Quitter ou ne pas quitter : le dilemme shakespearien du Royaume-Uni dans l’Europe

, par Nelly Tsekova, traduit par Melanie Meade-Miles

Toutes les versions de cet article : [Deutsch] [English] [français]

Quitter ou ne pas quitter : le dilemme shakespearien du Royaume-Uni dans l'Europe
David Cameron et José Manuel Barroso, président de la CE © Services audiovisuels de la Commission européenne

Depuis la crise économique européenne, les eurosceptiques dominent le discours public au Royaume-Uni et alors que des réunions cruciales sont prévues avant Noël entre les chefs d’États de l’Union européenne, David Cameron, Premier ministre britannique, fait allusion publiquement au référendum sur l’adhésion à l’UE.

Le Royaume-Uni et l’UE : 39 ans de splendide isolement

Le Royaume-Uni a toujours été mal à l’aise avec l’UE. Dès qu’il a rejoint la Communauté économique européenne en 1973, il a organisé un referendum sur le prolongement de son adhésion en 1975. Le Royaume-Uni était plutôt un observateur, regardant le continent depuis l’Atlantique d’un œil lointain. Le Royaume-Uni a toujours donné plus à l’UE plus qu’il n’en a reçu. Le pays n’a jamais adhéré à la libre circulation entre les pays (l’accord de Schengen). En outre, il n’a jamais adopté la Charte des droits fondamentaux. Ils étaient sceptiques quant à la monnaie unique depuis le début. Récemment, le gouvernement britannique a annoncé que le Royaume-Uni se retirerait de 130 directives couvrant le mandat d’arrêt européen, le Parquet européen et le département de justice européen. Jusqu’à présent, la « bonne méthode » pour le Royaume-Uni a été de ne pas fermer la porte aux différentes options, mais M. Cameron a désormais réclamé une « redéfinition » des relations entre le Royaume-Uni et l’Union européenne.

Plus « dedans » que « dehors »

Au fil des années, le rôle de la Grande-Bretagne dans l’intégration européenne a été apprécié pour la qualité de ses contributions en matière de politique étrangère, de sécurité et de défense, pour son libéralisme pragmatique en maintenant les libertés du marché unique et pour son esprit antiprotectionniste. Le Royaume-Uni « amène » toujours l’ordre du jour sur les enjeux du marché unique, demandant qu’une date soit fixée pour l’achèvement du marché intérieur de l’énergie et du marché unique des services. Le Royaume-Uni a aidé à reconstruire l’Europe d’après-guerre et a joué son rôle en s’assurant que l’Europe se réunifie après la chute du mur Berlin. Au niveau de la politique étrangère, le Royaume-Uni a montré son engagement d’aider à résoudre les conflits dans les zones à risque à travers le monde.

Ayant un rôle clé, capable de maintenir le complexe équilibre des pouvoirs dans l’UE, le Royaume-Uni a de l’importance et un poids considérable avec d’autres États membres qui comptent sur leur influence afin de renforcer le libre marché du bloc européen et de contrebalancer l’approche plus étatiste de la France. Sans la participation active du Royaume-Uni en tant que puissance mondiale, l’UE aura du mal à réaliser ses ambitions de devenir un acteur majeur à l’échelle mondiale, capable de défendre son opinion et ses intérêts à côté des autres puissances mondiales.

Perdre les ressources de pouvoir britannique (une armée solide, un droit de veto au Conseil de Sécurité de l’ONU, une grande expérience en politique internationale et un savoir-faire diplomatique) serait un coup dur pour les ambitions mondiales de l’Europe.

Les liens qui nous unissent

La crise de la zone euro a permis aux Tories de soutenir que le Royaume-Uni devrait quitter l’Europe parce que ses couts et ses règles freinent les entreprises britanniques. En octobre dernier, plus d’un quart des députés du Parti conservateur ont voté contre la ligne du parti lors d’un scrutin sans engagement demandant un referendum national. M. Cameron a affirmé qu’il comprend les inquiétudes quant à l’Europe, mais a expliqué qu’« il n’est pas dans l’intérêt du Royaume-Uni de s’en aller ».

Les eurosceptiques croient qu’une fois libérée des chaines de l’UE, la Grande-Bretagne persévérera et négociera les bons accords commerciaux avec des partenaires privilégiés tels que le Commonwealth et les États-Unis. Ils affirment qu’au lieu d’être isolé, le pays aurait plus de liens avec les économies mondiales émergentes. Cependant, le Royaume-Uni a plus de liens commerciaux avec l’Ireland qu’avec tous les pays émergents réunis (le Brésil, l’Inde, la Chine et la Russie). Il serait économiquement déconseillé d’abandonner ses partenaires commerciaux principaux pour se concentrer sur des marchés où la position de la Grande-Bretagne est plus faible. Pourtant, un accord de libre-échange tel que ceux qu’ont la Suisse et la Norvège avec l’UE pourrait être signé, mais alors les Britanniques n’auront plus longtemps leurs mots à dire.

Les eurosceptiques prétendent qu’en dehors de l’UE, la Grande-Bretagne peut être son propre maitre et défendre au mieux ses intérêts nationaux. Mais ces intérêts nationaux ne sont-ils pas mieux servis par des discussions ouvertes sur les enjeux nationaux et internationaux auprès des autres pays ? La Grande-Bretagne s’éloignerait de la capacité à influencer les décisions de l’UE et se placerait hors du plus grand centre du pouvoir en Europe.

Une politique étrangère européenne solide est essentielle si la Grande Bretagne veut avoir un rôle mondial. Cet avis est même partagé par Open Europe, le plus éminent Think tank eurosceptique de la région. Dans un rapport, Open Europe explique qu’un Brexit (nouveau mot anglais pour désigner la probabilité d’une sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne) entrainerait « des risques économiques et politiques imprévisibles ». Il ajoute que « rester un État membre reste l’arrangement le plus bénéfique à la Grande-Bretagne ».

L’Europe n’est pas un concours

Considérer la politique de l’UE comme une lutte pour le pouvoir et la domination mènera à une impasse. Aucune coopération ne peut être vraiment efficace si certains partenaires font passer leurs intérêts en premier au lieu d’essayer de trouver des compromis et des accords. De toute évidence, la relation profite aux deux parties. D’une part, l’Europe peut garantir prospérité et sécurité à la Grande-Bretagne grâce au commerce, à la sécurité énergétique et en étendant sa portée via sa politique étrangère. D’autre part, la présence de la Grande-Bretagne en tant qu’État membre va sûrement renforcer la position de l’UE en tant qu’acteur majeur non seulement sur le continent, mais dans le monde entier. Il faut simplement trouver le bon équilibre, alors appuyons sur « redémarrage » et voyons où cela nous mène. Une chose est sûre, les liens qui lient la Grande-Bretagne et l’UE seront un sujet clé lors des prochaines élections générales anglaises en 2015.

Mots-clés
Vos commentaires
  • Le 27 décembre 2012 à 11:05, par Bernard Giroud En réponse à : Quitter ou ne pas quitter : le dilemme shakespearien du Royaume-Uni dans l’Europe

    « Etre ou ne pas être », Interpellation célèbre ! En l’espèce les dernières décades ont montré à quel point les insulaire que sont les Anglais n’ont jamais su choisir, et sont perdus dans un lieu sans repères.

    Non seulement les britanniques n’ont jamais cru ou voulu participer à l’unification politique du continent européen, mais de plus, ils pratiquent une démarche de vampire, tentant de se nourrir de la démolition du projet pacificateur.

    Leurs générations précédentes ont trop pris le mauvais pli, la tare de vouloir vivre confortablement et paresseusement sur le travail, les richesses et sur le dos d’autrui de part la terre, (heureusement un peu moins pour nous français), Ils poussent aujourd’hui contre nous, cette logique par la pratique d’une spéculation financière, sans vergogne, éhontée, sans la moindre considération réelle de leurs voisins.

    Vous aurez certainement, tout autour de vous, nombre de vos proches qui y verront une preuve d’intelligence et d’habileté. Ne doutez pas d’y voir seulement leur propre cœur. C’est à leur dire, une habileté et une intelligence vieille comme le monde !

    Mais ce monde est celui des animaux sauvages, un infernal, un tragique retour en arrière, que des siècles, voir des millénaires d’apprentissages, tentent de nous orienter à modifier.

    Nos voisins se révèlent dans cette attitude, tels qu’ils sont pour le moment, des vampires aux membres et méninges fatigués, sans les ressources confraternelles qui font vivre le monde de leurs semblables. En cumulant l’orgueil et la cupidité, leurs rois, les papes de leurs esprits, les meneurs, aristocrates, élus quelconques, accumulent les autres défauts de la machine humaine contre l’Esprit de la liberté. Il ne faut donc pas s’étonner de voir une part de l’humanité de ce peuple, ouvertement ou plus sournoisement, s’éloigner, perdurer, se perdre, dans les méandres des marais du révolu.

    Nous n’avons pas à les attendre, au temps de l’établissement des états continents ;

    Ne pouvant plus compter sur eux, laissons les, un temps, à leur rancœur. Eliminons la corrosion qui gangrène quelques-uns d’entre nous.

    Appuyons nous sur des enseignements plus surs et réfléchis, et construisons avec prudence, un monde plus stable et plus durable, avec les règles que l’on connait meilleures.

    Le temps que ce pays retrouve ses esprits, nous nous passerons du commerce des bons apports de l’Angleterre ; Chacun pourra comprendre alors, avec un peu d’humilité, de l’autre coté de la manche comme ailleurs, que le véritable intérêt particulier doit rejoindre celui bien plus sur, de la communauté des autres hommes.

Vos commentaires
modération a priori

Attention, votre message n’apparaîtra qu’après avoir été relu et approuvé.

Qui êtes-vous ?

Pour afficher votre trombine avec votre message, enregistrez-la d’abord sur gravatar.com (gratuit et indolore) et n’oubliez pas d’indiquer votre adresse e-mail ici.

Ajoutez votre commentaire ici

Ce champ accepte les raccourcis SPIP {{gras}} {italique} -*liste [texte->url] <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Suivre les commentaires : RSS 2.0 | Atom