M. François Lamoureux nous a quitté

Salutations fédéralistes à un Européen convaincu...

, par Fabien Cazenave

M. François Lamoureux nous a quitté

Ce 26 août 2006 nous a quitté M. François Lamoureux, décédé à l’âge de 59 ans d’un cancer des poumons, nous laissant le souvenir d’une longue carrière menée au service de l’Europe.

Technocrate au caractère bien trempé, on se souvient du rôle important qu’il a joué lors des négociations européennes les plus sensibles des années 1980-2005.

C’est pourquoi nous avons voulu lui rendre hommage dans les colonnes du Taurillon. Revenons sur les combats menés par cet Européen convaincu...

Le parcours d’un technocrate engagé

Juriste de formation, il est entré en tant qu’expert à la Commission européenne dès 1978. Devenu membre du cabinet de Jacques Delors (Président de la Commission de 1985 à 1995) il y gravira les échelons pour en devenir le directeur-adjoint, aux côtés de Pascal Lamy (qui en était devenu le directeur...).

Il retournera provisoirement en France pour aider Mme Edith Cresson, alors Premier Ministre, à ré-organiser son cabinet. Mais la suivra à Bruxelles au moment où celle-ci sera nommée à la Commission européenne ’’Santer’’ (1995-1999) comme Commissaire à la Recherche et à l’Education, dont M. Lamoureux sera alors le directeur de Cabinet.

Par la suite il deviendra Directeur-général adjoint aux relations extérieures (domaine particulier dans lequel particulier dans lequel il mettra de l’ordre notamment dans le secteur de l’aide aux pays de l’Est...) avant de devenir - en 1999 - Directeur-général aux transports sous la direction du Commissaire Loyola de Palacio. Mais, en raison de son franc-parler et à cause de ses désaccords politiques, il ne se verra confier aucun poste important au sein de la Commission dirigée par Manuel Barroso (depuis 2005). Une mise à l’écart qui l’éloignera alors de la Commission européenne.

Ce personnage de l’ombre a participé aux négociations les plus importantes. Par exemple on se souviendra que lors des négociations sur la mise en place du Marché unique, il aura cherché (mais sans résultat...) à donner plus de pouvoirs au Parlement européen : les Etats membres gardant de grands pouvoirs grâce à la mise en place des ’’piliers’’ comme ’’cadre’’ de la politique européenne.

Cependant, on notera que malgré cet échec, M. Lamoureux a toujours exercé une grande influence aux cours des différentes négociations auquelles il a participées. Débats à l’occasion desquels il aura milités pour l’extension du vote à la majorité qualifiée dans le Conseil européen, pour l’accroissement des pouvoirs du Parlement et dans l’objectif de donner plus de force à l’Union économique et monétaire et plus d’importance aux aides régionales.

Sa participation au projet Pénélope

M. Lamoureux a aussi été l’un des auteurs du « projet Pénélope », nom de code d’un projet de Constitution européenne proposé par la Commission ’’Prodi’’ comme projet alternatif au « Traité constitutionnel européen » que préparait alors la « Convention pour l’avenir de l’Europe » dirigée par M. Valéry Giscard d’Estaing.

Rédigé de concert avec MM. Michel Barnier et Antonio Vittorino, ce projet avait le très grand mérite d’essayer de proposer un Texte constitutionnel européen réduit à l’essentiel : les valeurs et les institutions.

Mais ce texte n’aura finalement été soutenu que du bout des lêvres par le Président de la Commission (M. Prodi). Ce pourquoi c’est finalement le projet proposé par M. Giscard d’Estaing qui aura fourni l’essentiel des bases de l’actuel Traité Constitutionnel Européen, projet aujourd’hui en état végétatif depuis les référendums négatifs français et néerlandais de mai-juin 2005.

Pourtant, si l’on se refère au document de présentation du « projet Pénélope » rédigé par M. Barnier, on constate que ce texte ’’Pénélope’’ se voulait être dans le droit fil « de la méthode communautaire ».

Ainsi, s’il avait été adopté, ce document aurait permis à la Commission européenne de contre-balancer le pouvoir du Conseil de l’Union par un exercice renforcé du pouvoir de proposition, ainsi que par l’exercice inédit d’un véritable pouvoir de gouvernance économique.

Pareillement, il faut savoir que ce document ’’Pénélope’’ prévoyait la création d’un « Secrétaire de l’Union » pour les affaires étrangères. Et qu’il accordait au Parlement européen le pouvoir de co-décision pour l’élaboration de toute la législation européenne. Enfin, ce projet prévoyait que le Conseil européen puisse désormais prendre ses décisions à la double-majorité qualifiée, notamment en matière fiscale [1].

Le besoin d’une Constitution pour construire l’Europe politique

Au-delà même des projet « Pénélope » puis « TCE », la question institutionnelle reste encore aujourd’hui d’actualité.

Et, à ce titre, l’action de M. Lamoureux doit nous inspirer. Ainsi (ne serait-ce que pour contre-carrer les intérêts ’’à courts termes’’ des Gouvernements...) il est plus que nécessaire que le Parlement européen ait de plus en plus de pouvoirs.

Car, aujourd’hui, la construction politique de l’Europe est bloquée. Mais, pour y remédier, c’est aussi à nous tous qu’il revient d’essayer de peser sur ces choix décisifs qui seront prochainement faits pour déterminer ce que sera l’avenir de l’Union européenne.

En effet, si ce technocrate n’y a pas toujours réussi, il ne nous en a cependant pas moins montré la voie : être sincères et fidèles à nos valeurs. C’est pourquoi, M. Lamoureux, les Fédéralistes vous saluent.

- A lire sur M. François Lamoureux :

La très belle tribune de M. Jean Quatremer, journaliste à Bruxelles du quotidien « Libération ». (Tribune d’où est tirée la photographie servant de visuel d’ouverture à cet article...).

- A lire sur le projet Pénélope :

Le projet Pénélope(texte intégral).

La courte présentation faite à ce sujet devant la Commission européenne (le 17 décembre 2002) par M. Barnier.

Notes

[1Précision : ce projet « Pénélope » ne fut jamais confronté à l’examen des Etats-membres. Ce qui fait que nous ne savons pas si ce texte aurait jamais pu être adopté dans cette version initiale...

Vos commentaires
  • Le 30 août 2006 à 01:07, par Jon Worth En réponse à : M. François Lamoureux nous a quitté

    Dommage que pendant son temps comme Directeur-Generale du DG-TREN, son dernier poste important à la Commission, M. Lamoureux avait très peu de respect pour les conventions democratiques de l’UE en pensant qu’il était plus important que les Commissaires eux-memes et mettant son photo sur la page principale du site web du DG-TREN.

    Si je suis sceptique, il faut dire que Lamoureux était un grand européen vraiment à la française - créer un Europe efficace, mais vraiment à la modele française.

  • Le 30 août 2006 à 09:06, par Emmanuel Vallens En réponse à : M. François Lamoureux nous a quitté

    Il n’empêche que, tout technocrate français qu’il fût, son projet Pénélope était quand même beaucoup fédéraliste et juridiquement solide que le texte du TCE que la Convention nous a pondu, et qui a eu le succès que l’on sait... Peut-être son manque de respect pour les Conventions n’était-il pas totalement infondé...

  • Le 4 septembre 2006 à 18:01, par Ronan Blaise En réponse à : M. François Lamoureux nous a quitté

    J’ai l’impression que vous ne parlez pas tout à fait de la même chôse...

    Il y a bien, d’une part, la Convention (i. e : pour l’avenir de l’Europe...) dont le travail mérite qu’elle soit saluée (même si l’issue de ces travaux reste actuellement effectivement problématique...). Et il y a bien, d’autre part, les conventions (i. e : de politesse), lesquelles M. Lamoureux n’aurait donc pas toujours respecté dans le cadre de son travail.

    Où on retrouve la remarque de Jon sur ces fameux français qui - même lorsqu’ils sont hauts-fonctionnaires européens - se voient reprocher de faire preuve de hauteur et de manquer de respect envers leurs pairs. S’il n’y avait que Jon pour le souligner, on pourrait effectivement croire que Jon exagère, mais il est tout de même problématique de noter que cette critique est récurrente et revient très souvent. Et ce, depuis des horizons différents.

    Ce qui n’enlève rien cependant à la qualité du travail effectué par M. Lamoureux. (A condition toutefois que ses échecs européens soulignés - voir supra - ne soient pas toutefois la résultante politique des défauts humains susmentionnés...).

    (Nobody’s perfect...).

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