Sécurité et Défense après le traité de Lisbonne

, par Traduit par Hélène Boussi Astier, Daniel Fiott

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Sécurité et Défense après le traité de Lisbonne

Si l’Irlande ratifie le Traité de Lisbonne ce 12 juin 2008, l’Union Européenne aura évité l’impasse conséquente au rejet du Traité Constitutionnel. Le traité de Lisbonne permettra les changements nécessaires à l’efficience institutionnelle de l’Union européenne (UE), comme dans le cas plus spécifique de la Politique européenne de Sécurité et de Défense (PESD).

En effet, le traité de Lisbonne va fondamentalement modifier le fonctionnement à venir de la PESD de l’UE. De telles modifications serviront probablement à soutenir la présence internationale de l’UE plus particulièrement dans le cadre des opérations militaires aux quatre coins du globe et à mettre fin, espérons le, aux réserves de ceux qui ont longtemps pensé que l’UE était impotente en matière de politique étrangère.

Vers un Ministère des Affaires étrangères de l’Union européenne ?

L’une des modifications fondamentales apportées par le traité est la fusion du Commissaire aux Relations extérieures de la Commission Européenne (CEC) et du Haut Représentant pour la PESD en un seul et unique Haut Représentant pour la Politique étrangère et de Défense de l’Union (HR). Le HR ne sera pas seulement à la tête du Conseil des Affaires étrangères du Conseil de l’Union européenne [1] et le représentant de l’UE sur la scène internationale, mais il sera aussi le vice-président de la Commission européenne. Le HR est, de ce fait, un pont entre le Conseil de l’Union européenne et la Commission.

Malheureusement, bien que le HR aura davantage d’espace pour initier de nouvelles politiques, le Conseil de l’Union européenne conservera le système de la « double-clé » [2].

Le HR devra aussi consulter le Parlement européen sur le budget de la PESD et sur toute politique que le HR ou le Parlement auront initiées. De plus, en tant qu’élément de la Commission, le HR sera exposé à un possible vote de défiance du Parlement, ce qui pourrait amener le HR à renoncer à tous ses devoirs envers la Commission.

Néanmoins, le HR a obtenu une équipe diplomatique via le Service Européen pour l’Action Extérieure (SEAE), qui sera composé de fonctionnaires du Conseil de l’Union européenne et de la Commission, secondés par le personnel diplomatique des États membres. L’établissement du SEAE est un des éléments les plus intéressant du traité de Lisbonne et sera sans nul doute d’une grande aide dans la consolidation de la présence internationale de l’UE et un soutien dans la mise en œuvre de la PESD.

Vers des capacités militaires communes ?

Un autre apport important du traité est la création d’une Politique européenne de Sécurité et de défense (PESD) qui prévoit des « capacités opérationnelles basées sur les atouts civils et militaires » [3]. Pour faciliter cela, le traité d’améliorer progressivement leurs capacités militaires par le biais de l’Agence Européenne de Défense (AED), en stimulant la recherche et le développement et en créant un marché de la défense efficace.

Le traité permettra également au Conseil de l’UE de confier à un groupe d’États membres l’exécution d’actions militaires dans le cadre de la PESD. Parce que ceci pourrait conduire au développement d’un groupement d’ "élites" des États militaires de l’UE, le traité évoque une « coopération structurée permanente » permettant une intégration militaire européenne approfondie. Par ailleurs, les « missions de Petersberg » ont été étendues pour inclure des conseils militaires et missions d’assistance (…) dans les opérations communes de désarmement, ainsi que dans la lutte contre le terrorisme [4].

Enfin, le traité prévoit deux autres amendements intéressants relatifs à la PESC, à savoir, la « clause de défense mutuelle » - qui oblige les États membres à protéger tout autre État membres en cas d’attaque militaire - et la "clause de solidarité mutuelle" - qui préconise un renforcement de la coopération entre les missions diplomatiques nationales et les délégations de l’UE, ainsi que la protection de tout État membre soumis à des attaques terroristes ou à des catastrophes naturelles.

Au-delà du 1er janvier 2009

Le traité, donc, promet d’importantes modifications dans la façon dont la PESC de l’UE agira à l’avenir. Ces modifications sont une étape supplémentaire dans l’évolution de la politique étrangère de l’UE. Cette impulsion doit être sans doute imputée à une prise de conscience croissante face à un certain nombre de dilemmes internationaux - tels que la sécurité énergétique, la sécurité humanitaire et le terrorisme - qui désormais touchent tous les États membres.

Certains soupçonnent que les amendements du traité sont également une tentative de la part de l’UE de compléter son action de « soft power », d’ores et déjà auréolée de succès, par une capacité de « hard power ». En ce sens, le traité de Lisbonne a, avec succès, laissé au moins une main libre au HR afin qu’il soit capable de mettre efficacement en œuvre la Stratégie Européenne de Sécurité et de faire face aux crises internationales, au fur et à mesure qu’elles se présentent.

La PESC a été longtemps hantée par le fantôme de l’incapacité européenne à agir dans des endroits comme les Balkans, mais avec cette politique plus efficace - les audacieux pourraient dire, plus supranationale - l’UE pourrait avoir acquis les capacités nécessaires pour devenir une véritable force mondiale. Le traité aura pour effet de permettre à l’UE de développer, de manière plus centrée, son potentiel militaire et diplomatique face aux États membres.

Mais avant que tout ceci ne devienne réalité, l’Europe va devoir attendre patiemment que les Irlandais expriment leur vote. S’ils votent « oui », l’UE pourrait devenir l’acteur international que nombreux sont ceux qui espèrent depuis toujours qu’elle soit. S’ils votent « non », ceci pourrait être à la fois au détriment de l’UE et du monde dans son ensemble.

Illustration : photographie de Javier Solana, source : Commission européenne

Notes

[1Le Conseil des Affaires générales assure la cohérence des travaux des différentes formations du Conseil. Le Conseil des Affaires étrangères élabore l’action extérieure de l’Union selon les lignes stratégiques fixées par le Conseil européen et assure la cohérence de l’action de l’Union. Voir Vie Publique.fr .

[2La « double-clé » requiert un vote à l’unanimité avant que le vote à la majorité qualifiée puisse intervenir

[3Traité de Lisbonne (2007) - Article 28A (1.a).

[4Traité de Lisbonne (2007) - Article 28B (1).

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