« Vive la crise ! »
La crise que nous traversons a en effet été révélatrice des faiblesses des États-membres et de la gouvernance collective de l’Union. Mais elle a également révélé nos forces, et le fait que l’Union constitue une communauté d’intérêts et de destin : nos sociétés sont maintenant unies de manière beaucoup plus forte que les fédéralistes les plus convaincus n’auraient osé l’imaginer.
Dans un tel contexte, il y a grand besoin de courage politique.
Le Traité de Lisbonne répond à tout les besoins. Ce ne sera pas le dernier des Traités européens, et ça n’est certainement pas la constitution des États-Unis d’Europe. Il peut néanmoins être une boîte à outils utile pendant vingt ans.
Si l’on revient aux travaux de la Convention européenne ; il apparaît, en comparaison, que la tâche à Philadelphie était plus simple : les « États-Unis » sont en fait une seule nation, unie durant l’épreuve de la guerre de l’indépendance contre la Grande-Bretagne, avec une même culture, une même langue et les mêmes valeurs. En Europe, la situation est tout autre : il s’agit d’unir dans une union politique des pays qui sont de très vieilles nations, attachées à leur identité nationale, à leur indépendance, soit parce qu’ils sont anciens, ou au contraire très jeunes. Le Traité de Lisbonne prend cet aspect en compte, puisque tout pays qui ne serait pas content dans l’UE peut en sortir et reprendre ses compétences (article 40), et renégocier son entrée dans l’UE sous des formes différentes (article 39).
Dix ans ont été consacrés à élaboration du Traité de Lisbonne. Pendant ce temps, les politiques publiques qu’il aurait été nécessaire de mettre en œuvre ont été laissées de côté. Or, cela a été les dix années les plus prospères de l’économie mondiale…Une décennie perdue pour l’Europe.
Il ne faut donc plus perdre de temps à rebâtir le navire. Il faut se servir de l’armature existante. Avec la nouvelle configuration de « triumvirat » (Président de la Commission, Président du Conseil, Haut-représentant pour la politique extérieure, ndlr), on craignait qu’il y ait trop de capitaines à la barre, mais on s’aperçoit en fait que la passerelle de commandement est vide : on ne profite pas des outils mis à disposition. Dans le domaine de l’immigration par exemple : une règle européenne unique est aujourd’hui nécessaire, et on en a enfin la compétence juridique… Mais on attend toujours une vraie politique commune de l’immigration. De même, la Guerre froide est terminée, l’OTAN ne sert plus comme autrefois, et toutes les conditions sont donc réunies pour construire une Europe de la défense. Cela est rendu possible par le Traité de Lisbonne, mais là-encore, on attend encore de vrais résultats concrets.
Il y a toutefois un problème que ce Traité ne règle pas : le fait que le budget européen doive être financé par des ressources propres, et non par des contributions nationales. C’était le système initialement prévu dans les traités et qui s’est appliqué pendant les trente premières années de la construction européenne.
« Nous sommes le peuple, prenons le pouvoir en Europe ! »
Il y a trois stades pour « prendre le pouvoir en Europe » :
L’Initiative citoyenne européenne (ICE). Au cours de la convention européenne, des propositions ont émergé pour permettre plus de démocratie directe en Europe. Cette Initiative citoyenne européenne permet dans cette optique un contact direct avec Bruxelles, c’est une invitation pour les institutions européennes à se pencher sur un sujet. Elle part du principe que la Commission a juridiquement le monopole d’initiative, mais pas le monopole des idées. Aussi, si un million de citoyens européens venaient à signer une résolution, la Commission pourrait être saisie et invitée à agir sur le sujet de cette résolution. Ce règlement entre vigueur le 1er mars de cette année. C’est également une porte ouverte pour les eurosceptiques, il faut donc veiller à ne pas leur laisser le monopole des idées en la matière, car ils en auront forcément. Pléthore de sujets peuvent faire l’objet d’une telle ICE : reconnaissance mutuelle des diplômes, points de retraite. Etc…
Les élections européennes de 2014. Dans le système électoral actuel, on a une euro-circonscription qui regroupe Aquitaine, Midi-Pyrénées et Languedoc Roussillon, avec des listes de dix candidats élus à la proportionnelle, que personne ne connait. Pour les deux principaux partis, les deux premiers de la liste sont sûrs d’être élus. Ainsi, à l’UMP, on peut considérer que ces deux élus sont des « fonctionnaires » désignés par leur chef de parti. On pourrait faire en sorte que la circonscription européenne corresponde à la région, où grosso modo trois Eurodéputés seraient élus, selon un ordre choisi par les citoyens (vote préférentiel, comme en Irlande). Il ne dépend que de nous de changer la loi française.
En juin 2014, 400 millions d’électeurs vont élire M ou Mme. Europe au suffrage universel (cf Traité de Lisbonne : le Président de la Commission européenne sera élu par le Parlement européen au lendemain des élections du parlement). Il sera donc désormais élu comme un premier ministre d’un régime parlementaire, et pourra se prévaloir d’une légitimité fortement accrue, en conséquence, vis-à-vis des chefs d’Etat. Cela bouleversera réellement les rapports de force entre les institutions européennes.
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