Malte, ses élections et l’Union européenne : une drôle d’histoire

, par Alain de Raymond, traduit par Olivier Croon

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Malte, ses élections et l'Union européenne : une drôle d'histoire
Drapeau de Malte

Après quinze années passées dans l’opposition, le parti de gauche, le Partit Laburista (PL) a une nouvelle fois remporté une majorité au Parlement maltais. Bien qu’initialement, le PL s’opposait à l’adhésion de l’État à l’Union européenne, il entend jouer un « rôle actif » sur la scène européenne et ce, particulièrement à l’occasion de la présidence de l’Union qui sera assurée par Malte durant le premier semestre 2017.

Traditionnellement, les élections et référendums maltais sont des évènements surprenants. Les électeurs sont encouragés à envoyer des messages gratuits à leurs amis afin de les convaincre de voter pour le « bon parti ». Des panneaux d’affichage électoraux sont placardés quasiment à chaque coin de rue. Les piétons sont sondés et les électeurs potentiels sont même appelés le jour du scrutin. Pour célébrer la victoire, les partisans du parti sorti vainqueur sortent des camions et sillonnent les rues de Malte. Les activités des partis politiques prennent l’allure de festivals de musique. Parfois même, des émeutes sont à déplorer.

Le profond clivage du système politique maltais est en partie responsable de l’intensité de ce processus électoral. En effet, deux partis s’affrontent : le Partit Laburista et le Partit Nazzjonalista (conservateur, PN). Jusqu’au scrutin de 2013, la différence entre le nombre de sièges du parti victorieux et du parti perdant était inférieure à cinq sur un total de plus de 69 sièges. Un troisième parti n’a plus remporté de siège depuis 1950. Étrangement, peu de Maltais ne se sont pas rendus aux urnes et le pays compte un taux de participation électorale parmi les plus élevés à travers le monde. En effet, 93 % de la population a voté lors des élections de 2013.

L’Union européenne et Malte

En 2003 également, le référendum sur l’adhésion de Malte à l’Union européenne a affiché un taux de participation record. Un peu moins de 91 % des électeurs éligibles ont voté. Le parti en place, le PN, a défendu ce projet alors que le PL s’y opposait avec acharnement. Avec seulement 53,6 % des électeurs en faveur de cette adhésion, une majorité serrée était atteinte. Le taux d’approbation était de loin le plus bas depuis le processus d’élargissement de l’Union européenne en 2004.

Malgré l’adhésion récente de Malte, les questions européennes n’ont pas occupé un rôle central durant les élections de 2013.

D’autres questions comme le prix élevé de l’électricité, par exemple, ont été davantage débattues. Une exception toutefois : celle de la présidence du Conseil européen qui sera assurée par Malte à partir de janvier 2017. Les deux partis ont promis de jouer un rôle de premier plan durant cette mission malgré l’opposition du PL plus tôt à l’adhésion de Malte à l’Union.

Un membre surprenant

Malte est un État membre surprenant. Il est le plus petit en superficie et en population et est le seul à entretenir des liens étroits avec les langues arabes. Le maltais est la langue officielle de l’Union européenne la moins parlée. Malte compte autant d’églises que de jours dans l’année et cinq années de séparation sont nécessaires avant de pouvoir légalement divorcer, ce qui met en exergue les convictions religieuses bien ancrées de l’Église catholique maltaise, essentiellement.

L’ingérence étrangère est monnaie courante dans l’histoire de Malte. Le pays a été conquis et gouverné tour à tour par les Grecs, les Romains, les Arabes, les Chevaliers de Malte, la France, la Grande-Bretagne et bien d’autres encore. Durant la Seconde Guerre mondiale, Malte fut bombardée, en l’espace de six mois, cinq fois plus que Londres durant toute la guerre. C’est pourquoi, lors de son indépendance en 1964, les Maltais ont ressenti le besoin de se forger une nouvelle identité après des siècles de possessions étrangères.

Avantages et inconvénients

Malgré la succession de possessions étrangères, Malte a réussi à négocier son adhésion à l’Union européenne. Le pays est en mesure d’envoyer cinq membres au Parlement européen au terme des élections européennes, ce qui signifie un pour 80 000 habitants environ. À titre de comparaison, l’Allemagne dispose d’un membre pour plus de 830 000 habitants. Au Conseil des ministres, Malte possède un droit de vote environ neuf fois supérieur à celui qui devrait lui être donné au prorata de la population de l’Union. Avec une population de 450 000 habitants, l’augmentation du nombre de touristes, qui sont plus de 1,2 million chaque année, constitue un autre aspect positif de l’adhésion à l’Union européenne.

Cependant, l’adhésion à l’Union européenne ne compte pas que des points positifs. En effet, l’explosion du secteur touristique génère des retombées négatives et de nombreux Maltais pensent que l’île attire bien plus d’immigrés illégaux qu’auparavant. Dans ce contexte, le PL, parti progressiste, a adopté une position plus ferme que le PN, parti conservateur, sur le thème de l’immigration. La discrimination éventuelle liée au prix des billets dans les transports publics constitue une autre source de tension. S’il est vrai que l’on retrouve près de 900 voitures au kilomètre carré (les Pays-Bas, deuxième au classement de l’Union, en compte 112 au kilomètre carré), les transports publics sont toujours empruntés activement. Pour bénéficier de ces transports, les non-résidents se voient réclamer un prix plus élevé pour leur billet. La Commission européenne a déposé une plainte contre cette réglementation. Le gouvernement a défendu sa politique en février 2013 mais l’issue n’est pas encore connue.

Lors du vote du budget, un membre parlementaire appartenant au parti au pouvoir s’y est opposé, ce qui a donné lieu à l’organisation de nouvelles élections. Le fait qu’un seul membre parlementaire provoque de nouvelles élections est un exemple de la fracture politique maltaise qui a caractérisé le pays depuis son indépendance. Cette fracture entraîne des conséquences sur sa relation avec l’Union européenne et pourrait entraver la mise en place d’un débat sensé sur les avantages et inconvénients de cette adhésion. Avec la montée récente de l’euroscepticisme, on pourrait se demander quels seront les projets concrets proposés par le Premier ministre maltais, ex-membre du Parlement européen, Joseph Muscat. Seul l’avenir nous le dira.

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