PESC / PEDC

Ombres et lumières d’une diplomatie européenne erratique

Essayer de tirer quelques enseignements de la crise du Liban

, par Ronan Blaise

Ombres et lumières d'une diplomatie européenne erratique

Ainsi une politique étrangère et de défense commune semble à nouveau possible pour l’Europe... C’est en tout cas ce que l’on serait presque en droit d’imaginer avec l’annonce du prochain déploiement d’environ 7 à 9 000 soldats européens - sous codirection franco-italienne - dans le cadre de la FINUL renforcée : force d’interposition multinationale onusienne censée aujourd’hui se déployer dans le Sud-Liban.

Et c’est là effectivement aujourd’hui comme si les Casques bleus envoyés au Proche-Orient pour essayer d’y protéger la paix brandissaient - en même temps que le drapeau de l’ONU - celui de l’Europe.

D’une Europe qui revient de loin : et un retour de l’Union européenne sur la scène internationale qui doit beaucoup au nouvel activisme pro-européen de l’Italie... [1]

Dans un premier temps : une diplomatie hésitante, pitoyable, honteuse

En effet, on se souvient de la triste et lamentable valse-hésitation du mois de juillet dernier où l’Europe semblait tout juste bonne à tenir des discours idéalistes sympathiques, à évacuer égoïstement ses seuls ressortissants [2] et à envoyer à profusion de l’aide humanitaire aux populations civiles meurtries par le conflit. [3]

Vingt-cinq Etats-membres de l’Union européenne qui semblaient alors incapables de peser ensemble et efficacement sur le cours des événements :

Une diplomatie hésitante, pitoyable, honteuse. Et un spectacle navrant et désolant pour tous ceux et les plus âgés d’entre nous qui se souviennent encore de l’impuissance communautaire déjà déployée en des termes à peu près similaires en ex-Yougoslavie, il y a près de quinze ans déjà...

A charge alors pour Matti Vanhanen (PM de la Finlande, actuellement à la tête de la présidence tournante du Conseil européen) et Javier Solana (’’chef’’ de la diplomatie commune...) de prendre les initiatives politiques qu’ils pourraient...

La priorité étant alors cependant davantage à la recherche d’un consensus au Conseil de sécurité des Nations Unies qu’à une mise en avant des Vingt-Cinq ou de l’UE.

Mais que fait l’Europe ?!

Et bien jusque là elle ne faisait pas grand chose. Et ce, précisément parce qu’elle ne peut pas le faire, faute de pouvoir s’appuyer sur des institutions et sur des mécanismes de décision, de défense et de diplomatie commune vraiment pertinents et véritablement efficaces.

Une Union européenne tout juste bonne à faire de petites choses, à les faire certes correctement. Mais ses faiblesses évidentes n’en n’étaient alors encore que trop et plus visibles encore.

Et certains observateurs européens de s’extasier que des ressortissants tchèques puissent être évacués par des avions slovaques, ainsi que des touristes grecs sur des ferries chypriotes. Mais n’est-pas là, entre Européens la moindre des chôses ?! Et si tout cela est effectivement nécessaire, est-ce véritablement suffisant ?! Et est-ce véritablement satisfaisant ?! Et pouvions nous laisser ainsi le Liban ?!

Certes, il est vrai qu’aujourd’hui près de 30% des forces engagées dans les missions de la paix actuellement en cours dans le monde viennent des pays de l’Union européenne [4]. Mais avec quels mandats ?! Et pour quelles missions ?!

Et peut-on accepter encore davantage que l’Europe n’intervienne qu’a posteriori sur les terrains en guerre sans jamais être capable d’établir ’’a priori’’ quelque ’’diplomatie de prévention’’ de conflits pourtant le plus souvent bel et bien prévisibles...

L’Electro-choc de la conférence internationale ratée de Rome

A la fin juillet dernier (i. e : le 26 juillet 2006...), s’est donc tenue la conférence internationale de Rome sur le Liban réunissant alors les Autorités communautaires européennes [5] et certains des Belligérants (avec la Turquie, l’Egypte, l’Arabie saoudite, la Jordanie et le Liban mais sans l’Etat d’Israël...) en présence du Secrétaire d’Etat américain Condoleeza Rice et du Secrétaire général des Nations unies Kofi Annan.

Laquelle conférence internationale s’est conclue le constat que les Européens n’étaient en fait d’accord sur rien et ne prendraient pas même le temps d’en faire officiellement état devant l’opinion mondiale, donnant là le sentiment d’une Europe incapable d’intervenir de façon unifiée, dynamique et efficace dans la crise proche-orientale.

Constatant l’échec des procédures communautaires alors mises en oeuvre, Paris et Rome se sont alors efforcées de relancer la politique proche-orientale de l’UE et d’essayer de remettre la diplomatie commune sur les rails. [6]

Et depuis lors, ça va mieux...

Beaucoup mieux, même avec l’adoption récente de la résolution onusienne 1701 (préparée par la France et adoptée à l’unanimité par le Conseil de sécurité des Nations Unies, ce 11 août 2006...) et la mise en place de la FINUL renforcée (co-dirigée par la France et l’Italie).

Laquelle force onusienne à forte ossature européenne est composée d’environ 15 000 hommes et devrait compter environ 7 à 9 000 hommes de troupes européens. [7]

Néanmoins, la situation actuelle et les mécanismes de décision communautaires actuels ne sauraient donner aujourd’hui totale satisfaction. Car, préservant l’expression de divergences d’analyse profondes entre Etats membres, ils ne laissent aujourd’hui guère de véritable marge de manoeuvre pour la mise en place d’une véritable politique de sécurité européenne vraiment digne de ce nom... [8]

Ce qui ne pourra guère être le cas tant que les questions de politique étrangère et de défense resteront de l’apanage des seuls Etats-membres, tant que ne seront pas reconnues par tous les Etats-membres de l’Union les mêmes priorités diplomatiques communes, tant que l’Europe ne cherchera pas à exister vraiment par elle-même et à prendre des engagements politiques clairs. Et tant que les décisions en la matière ne seront pas prises à la majorité qualifiée (et non soumises, comme aujourd’hui, au droit de veto des Etats).

Auquel cas, l’Europe pourra alors vraiment agir de par le monde et s’affirmer enfin comme un véritable acteur sur la scène internationale, dans un cadre que l’on souhaiterait - pour ce qui nous concerne - multilatéral.

Sinon, elle continuera décidément à rester tributaire de la seule ’’bonne volonté’’ de ses Etats-membres et de l’absence de volonté politique de dirigeants politiques décidément le plus souvent éduqués à ne voir le monde qu’au travers le prisme déformant de leurs seules références au seul égoïste et individualiste intérêt national...

- Illustrations :

Destructions au Liban (Sources : Flickr).

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Notes

[1Cf. Article de ’’La Repubblica’’ de Rome, in CI n°826 du 31 août 2006, page 10.

[2Le total de réfugiés évacués du Liban grâce aux moyens internationaux mis à leur disposition s’élevant néanmoins, il est vrai, à finalement près de 75 000 personnes...

[3Cf. Article de ’’O kosmos tou Ependytis’’ d’Athènes, in CI n°821 du 27 juillet 2006, page 11.

[4Cf. Article de ’’L’Espresso’’ de Lisbonne, in CI n°826 du 31 août 2006, page 10.

[5Soit : Mme Bénita Ferrero Waldner pour la Commission, M. Javier Solana pour le Conseil de l’Union et M. Erkki Tuomioja, ministre des affaires étrangères de la Finlande, pour la présidence de l’UE.

[6Cf. Article de ’’La Repubblica’’ de Rome, in CI n°826 du 31 août 2006, page 10.

[7L’Italie fournissant le premier contingent (qui pourrait comporter jusqu’à 3.000 hommes) venu renforcer les troupes déjà prépositionnées et bientôt envoyées par la France. L’Espagne, la Pologne, la Belgique, la Finlande, le Danemark, la Suède, la Grèce, le Royaume-Uni, le Luxembourg et la Norvège (ainsi que la Turquie, la Malaisie, l’Indonésie et le Bangladesh...) ayant aussi promis d’apporter leurs contributions...

[8Cf. Article de ’’Frankfurter Allgemeine Zeitung’’, in CI n°826 du 31 août 2006, page 10.

Vos commentaires
  • Le 13 septembre 2006 à 11:58, par Ronan Blaise En réponse à : Proche orient : Complément d’infos

    A l’occasion du Séminaire fédéraliste de Ventotène, le 8 septembre dernier, la Présidente de l’Union européenne des fédéralistes (UEF) (et de la Région Piemonte), Mme Mercedes Bresso, s’est prononcée pour la convocation d’une Conférence internationale sur la sécurité et la coopération au Moyen-Orient.

    Laquelle conférence internationale s’attaquerait aussi au problème du désarmement nucléaire, et pour le lancement d’un processus d’intégration régionale « sur la base du modèle européen, en commençant par Israël, la Palestine, le Liban et la Jordanie ».

    Ceci, selon Mme Bresso, « sous-tend une implication énorme de l’Union européenne dans la même logique que le Plan Marshall », et exige que l’UE surmonte « ses problèmes de coopération intergouvernementale » et relance le processus constitutionnel, avec comme but « la création d’une fédération, si nécessaire ».

    Par ailleurs, Mme Bresso demande aussi à la France d’accepter le Haut Représentant pour la PESC à ses côtés au Conseil de sécurité des Nations unies.

    (Sources : Dépêche de l’Agence « Europe », Bruxelles, 11/09/2006).

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