Que faire de nos mers ?

, par Guillaume Chomette

Que faire de nos mers ?
Drapeau de l’Union européenne Auteur :NatBat - Certains droits réservés

De nos jours le vieux continent est considéré comme l’homme malade de la mondialisation et si on reconnaît à la construction européenne de nombreuses qualités, tout le monde s’accorde pour dédaigner la place de l’Union sur la scène internationale. Pourtant l’Europe possède un vieil atout, mais de taille, son passé d’hyperpuissance navale qui permet encore à L’Union européenne d’être présente aux quatre coins de la planète.

« Qui tient la mer tient le monde »

Cette citation de Sir Walter Raleigh, grand navigateur de Élisabeth I d’Angleterre résume bien la stratégie impérialiste des puissances européennes vis-à-vis des océans du globe jusqu’au premier conflit mondial. La maîtrise des techniques de navigation, de construction navale et le contrôle des détroits clefs apportèrent aux États européens la possibilité de prendre possession d’une multitude de territoires ultramarins et d’asseoir leur présence militaire et commerciale à travers le monde. Au cours du XXème siècle, la montée en puissance fulgurante des États-Unis mais également de la Russie, du Japon et plus récemment des pays émergents dans le domaine naval rebat les cartes de la géopolitique des océans et épuise un peu plus chaque jour le potentiel vieillissant des marines européennes.

La mer, clef de la mondialisation des échanges

Les flux maritimes n’ont cessé de s’étendre et de s’accélérer depuis les grandes découvertes des navigateurs européens, ouvrant de nouvelles perspectives de commerce à l’humanité jusqu’à aujourd’hui où ils sont devenus un élément moteur de la mondialisation.

Ce phénomène de « maritimisation » des échanges atteint de nos jours des proportions démesurées : actuellement plus de 80% des marchandises transportées dans le monde le sont par voie maritime. On en arrive à parler d’une réelle interdépendance de l’économie mondiale et du transport maritime : pour preuve, il y a quelques années le naufrage d’un porte-conteneur chargé de leviers de vitesse dans l’océan Indien interrompit pendant 6 mois la production d’une usine Mercedes en Afrique du Sud.

L’importance croissante du transport maritime accroît chaque jour un peu plus la tension sur les points de passage stratégiques des mers du globe (Malacca, Suez, Ormuz, Bab-el-Mandeb, Gibraltar etc.). La tentation est alors grande pour certains États de « nationaliser » les mers pour accaparer les riches ressources des fonds marins ou pour contrôler un point de passage névralgique du trafic maritime. Cette tendance lourde de la territorialisation des océans tend à s’accentuer dans les années à venir et cristallise déjà de nombreuses tensions à travers le globe comme le prouvent les affrontements en mer de Chine orientale autour des archipels nippons contestées par la Chine.

Quelle place tient l’Europe sur l’échiquier maritime mondial ?

Comme dans de nombreux domaines, l’Union européenne est plutôt bien placée sur le podium des puissances maritimes du globe. L’UE possède la première ZEE du monde (Zone Économique Exclusive, soit la zone maritime sur laquelle un État exerce sa souveraineté) avec plus de 25 millions de km2 de mers, loin devant les États Unis (11 millions de km2) et l’Australie (10 millions de km2), zone maritime sur laquelle les puissances européennes ont l’exclusivité de la pêche et de l’exploitation des ressources énergétiques ou minières enfouies dans les fonds marins.

Les grands ports mondiaux sont aujourd’hui asiatiques mais les ports européens comme Rotterdam, Anvers ou Hambourg continuent à tenir une place importante dans le commerce maritime mondial, notamment devant les grands ports américains. L’Europe a vu décliner son industrie de construction navale qui reste cependant compétitive dans les secteurs du transport de passagers et de la marine militaire.

Si la puissance maritime de l’UE est émoussée à cause de la faiblesse de sa flotte marchande et de la dispersion de ses unités navales militaires entre les États membres, il n’en reste pas moins que l’immensité de sa zone économique exclusive aiguise tous les appétits. Afin de défendre et de mieux exploiter nos atouts ultramarins, il conviendrait donc de procéder à une politique de convergence européenne dans le domaine naval afin de mieux peser sur la géopolitique des océans.

Nécessité d’une politique civile de coopération maritime européenne

Les pays de l’Union disposant d’une façade maritime ont scellé en 1983 un traité instituant une « politique commune de la pêche », les pays signataires s’engageaient à permettre aux pêcheurs ressortissants européens d’exploiter librement les ressources halieutiques situées dans leurs zones économiques exclusives sur toute la surface des océans de la planète. Il s’agit d’une formidable avancée communautaire dans le sens où les États s’engagent à collectiviser leurs ressources sans réciprocité chiffrée.

Aujourd’hui l’industrie de la pêche ne représente que 1% du PNB de l’Union européenne et 400 000 emplois directs, c’est peu. Mais il faut souligner que l’UE importe plus de 60% du poisson qu’elle consomme et avec l’explosion démographique planétaire, il faut s’attendre à une envolée des cours du poisson qui représente une alternative peu coûteuse à la viande. L’exploitation des riches ressources halieutiques de l’Europe semble donc être pour l’avenir un gisement d’emploi tout comme un moyen essentiel pour l’Union européenne d’assurer son indépendance alimentaire.

L’UE s’est aussi engagée dans la lutte contre la pollution marine via la convention de Barcelone signée en 1976 et amendée en 1995. Les pays signataires de la convention s’engagent à lutter contre les pollueurs en Méditerranée pour protéger la faune et la flore de la mer qui a vu naître les grandes civilisations de l’Antiquité.

Vers une flotte européenne ?

Le chef d’état-major de l’armée française, l’amiral Guillaud déclarait devant le Sénat français à l’occasion de débat sur le projet de loi de finances pour 2012, « Le monde réarme, l’Europe désarme ».

La réduction des dépenses publiques touche les forces armées de tous les pays européens et principalement les principaux contributeurs à la protection maritime de l’Union : la Grande-Bretagne et la France.

La « Royal Navy » a vu son budget brutalement amputé lors des coupes sombres effectuées par Tony Blair dans les années 2000, quant à la « Royale » française, elle voit son unique porte-avions à quai pour révision pendant plusieurs mois faute d’en avoir commandé un second.

Dans ces conditions, il paraît de plus en plus difficile pour ces deux nations d’assurer la sécurité ultramarine de l’Europe. La capacité de leurs groupements aéronavals (unité tactique composée d’un porte-avions et de son escorte de frégates et de sous-marins) à se déployer rapidement dans une partie éloignée du globe comme cela fut le cas pour l’intervention britannique aux Malouines (1982) ou le soutien de l’escadre française lors de l’intervention libyenne (2011) paraît de moins en moins certaine.

Pourtant le besoin d’une marine européenne s’est fait sentir récemment avec le phénomène de recrudescence d’actes de piraterie dans des détroits névralgiques comme au large de la Somalie, l’intervention d’une coalition de certains pays européens membres de l’OTAN en Libye aux portes de l’Europe ainsi que pour lutter contre l’immigration clandestine et le trafic de drogue en Méditerranée qui se développent toujours plus faute de véritable union des efforts des différents garde-côtes européens.

Dès lors, il semble urgent de collectiviser les moyens de défense de nos espaces marins comme nous en avons déjà collectivisé les ressources. Il paraît injuste de laisser à quelques États le soin de défendre le plus grand nombre. Dans ces temps de crise et de récession, il serait dommage que les gouvernements cèdent aux sirènes de l’austérité en effectuant des coupes aveugles dans les budgets d’armement naval alors que pourrait s’engager une véritable mutualisation des coûts pour mettre sur pied une flotte européenne.

Car comme le disait Richelieu : « Les larmes de nos souverains ont le goût salé de la mer qu’ils ont ignorée ».

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