Le 7 mai, la Cité Internationale Universitaire de Paris a accueilli Eva Joly lors d’un petit déjeuner organisé par l’Alliance Internationale. L’échange a d’abord porté sur le parcours de magistrate de la députée européenne, et son implication dans la célèbre affaire Elf. Eva Joly a défendu une vision de la politique centrée sur les droits des citoyens, et considérant comme inaliénables les valeurs d’égalité et de justice pour tous. D’abord restreint à la politique française, le débat s’est ouvert à l’échelle européenne lorsque la question de l’immigration a été évoquée.
Contre l’Europe-forteresse
Eva Joly a mis en garde l’auditoire contre la tentation d’une Europe-forteresse, sorte de citadelle occidentale défendue par Frontex, l’agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures. Elle a fustigé, en particulier, l’accord que le gouvernement italien a conclu avec la Lybie de Kadhafi [1], et qui a pour effet de refouler en terres lybiennes les migrants désireux de gagner l’Europe, souvent issus de pays en proie à la guerre civile. « Lorsqu’ils posent le pied en Europe, a déclaré Eva Joly, ces migrants ont des droits et peuvent être protégés. Mais qui s’occupe, en Lybie, de la sécurité des migrants ? » Un long silence dans la salle. « Personne », résume-t-elle.
La députée européenne a également évoqué sa double identité, française et norvégienne, et l’impossibilité de renier l’une ou l’autre, même si elle considère désormais la France comme son "premier pays". Elle a relevé que tous les États de droit étaient confrontés aux même problèmes dans la lutte contre la corruption, et que ces défis ne pouvaient être résolus que par une approche internationale, un petit pays comme la Norvège pouvant à lui seul donner des impulsions significatives pour introduire des évolutions dans ce domaine.
Les Verts en Europe et en France
Arrivant à des considérations plus générales, Eva Joly affirmait que « Tout le monde peut sentir que nous sommes arrivés à la fin d’une époque. » Selon elle, il est désormais nécessaire de restructurer la politique autour d’autres enjeux et d’autres méthodes, et les Verts sont, « historiquement », la force politique capable de porter ce changement. Au Parlement européen, où les Verts ne représentent que 55 des 736 députés, Eva Joly a affirmé que le poids politique du groupe est plus important que les chiffres ne le laissent paraître, et que les députés qui le composent sont présents sur tous les fronts.
Revenant sur la scène politique nationale, une participante au débat a posé la question d’une éventuelle alliance avec le Parti Socialiste, dans le cadre de primaires ouvertes avant l’élection présidentielle de 2012. Elle a également relevé que désormais, le parti majoritaire de la gauche incluait systématiquement des propositions environnementales dans ses réflexions programmatiques, et que l’originalité des Verts n’était plus un fait acquis. Eva Joly a répondu qu’en effet, le Parti Socialiste avait tendance à « verdir » son programme, mais a estimé qu’il n’était pas capable, dans l’état actuel des choses, d’accomplir pleinement la transition et de réaliser une vraie révolution en ce sens.
Candidate à la présidence française en 2012 ?
Le modérateur du débat a ensuite posé frontalement la question à Eva Joly : considérant un récent sondage qui la créditerait de 12% des intentions de vote des Français si l’élection présidentielle devait avoir lieu immédiatement, envisagerait-elle de se porter candidate à la présidence en 2012 ? La députée européenne a pris des précautions importantes, affirmant que la priorité pour les Verts était de devenir une force politique crédible et de proposer un programme de gouvernement complet. Moyennant cela, et si les militants écologistes estiment qu’elle est la plus apte à remplir cette fonction, Eva Joly a affirmé qu’elle n’excluait pas de se porter candidate.
Si Eva Joly s’avère être la candidate des Verts, il nous reste à espérer qu’elle n’oubliera pas son engagement européen, et que la campagne sera plus européenne en 2012 qu’elle ne l’a été en 2007. Le parcours exemplaire de l’ancienne magistrate nous donne des raisons de croire que cela est possible.
1. Le 24 octobre 2010 à 12:19, par Benefactor
En réponse à : Petit déjeuner européen avec Eva Joly
Pour faire écho à la fin de votre article, il serait plus que profitable à la France qu’une telle personnalité soit présente lors des prochaines échéances électorales. Son engagement, son expérience, ses capacités ainsi que sa fiabilité et son honnêteté en tant qu’être humain font d’elle le personnage d’Etat que la France espère depuis trop longtemps. Croyez-en un « vieux » qui, comme beaucoup d’autres de sa génération, a trop observé et subit la valses des égos, les retournements de vestes carriéristes, les mensonges (c’est le véritable terme pour contre-vérité) électoraliste comme les manipulations d’opinions de l’oligarchie en place depuis la fin des années soixante-dix. Il est temps que quelqu’un se soucie enfin de la population française tant au sein de l’hexagone que d’une Europe des nations dans le respect de ce qui les lie comme de ce qui leur est spécifique et fait notre richesse commune. Le gauche comme la droite restent ancrées dans leurs travers nombriliste en perpétuant une sorte pièce de boulevard gagnant-gagnant qui ne sert à rien d’autre que leurs intérêts personnels et donc de ceux qu’ils servent réellement (prévarication ?) comme il a été démontré par les nombreuses « affaires », depuis « Carrefour du développement » sous Mitterrand hier jusqu’à Bettencourt aujourd’hui.
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