Référendum en Irlande : et si l’enjeu était ailleurs pour l’Europe ?

, par Fabien Cazenave

Référendum en Irlande : et si l'enjeu était ailleurs pour l'Europe ?

Vendredi 2 octobre 2009, les Irlandais (re)votent sur le Traité de Lisbonne après avoir dit « No » en juin 2008. Une situation insatisfaisante résultant de la méthode diplomatique et intergouvernementale de la construction de l’Europe.

Après avoir stigmatisé la méthode intergouvernementale dans sa conception, nous avons dans les colonnes du Taurillon soutenu le traité de Lisbonne au moment de sa ratification en France. Notamment parce que nous y voyons une boîte à outil. Elle permettra aux tenants d’une véritable Europe politique de lutter efficacement contre l’intergouvernementalisme dans la construction communautaire.

La méthode intergouvernementale, le cancer de l’Europe

L’intergouvernementalisme, c’est la méthode diplomatique : les grandes décisions européennes sont prises par les représentants des États. Cela entraine un manque de transparence certain. Il n’y a qu’à voir comment les journalistes essayent de suivre un Conseil européen en faisant les cent pas devant un bâtiment en attendant qu’un porte-parole vienne aux micros distribuer la décision obtenue...

Si Nicolas Sarkozy va défendre les positions françaises en priorité, c’est parce que les citoyens français l’ont élu pour ça. Or, la somme de 27 intérêts nationaux ne fait pas un intérêt commun, celui des Européens. Les décisions prises le sont sur la base du plus petit accord, ce qu’on appelle pompeusement un compromis.

On l’a encore vu après le No irlandais de 2008 : on donne des garanties officielles qui en dehors du représentant irlandais à la Commission étaient déjà là (sur l’avortement, l’engagement de troupes dans un conflit,...). Le tout dans une annexe au traité... d’adhésion de la Croatie pour éviter de faire re-ratifier les 26 autres pays. Transparence quand tu nous tiens !

In fine, nous avons un texte qui traîne depuis 2007 où les citoyens ont peu été impliqués. Car même pour une ratification nationale par voie parlementaire, il aurait été nécessaire d’avoir un vrai débat public. Impossible apparemment. Au final : les citoyens européens ne se sentent pas acteurs et responsables de la construction européenne.

Si les Irlandais votent YES...

En cas de vote positif, car un Yes serait positif, nous sortirions d’un imbroglio politique. Nos responsables européens seront très loin d’en tirer les conséquences. La preuve : aucun véritable plan n’existe en cas de No. On fera comme si tout allait bien et on continuera surtout sur la même voie intergouvernementale. Celle qui nous a permis de sortir de cette méthode conventionnelle qui avait osé nous sortir un traité constitutionnel qui fallait défendre. Trop dur pour des dirigeants européens qui ne l’avaient conçus eux-même (via leurs conseillers). Surtout on oubliera très vite que ce sont ces mêmes dirigeants européens qui ont enterré ce processus sous prétexte d’un Non... qui à l’époque leur semblait si définitif.

Le moteur franco-allemand se sentira conforté dans sa démarche actuelle : on décide et les autres pays suivent. Après tout, c’est le Conseil européen qui est aujourd’hui le véritable pôle de décision dans l’Union européenne. De toute façon, José Manuel Barroso est là. En bon secrétaire général du Conseil, il sera là pour s’assurer avec la Commission européenne que le Parlement européen n’abuse pas trop de ses nouveaux pouvoirs. On aura peut-être des surprises...

Une autre surprise, ce sera peut-être également le retour des citoyens dans l’Europe. Pas aux grandes décisions. Mais comme principal argument pour expliquer au président tchèque qu’il ne faut pas embêter le Conseil européen. Il ne peut pas empêcher la mise en place d’un traité que mêmes les Irlandais ont fini par accepter. Ce sera sûrement plus fort comme argument que le fait qu’il fasse obstruction aux votes du Parlement tchèque, des électeurs qui désavouent son parti à chaque élection et à la décision du Conseil constitutionnel tchèque qui contredit ses allégations. Ce n’est pas une question de démocratie qui sera le meilleur argument, mais bien le fait qu’il empêche les copains, même ceux avec les citoyens les plus réfractaires, d’avancer.

Mais tout cela nous ne le verrons pas puisque les diplomates s’en chargent...

Si les Irlandais votent NO...

Retour du peuple face aux dirigeants européens ? Pas du tout. Ce sera au contraire la confirmation de la pensée des Védrine and co(n) : « les peuples de l’Europe ne sont pas prêts et nous les dirigeants qui avons abouti à cette situation, nous ne sommes pas responsables ». Et puis personne n’a vraiment d’idées novatrice pour proposer autre chose qui fasse un vrai consensus.

L’Europe du traité de Nice, que tout le monde s’accordait à juger à l’époque comme impraticable en terme de gestion de l’Europe, restera en place puisqu’il s’agit du dernier consensus obtenu. Après tout, on a réussi à survivre jusque-là, no ?

L’Europe intergouvernementale en sortira renforcée. Ce sera désormais l’Europe de 1815 du Congrès de Vienne qui reviendra. Les discussions et négociations diplomatique au Conseil seront primordiales. Le Parlement européen aura peu de pouvoirs pour faire autre chose que de se battre pour amender les textes. Il ne pourra pas influencer réellement les orientations politiques, surtout avec une majorité politique qui est la même au Conseil et à Strasbourg. Les Britanniques auront eu raison de poser des opt-out pour faire une Europe à la carte. Ils ont montré la voie. Philippe de Villiers ne rêverait pas mieux que cette Europe confédérale où l’unanimité est la règle.

Bien sûr, nous pouvons espérer un sursaut soit diplomatique soit parlementaire. Les diplomates pourraient s’accorder sur une Europe à la carte ou des cercles (idée abordée du coin des lèvres par Sarkozy et Berlusconi). Les Parlementaires européens pourraient s’auto-réunir en constituante pour sortir l’Europe de l’ornière.

L’Europe intergouvernementale est donc bien le cancer de l’Europe. C’est bien elle et ses négociations diplomatiques qui empêchent l’Europe d’aller de l’avant avec des citoyens qui soient enfin acteurs de cette révolution moderne : dépassé nos conflits et nos frontières d’hier pour imposer la norme comme seul rapport de force. Après tout, c’est ça le rêve européen.

Illustration : logo sur le référendum irlandais réalisé par Touteleurope.fr.

Samedi 3 octobre, Touteleurope.fr et le Taurillon se mettent à l’heure irlandaise

Touteleurope.fr installe son quartier général au Kitty O’Shea’s (10, rue des Capucines, Paris 1er) à l’occasion du référendum irlandais sur le traité de Lisbonne.

Rejoignez-nous samedi 3 octobre, dès 15h, pour découvrir les premières estimations de votes retransmises par la chaîne de télévision nationale irlandaise !

Les résultats seront commentés et débattus en liaison avec Dublin, en compagnie de députés européens (Sylvie Goulard, Sandrine Bélier, Sophie Briard-Auconie, etc. ), d’experts (Dominique Reynié, Philippe Perchoc, etc.), de journalistes et de membres de la communauté irlandaise en France.

 15h00 - 16h30 : Premiers résultats en direct sur la chaîne nationale irlandaise & live blogging
 16h30 : Café-débat avec des journalistes, des experts et des députés européens
 18h00 : Résultats officiels en direct du Château de Dublin (Irlande)

Le Taurillon vous fera vivre cet évènement en direct grâce à du live-blogging.

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