Libération de Ramush Haradinaj : quelles conséquences pour le Kosovo ?

Une justice aveugle ou une erreur judiciaire ?

, par Dumitru Drumea

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Libération de Ramush Haradinaj : quelles conséquences pour le Kosovo ?

Le 3 avril 2008 le Tribunal International pour l’ex-Yougoslavie a acquitté Ramush Haradinaj, ancien Premier Ministre kosovar et un des généraux de l’Armée de Libération du Kosovo (ALK). Avec lui, a été également acquitté Idriz Balaj, commandant d’une unité spéciale de l’ALK, qui était accusé d’avoir organisé des épurations ethniques et des tortures contre les Serbes du Kosovo. Le troisième figurant de ce procès, Lahi Brahimai, parent avec Haradinaj a été condamné à 6 ans de prison.

Le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) a été institué en 1993, quand grâce à la presse américaine et européenne l’opinion publique mondiale a pris conscience des atrocités commises lors de la guerre en République de Yougoslavie. Il a été créé suite à la résolution 827 du Conseil de Sécurité des Nations Unies pour 17 ans, et son mandat s’arrête en 2010.

Il est compétant pour tous les crimes commis sur le territoires de sur le territoire de l’ex-Yougoslavie. Certains contestent sa compétence sur des sujets précis, les autres son objectivité sur certains jugements. Tel fut le cas de l’acquittement de Ramush Haradinaj, suite à laquelle certains pays ont demandé au Tribunal des rapports sur son activité et sur les recherches menées pour trouver des preuves contre les accusés.

Une erreur judiciaire ?

Les premières victimes de M. Haradinaj datent de 1998 (plusieurs mois avant l’intervention de Milosevic au Kosovo), quand sous ses ordres on exécute des Serbes du Kosovo, des Albanais accusés de collaborationnisme avec Belgrade, ainsi que des Roms. Au total 37 personnes (selon la police serbe 60 personnes) ont été exécutées sans compter les centaines de disparus qui n’ont jamais été retrouvés. Le procureur Carla Del Ponte demandait 25 ans de prison ferme pour Haradinaj pour crime de guerre et crime contre l’humanité ; ce dernier a été totalement acquitté.

Un autre figurant de ce procès, Idriz Balaj, surnommé « Lieutenant », et connu pour avoir créé l’unité spéciale « aigles noirs », s’occupait surtout de l’intimidation des Serbes du Kosovo pour les forcer à quitter la région afin d’y établir le contrôle de l’Armée de Libération du Kosovo (ALK). Balaija été aussi entièrement acquitté. Seul Lahi Bahimai, accusé d’enlèvement, torture et meurtres a été condamné, mais seulement 6 ans, au lieu de 25 demandés par le procureur. Seules deux accusations ont été retenues contre lui : torture et traitement inhumain.

L’acte final de la juridiction de La Haye explique que les accusés sont acquittés pour faute de preuves. Or, dans ce même acte, se trouve l’aveu des juges que « la Chambre a eu la nette impression que le procès se déroulait dans un climat tel que les témoins se sentaient en danger ». Et il y a de quoi : dans la presse on a souvent décrit les morts étranges des personnes qui devaient témoigner contre les guérillas d’ALK, comme le Rom Kujtim Berisha, mort dans un accident de voiture au Monténégro en 2007.

Quelles conséquences pour le Kosovo ?

Comment va-t-on trouver d’autres criminels comme Radovan Karadzic ou Ratko Mladic qui sont protégés en Serbie et qui le seront probablement encore davantage après un tel jugement du TPIY ? Du côté de la population, le sentiment qu’il y a deux poids et deux mesures entre les Serbes et les Kosovars. Après la démission du Premier Ministre suite à la déclaration d’indépendance du Kosovo, de nouvelles élections législatives vont avoir lieu dans un climat très favorable aux candidats les plus nationalistes.

Le climat tendu au Kosovo entre populations serbes et kosovares s’est encore alourdi suite à cet acquittement fêté comme une victoire du côté albanais. De plus, les acquittés sont considérés comme proches des dirigeants actuels. Autant dire que le sentiment d’insécurité des Serbes habitant dans le nord du pays grandit.

Reste à espérer que la nouvelle mission de l’Union européenne au Kosovo, la publication des mémoires de Carla del Ponte et la prise de conscience dans l’opinion publique européenne des atrocités commises des deux côtés permettront un jour de rendre justice aux familles de tous les victimes, qu’elles soient albanaises ou serbes et de donner enfin aux Balkans la paix.

Illustration : photographie de Ramush Haradinaj prise sur le site des Nations Unies.

Vos commentaires
  • Le 18 avril 2008 à 20:02, par valery En réponse à : Libération de Ramush Haradinaj : quelles conséquences pour le Kosovo ?

    Je comprends que le jugement puisse être mal perçu toutefois le but d’un procès est de faire la lumière sur les faits : le tribunal a rendu ce jugement sur cette base. Je n’ai pas connaissance du dossier ni de ce qui a été dis lors du procès mais on ne peut pas s’attendre à ce qu’une inculpation et un procès aboutissent systématiquement à une condamnation.

  • Le 20 avril 2008 à 02:05, par Dimitri En réponse à : Libération de Ramush Haradinaj : quelles conséquences pour le Kosovo ?

    Je suis d’accord avec vous Valery que les procès n’aboutissent pas toujours à une condamnation(heuresement d’ailleurs). Mais dans ce cas le Tribunal n’a pas pu avoir tous les preuves, car les temoins se désistaient au dernier moment. « Ils ne se sentaient pas en sécurité » ont conclu les juges. Mais ce qui fait vraiment peur c’est le fait qu’un tel jugement ambigu peut provoquer encore plus le mécontantement dans les Balkans, qui traversent une période difficile et qui sont très instables(Je ne veux pas dire ici qu’il fallait condamner Haradinaj pour faire plaisir aux Serbes). Toujours est il que le mois prochain il y aura des élections en Serbie et que les nationalistes peuvent les remporter, et le sentiment d’injustice envers les serbes, peuvent donner un argument de plus aux nationalistes, ce qui est à mon avis fort regrettable.

  • Le 25 avril 2008 à 07:00, par Benjamin En réponse à : Libération de Ramush Haradinaj : quelles conséquences pour le Kosovo ?

    Bonjour à vous je m’appelle Benjamin Muhamedi,étudiant en 3ème année de licence de droit à la faculté ds affaires internationales du Havre.Je suis originaire du kosovo et j’ai passé les deux dèrniéres semaines labas en visite familiale. Les albanais du kosovo sont trés heureux de revoir M.Aradinaj et certains le plébiscite même pour prendre la place de M.Thaci en tant que 1er ministre, celui ci a toujours était considéré comme un grand combattant de l’armée de libération et c’est pour cela que le peuple l’admre et le respecte.(peu importe ses actes) Pour ma part, je considère que le TPIY a été un échec total du début à la fin,il n’a eu que peu de résultat, Milosévic y a échaper, les crimineles de guerres serbes y ont quasiment tous échapé, il aurait bien était étonnant de voire condanmé un commandant albanais qui a peu de victimes présumé à son actif et surtout sans preuve. D’une part, si ce que vous avancait concernant la peur et le manque de sécurité des victimes est vrai,c’est que le TPIY n’a servi à rien comme je le disais plus haut,il n’a pas rempli son rôle et ne fera pas progréssé la paix sociale dans les balkans, d’autre part,ces hommes qui ont commis des actes de génocide,torture et acte de barbarie devraient selon moi tous être enfermé à vie.

    En effet , il n’y a pas de preuve contre M.Aradinaj mais il y a des preuves contres son cousin, celui ne prend que 6 ans alors qu’il a commis des actes de torture sur des civils, c’est le monde à l’envers, il y a eu dans les balkans des atrocités inimaginables,un responsable de celle ci n’a écopé que de 6 ans de prisons,c’est injuste pour toute les familles des victimes !! Je ne cherche pas à dénigré les albanais, j’en suis un, mais je pense que cette partie du monde a trop longtemps vécu sans justice et que le TPIY avait pour rôle de montrer qu’il y avait une justice et pour tout le monde, il a montré qu’en réalité il n’y a toujours pas de justice pour aucune des parties en cause. Les conscéquences de l’acquitement de M.Aradinaj sont assez simple, effectivement cela va donner des arguments aux nationalistes serbes mais à mon avis, concernant le Kosovo les jeux sont fai depuis le 18 février 2008, quoiqu’il arrive à présent le Kosovo est un Etat souverain et indépendant et depuis des siècle dans la région, c’est apperement la seule preuve que la justice arrive tôt ou tard.

  • Le 25 avril 2008 à 14:19, par Dimitri En réponse à : Libération de Ramush Haradinaj : quelles conséquences pour le Kosovo ?

    Milosevic, à ma connaissance, est mort à la Haye pendant son procès, il n’a donc pas échappé à la justice internationale. Après on peut certainement se demander pourquoi son procès a duré plusieurs années, sans aboutir à une condamnation.

    Quant aux autres criminels de guerre, notamment serbes, il ne faut pas exagérer non plus : presque tous ont été condamnés, parfois le TPIY a même exagéré un peu les coutumes du droit international. Quant à Mr. Haradinaj : comment voulez vous avoir des preuves de sa culpabilité quand les témoins sont soit éliminés, soit intimidés ? Bien évidemment, ils se désistent. Il suffit de lire le jugement du TPIY, en lien sur ce site.

    Mais ce qui me gène dans votre message c’est ce « peu importe ses actes »(peut-être que j’ai mal compris ce que vous vouliez dire). Attendez, que le Kosovo soit un Etat ou pas(cette question fait toujours débats), il y a des serbes qui vivent là-bas. Par conséquent, ils ne seront pas vraiment heureux de voir Haradinaj de retour au Kosovo, en plus en tant que responsable politique : un bon début pour que les deux peuples se réconcilient. C’est comme si on proposait aux Bosniaques de voter Radovan Karadzic pour les législatives. Ou peut-être la paix entre les deux ethnies(serbe et albanaise) n’est pas une priorité pour les gouvernement de Pristina ? C’est quoi la priorité alors ?

    Les actes importent, cher Benjamin. Je comprends vos peines et les malheurs qui se sont abattus sur la population kosovare (serbe et albanaise), mais il ne faut pas non plus aller d’une extrême à l’autre. En outre, il faut faire la différence entre la justice et la vengeance, et se réjouir de la libération d’un criminel de guerre tel que Haradinaj c’est, à mon avis, plutôt de la vengeance. Avec un tel esprit on n’arrivera jamais à avoir une paix stable dans les Balkans.

  • Le 27 avril 2008 à 02:58, par Benjamin En réponse à : Libération de Ramush Haradinaj : quelles conséquences pour le Kosovo ?

    Dans un premier temps , concernant Milosevic,celui ci comme vous l’avez rappelé n’a pas été condamné et il est le premier responsable de la guerre et du génocide aux Balkans.

    Dans un second temps , je réaffirme que le TPIY a été un échec car hormis quelques noms connu, une large majorité des génocidaires n’a pas été jugé, en effet ces personnes ont aujourd’hui une nouvelle vie dans des pays comme la France(beaucoup de légionnaire) ou la Russie, il y a donc une mauvaise volonté des États de rendre la justice aux Balkans puis une juridiction digne de ce nom assure la protection des témoins à charge, c’est à mon sens la moindre des choses.

    Pour les mots utilisés (peu importe ses actes) je reconnaît m’être mal exprimé, ce que je voulais dire c’est que le peuple albanais était heureux de le voire de retour car elle le considère comme un résistant. En effet , alors que tous le monde fuyait la barbarie peut ont osé résister à l’oppresseur et c’est pour cela qu’il est très respecté,peu importe les actes qu’il a commis. A titre personnel , je ne cautionnerait jamais une atteintes aux droits de l’homme peu importe qui la commet,voilà ma pensée !

    Concernant la question de l’État du Kosovo , j’aimerais juste vous rappelez la définition juridique de l’État reconnu aussi en droit international. Un État c’est un territoire , une population puis une entité politique et juridique qui gère ce territoire. Aujourd’hui, le Kosovo a un territoire de 10877 km² , une population d’environ 2 millions d’habitants et un gouvernement élu démocratiquement qui gère ce territoire. De plus l’État du Kosovo s’est récemment doté d’une constitution élaboré qui offre une excellente protection aux minorités et leurs permet d’exercé leur culture en toute liberté. La constitution affirme dans son article 2 l’indépendance, la souveraineté et l’intégrité territoriale du Kosovo .De plus ,l’État du Kosovo a aujourd’hui été reconnu par 38 États dont 7 membres du G8 puis 18 membre de l’Union Européenne, les États l’ayant reconnu forme à eux seul 65 % du PIB de la planète. Pouvez vous m’expliquez ou la question de l’État du Kosovo fait débat ?

    Enfin pour vraiment répondre à votre question , je pense que la relaxe de M.Aradinaj n’aura aucune conséquence pour la stabilité des Balkans. En effet , celui-ci même si il devient 1er ministre n’aura dans l’avenir qu’un rôle minime à jouer dans le pays car l’élite ne lui fait pas confiance. Pour pouvoir accéder à une stabilité réelle et durable,la clé se trouve dans l’économie, en effet 40 % de la population active du Kosovo est au chômage, il faut rapidement relancer l’économie afin d’occuper la jeunesse qui reste dans les rues puis il faut aussi préparer le Kosovo à entrer dans l’Union Européenne tout comme la Serbie afin de forcer les 2 États à se parler , voilà selon moi la clé de la paix durable aux Balkans !!

  • Le 29 avril 2008 à 21:12, par Dimitri En réponse à : Libération de Ramush Haradinaj : quelles conséquences pour le Kosovo ?

    Pour le TPIY je ne peux partager votre point de vue que partiellement. Certes, si des gens comme Haradinaj ou Thaci, tout comme Milosevic y échappent on peut dire qu’il y a un problème. C’est d’ailleurs pour cela que j’ai écrit cet article. Néanmoins, on a quand-même pu condamner beaucoup de criminels, et ça, à mon avis, c’est une très bonne chose.

    Quand au Kosovo, vous savez la question sur son existance en tant qu’Etat fait toujours débat(Russie, Chine à l’ONU ; Roumanie, Espagne, etc. dans l’UE et l’OTAN). Cher Benjamin, ce n’est pas le PIB des pays qui l’ont reconnu qui compte, mais leur nombre. Ils sont 38 sur plus de 180. Mais je ne veux pas faire des débats là-dessus, car ce n’est pas le sujet de l’article.

    Quant aux conséquences de la libération de Haradinaj : franchement, on verra tout ça au mois de mai après les législatives en Serbie. J’espère, tout comme vous, que la Serbie choisira le chemin de l’intégration européenne. Et là, je me joint totalement à vous,je pense que les Balkans retrouveront la paix et la prospérité seulement en Europe.

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