Lors de sa dernière rencontre avec Angela Merkel, Nicolas Sarkozy faisait pression pour que la BCE s’engage sur un soutien fort aux États souffrant de la pression des marchés. L’institution est virtuellement en mesure de racheter tout titre sur le marché obligataire en imprimant de la monnaie, et ce faisant de ramener les taux d’intérêts à des niveaux convenables.
Depuis le début de la crise, elle utilise régulièrement ce levier, mais à cause de la nature « temporaire » et « limitée » de celui-ci, les marchés ne sont pas convaincus et les observateurs estiment les interventions trop timides et sans effets
Ainsi, les taux d’emprunts de l’Italie et de l’Espagne – les pays concernés par les mesures – restent à des niveaux jugés insoutenables.
La Chancelière allemande a été particulièrement ferme ces derniers jours sur son refus de forcer la main à la BCE, mais au-delà des divergences culturelles sur le sujet de l’inflation, cette position est aujourd’hui fondée. De fait, si la politique monétaire apparaissait aux acteurs économiques comme dictée par les dirigeants politiques, son échec serait assurée.
Aux yeux des marchés, l’institution ne serait plus maîtresse de son mandat, mais sous le contrôle des gouvernements. En violant son indépendance, ces derniers anéantiront toute sa crédibilité en ce qui concerne la lutte contre l’inflation, et une mesure de rachat de dette aurait très rapidement des effets hyper-inflationnistes.
Dans ce cas la hausse des prix n’aura plus aucune raison rationnelle, et ce sont seulement les anticipations auto réalisatrices qui seront à l’origine du phénomène. Un des rôles des banques centrales est justement « d’ancrer » les anticipations sur le long terme en s’engageant pour la stabilité des prix.
Or, à cause de leur intérêt à imprimer des billets pour financer leurs déficits, les gouvernements ne peuvent fournir le gage attendu par les acteurs économiques, et leur contrôle de l’émission monétaire a toujours nourri une inflation ébranlant rapidement l’économie. Alors, le dernier pilier de la zone euro serait abattu.
Ceux qui défendent les interventions massives mettent en avant le cas américain où la Fed a injecté des trillons de dollars depuis le début de la crise pour soutenir l’économie. Cependant elle a pris ces mesures à sa discrétion, et ce détail qui pourrait paraitre insignifiant fait toute la différence. Il n’est pas question ici de juger l’impact d’une politique expansionniste, et la BCE peut se lancer dans le même programme avec succès, mais elle seule doit le décider, sans laisser le doute d’avoir été assujettie.
Qui pour sauver l’euro ?
Ces derniers jours, la solution de l’injection de liquidités a été décrite comme la seule issue possible pour mettre fin à la crise, néanmoins les gouvernements ont leur propre « bazooka » pour racheter massivement de la dette.
Même si bon nombre d’observateurs estiment le montant insuffisant dans l’état actuel des choses, en concrétisant l’extension du FESF aux 1000 milliards d’euros de ressources promis, les dirigeants européens seront en mesure de se lancer leur propre programme de rachats massifs de dette.
Il n’est pas question ici de mettre sous perfusion des États comme ce fut le cas pour la Grèce, l’Irlande et le Portugal, mais de répondre à toute vente de titres souverains comme pourrait le faire la BCE. S’ils se montrent suffisamment déterminés et proactifs, les dirigeants auront largement les moyens pour faire taire les marchés. A titre d’idée, depuis le début de la crise la BCE a accumulé 200 milliards d’euros de dette souveraine ; lorsque les gouvernements aligneront une telle somme sur quelques jours l’effet sera drastique.
Mais, avant qu’un tel scenario se concrétise les politiques de la zone euro, devront passer par des compromis. Pour que le FESF soit augmenté l’Allemagne doit accroitre ses garanties, ce qu’elle ne fera pas sans plus d’engagement de la part des pays membres sur un contrôle des budgets nationaux supervisé par la Commission européenne. Encore une fois les chefs d’États se retrouvent face à la seule solution à la crise : plus de fédéralisme.
En acceptant leurs responsabilités ils enverraient un message très positif à la BCE qui pourrait (paradoxalement) assouplir sa gestion monétaire, car libérée de la pression politique.
N’oublions pas pour finir que la Banque centrale européenne est le seul vrai organe fédéral du projet européen, son existence est conditionnée par celle de la zone euro et il est impensable qu’elle n’intervienne pas à la veille d’un éclatement. D’ailleurs d’un point de vue plus pragmatique, Monsieur Draghi ne voudrait certainement pas dégringoler du sommet de sa carrière alors qu’il vient tout juste d’y accéder. Cependant, comme il insistait lui-même lors de son premier discours public, les États doivent concrétiser leurs engagements sur le FESF et accepter leur rôle. Nombreux d’observateurs présentent la rencontre du 9 décembre prochain comme celle de la dernière chance.
1. Le 4 décembre 2011 à 21:53, par Xavier En réponse à : Que doit faire la Banque centrale européenne ?
C’est pourtant pas compliqué.... Ces États en difficulté n’ont qu’à prendre leur courage à deux mains et adopter une politique des finances saine, un budget équilibré. Plus besoin de s’endetter, plus besoin d’emmerder la BCE pour sauver leur conneries (et pas l’euro qui, lui, n’est pas en danger), plus besoin de flirter avec l’inflation, plus besoin d’être « à la merci du marché ».
J’sais pas vous, mais moi, ce marché, je le comprends. Je ne prêterai pas mon argent ni à la Grèce, ni à l’Italie, ni à tout autre pays qui n’arrive pas à équilibrer son budget.
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