Poitou-Charentes : non au boycott de la clientèle allemande par les hôteliers-restaurateurs

Carton rouge à Antoine Majou, président de l’UMIH

, par Fabien Cazenave

Poitou-Charentes : non au boycott de la clientèle allemande par les hôteliers-restaurateurs

Le président de l’Umih Poitou-Charentes (hôteliers et restaurateurs), Antoine Majou, a adressé un courrier à ses adhérents en leur demandant de boycotter les produits allemands et la clientèle allemande, après le refus d’Angela Merkel de laisser la France baisser son taux de TVA en restauration. Carton rouge !

Les réflexes anti-allemands ont la vie dure : est-ce que les clients allemands vont devoir aborder une étoile (noir-rouge-) jaune quand ils viendront en Charente-Maritime ?

La réaction du président régional du syndicat hôtelier l’Union Métiers Industries Hôtellerie (UMIH) fait peur car on s’attaque non seulement à un produit mais bien à l’identité de la personne. Que verrons-nous sur les portes des hôtels dorénavant ? « Interdit aux chiens et aux Allemands » ?

Bien sûr, le président de Charente-Maritime de ce syndicat a voulu faire de la provocation, ce qui suppose jouer avec les limites. Là, il les a allègrement dépassées... et ne semble pas le comprendre.

A l’origine une réaction épidermique sur la TVA à 5,5% dans l’hôtellerie-restauration

Les Allemands ont bon dos. Ils payent les pots cassés de la frustration des professionnels de l’hôtellerie et de la restauration qui, depuis plus de dix ans, réclament en France l’instauration d’une TVA à 5,5% et non celle à 19,6%. Or le dernier sommet européen a mis une nouvelle fois le couvert sur leur « rêve » et c’est sur les épaules de la chancelière allemande, Angela Merkel, que reposerait la réalisation d’un accord. Avant ce sommet, c’était pourtant des petits pays qui empêchaient l’accord. Mais ils ne pesaient pas autant que l’Allemagne. En Charente-Maritime, la clientèle allemande est à la troisième place de la fréquentation « étrangère » (selon la terminologie officielle), derrière les Britanniques et les Néerlandais, avec 192.700 nuitées en 2007 pour 40€ de dépenses quotidiennes en moyenne.

Heureusement, des voix s’élèvent pour dénoncer cet appel à la ségrégation de nos cousins germains. Thierry Maître, président des cafés, brasseries et discothèques de Charente-Maritime s’élève contre les ’conséquences d’un pareil appel’. Il estime qu’on « mélange les valeurs de nos activités d’accueil sans aucune discrimination et les questions de politique entre gouvernements de différents pays ». « En tant également que président de l’association Instant privilège qui regroupe des cafés et brasseries rochelais, il n’est pas question de s’associer à cette démarche » termine le patron de l’Epi de Blé.

L’intergouvernementalisme pousse à ce genre de réactions

Comment a-t-on pu en arriver là ? Même si la relation franco-allemande ne fonctionne plus aussi bien qu’avant, ce n’est pas la première fois qu’une décision est bloquée en raison d’un désaccord entre France et Allemagne. De plus, l’unanimité nécessaire sur la majorité des compétences européennes bloque le système. Le problème est que le Conseil européen est encore plus important car la Commission européenne est faible actuellement. Et les sommets à 27 intérêts nationaux différents ne poussent pas spécialement à la recherche du consensus...

Que peut comprendre dès lors le citoyen européen en dehors du fait que ses intérêts nationaux sont bloqués par ceux des autres ? On dresse ainsi les citoyens les uns contre les autres. Comme le président de l’UMIH et la clientèle allemande.

Le Parlement européen a décidément un rôle des plus importants pour remettre la construction de l’Union européenne sur de bons rails. Car c’est là qu’on peut dépasser les intérêts nationaux le plus facilement en remettant au coeur du débat la confrontation des projets de droite, de gauche, du centre ou écologique...

Parce qu’en attendant, on a des réactions comme celle d’Antoine Majou qui ne comprend pas la gravité de ses propos. Il déclare ainsi que le but, c’était de provoquer, sinon on passe inaperçu. Et jusqu’à maintenant on a été trop poli, trop gentil. [1] Alors autant être trop con ?

Illustration : photographie d’Antoine Majou issue du site reprenant cette information Lepetiteconomiste.com.

Notes

[1Source : Sud Ouest du 3 janvier 2009, page 11

Vos commentaires
  • Le 6 janvier 2009 à 10:12, par Laurent N. En réponse à : Poitou-Charentes : non au boycott de la clientèle allemande par les hôteliers-restaurateurs

    Fabien, tu nous montres bien que cette réaction est d’abord le fait d’un homme, Antoine Majou, qui prend la décision du boycott et tient ces propos inconsidérés. Tu nous expliques que, derrière cette réaction épidermique, c’est le fonctionnement de l’Europe intergouvernementale qui pousse à la confrontation des intérêts nationaux, et donc des citoyens par ricochet.

    La troisième cause qui amène ce type de comportements absurdes, c’est l’absence de débat public sur les enjeux de politique européenne. C’est ce que dit M. Majou en substance : comment se faire entendre ? personne ne nous écoute, personne ne parle de ce problème. Ca n’excuse évidemment pas l’attitude imbécile et, comme tu le qualifies très justement, dangereuse, de M. Majou. Mais encore une fois, on a l’illustration parfaite du manque de débat sur ces décisions qui se prennent au niveau européen.

    La faute aux gouvernements qui blâment « Bruxelles » ; la faute à l’opposition qui blâme le gouvernement ; la faute aux médias qui ne blâment personne parce qu’ils n’en parlent pas...

    ...et si M. Majou venait créer ce débat de manière intelligente en expliquant sa position sur le Taurillon ?

  • Le 6 janvier 2009 à 12:10, par Fabien Cazenave En réponse à : Poitou-Charentes : non au boycott de la clientèle allemande par les hôteliers-restaurateurs

    Tu as raison : un espace public européen limiterait ce genre de discours... ou alors cela créerait une très grosse polémique (européenne).

     ;-)

  • Le 7 janvier 2009 à 14:05, par Ronan En réponse à : Poitou-Charentes : non au boycott de la clientèle allemande par les hôteliers-restaurateurs

    Voilà des propos sans doute plus bêtes que méchants qui ne méritent sans doute pas le buzz qu’ils suscitent. Car si l’imbécilité est (effectivement) assez également répartie dans toutes les tranches d’âge de la population, je n’ai tout de même pas le sentiment que la germanophobie "réfléchie" et "vraiment argumentée" soit un sentiment très répandu dans les jeunes générations.

    Il n’empêche, voilà des propos qui "gâchent l’ambiance" : si les français ne sont - sans doute très majoritairement - pas germanophobes (« France-Allemagne » à Séville, en 1982, avec Battiston et Schumacher, ça commence tout de même à dâter...), il serait tout de même très dommage que nos amis allemands puissent s’imaginer le contraire...

    Pour le reste, cette "anecdote" illustre parfaitement les effets pervers de l’actuel système intergouvernemental : où l’on voit des gouvernements (mandatés par des lobbys professionnels et par les franges les plus extrémistes de leurs seuls électorats partisans...) défendre sur la scène européenne des intérêts catégoriels égoïstes, au nom de leurs peuples ! Où les confrontations de lobbies ultra-minoritaires deviennent alors des antagonismes entre gouvernements, et bientôt des conflits entre peuples (confrontés les uns aux autres et pris en otage par des minorités, au nom d’intérêts catégoriels purement égoïstes...).

    Noyer tout ça dans un grand espace public européen, vite !!! On s’y apercevra alors qu’être pour ou contre la TVA à tel ou tel taux sur tel ou tel produit n’est - contrairement au manichéisme simpliste ambiant - pas consubstantiel au fait d’être allemand ou français, bordure ou syldave (et - intraséquement - gentil ou méchant...).

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