Tisser des liens linguistiques et culturels entre le Québec et l’Europe

, par Alexandrine Gauvin

Tisser des liens linguistiques et culturels entre le Québec et l'Europe

Dans le cadre de la Semaine de la Francophonie, le Parlement européen recevait la visite d’une délégation de l’Assemblée nationale du Québec pour discuter de thèmes communs chers aux deux institutions : défis liés à l’immigration, au vieillissement de la population, à la gestion de l’énergie, mais surtout à la protection de la langue française et de la culture.

Seule province canadienne à majorité francophone, bastion de la défense de la langue française en Amérique du Nord, le Québec est aussi riche d’une grande diversité culturelle et est très conscient de l’importance de protéger son patrimoine culturel. L’Europe et le Québec partagent une sensibilité à la diversité culturelle et les échanges furent très fructueux sur le sujet.

La clause de l’exception culturelle dans le cadre d’accords commerciaux

La culture n’est généralement pas un thème suffisamment mis à l’avant-plan, surtout lorsque le principal sujet d’actualité liant le Canada et l’Union européenne (UE) est celui de l’Accord économique et commercial global (AECG) présentement en négociation. Bien qu’il soit tout à fait louable d’espérer le succès de cet accord de libre-échange, il devient d’autant plus essentiel d’aborder le thème de la culture dans ce contexte à forte résonnance économique.

La promotion de la diversité culturelle, telle que définie par la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles de l’UNESCO, ne doit pas être subordonnée à des impératifs commerciaux, comme c’est trop souvent le cas. Puisque la culture relève de la compétence des provinces et territoires au Canada, il revient au Québec de défendre la clause de l’exception culturelle, afin de protéger son industrie culturelle des aléas du marché. Cette clause a tendance à agacer tant les économistes que les gens d’affaires, puisqu’elle se traduit par le maintien de subventions favorisant certains secteurs, ce qui est considéré comme contraire aux lois de la compétitivité.

Cependant, il est tout à fait clair que les conséquences pour la culture seraient désastreuses si cette industrie si particulière, garante de l’identité de peuples entiers, devait entièrement s’en remettre à une logique économique. C’est donc avec raison que les membres de la délégation de l’Assemblée nationale du Québec ont plaidé en faveur de cette clause avec ferveur auprès des eurodéputés, qui ont également démontré beaucoup d’enthousiasme pour la promotion de la diversité culturelle en Europe.

La protection de la langue française : un but commun, des contextes différents

Un autre thème important qui a été abordé lors de cette rencontre fut celui de la préservation de la langue française. Au Québec, les mesures mises en place pour la protection du français sont une question de survie linguistique et identitaire. Le Québec abrite presque la totalité des 2 % de francophones en Amérique du Nord et a, par conséquent, adopté des moyens législatifs pour préserver sa langue.La Charte de la langue française, adoptée en 1977, fait du français la langue officielle du Québec. Bien que la Charte ait subi plusieurs amendements depuis et que les grandes métropoles luttent toujours contre une utilisation croissante de l’anglais, cette loi a contribué jusqu’à ce jour à assurer la préservation de la langue française au Québec.

L’Union européenne, quant à elle, se trouve dans un contexte bien différent, puisqu’en plus du français, elle doit relever le grand défi de préserver une multitude de langues. Forte de ses 23 langues officielles, l’UE fait office de figure de proue dans le domaine de la diversité linguistique. Certaines « mauvaises langues », pour ne pas faire de jeux de mots faciles, se plaindront de la lourdeur bureaucratique et des obstacles au développement économique que représentent ces mesures, tant au Québec qu’en Europe. Cependant, les eurodéputés du Parlement et les représentants de l’Assemblée nationale, ainsi que le représentant del’Organisation internationale de la francophonie auprès de l’UE également présent, étaient tous unanimement en accord sur l’importance de promouvoir la langue française et d’en encourager l’usage, afin de préserver le bagage identitaire qu’elle représente pour les francophones des deux côtés de l’Atlantique.

La protection du patrimoine culturel, une préoccupation universelle

Au niveau international, l’accord faisant office de référence dans ce domaine est la Convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel de l’UNESCO. L’importance accordée à ce thème se traduit au Québec par un projet de loi sur le patrimoine culturel, présenté à l’Assemblée nationale en 2010. Lors de leur rencontre, les représentants de l’institution québécoise et les membres du Parlement européen ont pu échanger sur ce projet de loi important, qui s’apparente de près au label du patrimoine européen, tel que proposé par la Commission européenne la même année.

Ces deux projets, québécois et européens, démontrent une volonté d’élargir la notion de patrimoine pour les uns et de renforcer le sentiment d’appartenance à l’Europe pour les autres.

Le Québec et l’Europe partagent des valeurs linguistiques et culturelles communes : ce rapprochement de deux démocraties a su mettre en lumière combien les échanges sur ces thèmes communs peuvent enrichir la relation entre les institutions parlementaires. Ce type d’échanges permet également de favoriser et de renforcer un sentiment d’appartenance identitaire essentiel basé sur la langue et la culture, tant pour les Québécois que pour les Européens.

Photo : Canada, Quebec, Quebec City, Chateau Frontenac Hotel and street scene, par Chris Cheadle, libre de droits.

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Vos commentaires
  • Le 5 avril 2011 à 18:02, par Krokodilo En réponse à : Tisser des liens linguistiques et culturels entre le Québec et l’Europe

    « l’UE fait office de figure de proue dans le domaine de la diversité linguistique. » Excellent poisson d’avril ! L’UE est en effet le premier fossoyeur de la langue française : tous les organismes européens travaillent en anglais (sauf, dit-on, le juridique, pour le moment...). Seul le Parlement européen est un minuscule îlot d’un modeste plurilinguisme ravagé par un tsunami anglophone. Comment débattre quand on refuse la réalité ?

  • Le 17 avril 2011 à 01:20, par T-A-M de Glédel En réponse à : Tisser des liens linguistiques et culturels entre le Québec et l’Europe

    Et oui Krokodilo, l’UE s’est bien moqué du Québec. Tout au plus, cela intéresse quelques français et belges.

    Il n’y a qu’à voir les propositions de la commission concernant le sulfureux brevet unique européen. Et après ça, on s’étonnera de la défiance envers l’Europe...

    C’est incroyable que tous ces gens n’aient pas encore compris que si le français choit, toutes les langues européennes non internationales trépassent au plus tard dans 200 ans.

    Ce qui me rassure, c’est que le glas n’a pas sonné, et que la tendance est à la reconquête. Notre poids démographique (UE 27) a pris 5 points de pourcentage en 60 ans parmi les naissances (15,5 % contre 10,5%), les populations immigrées (d’Afrique surtout) sont largement francophones et ça devrait continuer. Si l’anglais n’abat pas le français maintenant, il risque de n’y jamais arriver.

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