ce qui fait la particularité de l’action de la Commission Européenne au Pérou : La démocratie ne pourra pas se stabiliser si des possibilités ne sont pas offertes en terme d’emplois et de travail. De même une meilleure gouvernance ne saurait être possible si des solutions complémentaires ne sont pas cherchées en dehors du cadre traditionnel de l’Etat, d’où un appui constant à l’intégration andine et aussi surtout à la décentralisation.
Il est ainsi possible de parler de modèle européen de développement. Si pour le cas de la culture de la Coca, qui a été une des raisons de la dernière crise gouvernementale, l’UE revendique les mêmes objectifs que les Etats-Unis, les méthodes sont différentes. Face à la stratégie américaine d’éradication forcée de la Coca dans les pays andins, l’UE opte pour le développement socio-économique local afin de permettre un revenu alternatif aux populations. C’est le but même du programme européen PRODAPP (Programa de Desarrollo Alternativo) dans les régions de la forêt tropicale touchées par l’économie de la drogue. Il s’agit « d’analyser le problème depuis différents points de vues », ici au nombre de 4 comme l’indique un rapport interne. C’est ainsi que, concrètement, l’UE y appuie le renforcement institutionnel de la province mais aussi le développement agroalimentaire et forestier de même que le développement du tourisme tout en préservant l’environnement et enfin le développement des infrastructures.
Victor NIUBO, membre du Comité Directeur du ME77
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