Si l’Eglise quitte l’Europe

, par Antonio Longo

Si l'Eglise quitte l'Europe
Le pape François © Mazur/catholicnews.org.uk

Le choix d’un Pape sud-américain induit des réflexions qui peuvent avoir un caractère géo-politique. Le choix « révolutionnaire » de Ratzinger émerge maintenant dans sa plénitude. Pour libérer l’Eglise de la Curie romaine et du « berceau italien », il a dû faire un geste sensationnel qui a ensuite ouvert la voie à un autre aussi sensationnel : la fuite de l’Eglise du berceau italien et européen dans lequel elle a vécu pendant deux mille ans.

Il est clair qu’après Ratzinger, c’est un Pape réformateur qui devait s’imposer, capable de libérer l’Eglise de l’emprise et de l’enchevêtrement d’intérêts étouffants qui en ont défiguré le visage en la privant de sa capacité missionnaire, juste au moment historique de graves crises morales et sociales de l’Occident, ainsi que de graves crises à l’intérieur des structures ecclésiales.

Confrontée au choix entre un Pape italien et un nord-américain, le choix est tombé, génialement, sur un Pape italo-sud-américain. C’est donc une sortie du berceau européen mais non traumatisante, atténuée avec Jorge Mario Bergoglio par son ascendance de l’immigration italienne en Argentine : énième preuve d’une « école politique » expérimentée à travers deux mille ans d’histoire.

Mais il y a discontinuité et elle sera forte. Le message est clair : l’Eglise romaine affronte la pleine mer pour un nouveau voyage. Comme il y a deux mille ans, ces quelques juifs disciples du Christ, perdus et ébranlés par la perte de leur Seigneur, quitteront la Palestine pour aller prêcher le salut et la rédemption sur les terres de l’Empire, ainsi aujourd’hui, une Eglise tout aussi perdue et ébranlée par la perte de son Vicaire, se met en chemin sur les terres du nouvel Empire pour redécouvrir sa mission salvatrice. Il ne s’agit pas encore d’un nouveau Pierre qui va à New York, la Rome du nouvel Empire, prêcher l’Evangile, mais d’un François qui vient d’une périphérie importante, symbole de la crise économique et sociale de l’Empire lui-même, en lui confiant la nouvelle évangélisation.

Si l’Eglise quitte l’Europe pour se tourner vers le monde, c’est une voie sans retour. Nous n’aurons plus une Eglise centrée sur Rome qui est restée fondamentalement en tant que telle avec Wojtyla et Ratzinger, c’est-à-dire aussi dévouée à l’égard du pouvoir des politiques nationales. Tandis que nous n’avons jamais eu une Eglise politiquement centrée sur l’Europe, parce que l’Eglise est historiquement confrontée seulement au pouvoir étatique existant et le problème du rapport avec un pouvoir étatique européen qui n’existe pas, ne s’est donc pas posé. Seul Carlo Maria Martini a vu bien clairement quel était le problème de l’unité européenne, mais il n’a pas pu être Pape.

Donc, aujourd’hui, l’Eglise, avec un Pape sud-américain essaie la voie de l’universalisme missionnaire, débarrassée d’une vision romaine et culturellement euro-centrée. C’est un choix obligatoire si elle veut se rénover et proposer à nouveau l’Evangile à partir de la périphérie d’un Empire en crise, exactement comme il y a deux mille ans.

A partir d’aujourd’hui, l’Europe ne sera plus la terre privilégiée par l’Eglise, la terre dans laquelle la Chrétienté s’est enracinée en se combinant avec la force de la civilisation gréco-romaine et en cohabitant étroitement avec le pouvoir existant. A partir d’aujourd’hui, l’Europe doit savoir que pour l’Eglise, elle sera une terre comme les autres et que le manteau de sa nouvelle mission « franciscaine » devra surtout servir à soulager le froid et la faim sur les terres déshéritées du monde.

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