Le Taurillon : Vous avez récemment conduit la délégation du Parlement européen au quartier général d’Atalante, à Northwood, au Royaume-Uni. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur cette opération ?
Catherine Soullie : Oui, Atalante est en fait une opération militaire européenne lancée dans le but de lutter contre la piraterie au large des côtes somaliennes. Nos forces poursuivent là-bas un triple objectif, à savoir la protection des navires du Programme Alimentaire Mondial, la protection des navires marchands vulnérables transitant par le Golfe d’Aden et la dissuasion des vols armés dans la zone.
Concrètement, cela représente des militaires issus de 13 Etats membres de l’Union européenne rejoints par des pays tiers comme la Norvège, un état-major de 80 personnes et une flotte de 12 frégates, un sous-marin et 3 avions de reconnaissance.
Il est dommage de constater que l’opération Atalante est encore peu connue du grand public alors qu’il s’agit de la première opération navale de l’UE et qu’elle existe depuis déjà deux ans ! Le mandat de l’opération qui arrivait à échéance en décembre de cette année vient d’ailleurs d’être prolongé d’un an, ce qui montre bien le succès de l’opération mais aussi tout le travail qu’il reste à accomplir...
Le Taurillon : Justement, quels succès et quelles limites l’opération a-t-elle connu depuis son lancement ?
Catherine Soullie : La force de cette opération vient tout d’abord de sa capacité à mettre en oeuvre une approche globale, incluant à la fois du civil et du militaire. Remarquons aussi la forte complémentarité des actions menées par l’UE et l’OTAN. Il n’y a aucune concurrence entre ces deux entités qui agissent d’ailleurs sur mandat des Nations unies.
Autre point positif, l’excellente circulation de l’information grâce à des contacts continuels entre les armateurs, les Etats, les institutions européennes et autres organismes internationaux impliqués dans l’opération. Pour finir, je dirai que des progrès considérables ont été permis grâce à l’adoption d’un code de bonne conduite à destination des compagnies maritimes, qui les oblige notamment à mettre en place des mesures préventives. Tout ceci fait qu’aujourd’hui, moins d’une attaque sur cinq est un succès alors que nous étions à une sur trois en 2009.
Concernant les limites de l’opération, il y a surtout l’étendue du territoire à couvrir, qui représente plus de 10 fois la surface de la Grande-Bretagne ! A cela s’ajoute le fait qu’il est parfois très difficile de distinguer entre les navires de pirates et les navires commerciaux. Or le temps de réaction des pirates est extrêmement rapide. On estime qu’il s’écoule environ 15 minutes entre le moment où ils détectent un bateau et l’assaut du bateau en question...
Le Taurillon : La commission parlementaire de la sécurité et de la défense vous a nommée rapporteur fictif pour le Parti Populaire Européen sur le plan d’action visant à renforcer la sécurité dans les domaines nucléaire, radiologique, biologique et chimique. Que peut apporter une structure comme l’UE à l’action des Etats ?
Catherine Soullie : Le plan d’action a essentiellement été mis en place pour mieux contrôler l’accès aux agents nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques, et éviter qu’ils ne tombent entre les mains des groupes terroristes. Je crois que l’UE a un rôle fondamental à jouer car le phénomène ne se soucie pas des frontières nationales. Grâce à leur perspective transnationale, les institutions européennes peuvent procéder à un inventaire des bonnes pratiques des Etats membres et organiser ensuite leur promotion et leur application sur l’ensemble du territoire de l’UE, au bénéfice de notre sécurité à tous.
Le Taurillon : En tant que membre de la délégation pour les relations avec Israël, que pensez-vous de la réaction de l’UE suite aux affrontements entre la marine israélienne et la flotille de militants pro-palestiniens au large de Gaza ?
Catherine Soullie : Tout ce que je peux vous dire, c’est que j’approuve totalement l’enquête internationale qui a été demandée par Catherine Ashton, le chef de la diplomatie européenne. Il faut maintenant espérer que les recherches sur ce qui s’est véritablement passé éclaireront la situation et nous permettront d’y répondre dans un contexte dépassionné.
Le Taurillon : Vous avez été élue au Parlement européen il y a tout juste un an. Quel regard portez-vous sur ces premiers mois en tant que députée européenne ?
Catherine Soullie : C’est beaucoup de travail ! (rires) Il faut dire qu’au début de notre mandat, la Commission européenne était en affaires courantes en attendant l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne et la désignation d’un nouveau collège de commissaires. Depuis que l’équipe Barroso II est entrée en fonction, nous vivons une période beaucoup plus intense avec une nette accélération des dossiers.
Mais ce qui m’a le plus frappé en arrivant ici, c’est que la recherche du compromis guide le travail législatif en permanence. Vous n’avez pas les débats à couteaux tirés que l’on peut rencontrer à l’Assemblée nationale, ce qui serait d’ailleurs un vrai casse-tête pour les interprètes assurant la retranscription des discours dans les 23 langues officielles de l’Union européenne !
Je note aussi que le Parlement européen est une enceinte très ouverte aux avis externes. Tout citoyen ayant un intérêt à faire valoir peut donc s’adresser aux eurodéputés et s’attendre à être entendu.
1. Le 12 juillet 2010 à 06:33, par Martina Latina En réponse à : Sécurité internationale : « L’UE apporte une vraie valeur ajoutée »
Merci pour cet entretien, et vive l’harmonie que l’Union Européenne exige autant qu’elle l’exerce : au service non pas d’une « valeur ajoutée », mais de la paix au sens le plus vital et large ! Car la démocratie européenne requiert de plus en plus une telle synergie : parlementaire, multipolaire et concertée.
Suivre les commentaires : |