Souveraineté, Nation, Europe

, par Nicolas Delmas

Souveraineté, Nation, Europe

La Nation, détentrice de la souveraineté, a été la cause de nombreuses guerres en Europe. La pensée unique (Védrine,..) laisse entendre qu’il existe une fraction irréductible entre les nations et l’Europe. Mais ne peut-on réellement pas aller plus loin ?

Sous le triptyque "Souveraineté, Nation, Europe" ressort en effet l’affrontement, ou du moins l’opposition récurrente entre les deux premiers contre le dernier. La démarche présentée dans ces lignes, a pour objectif d’associer ces trois termes afin d’apporter une possible réponse à ce conflit latent. La Révolution française a eu un apport majeur dans ce duel puisque la souveraineté, incarnée avant par le Roi, est devenue l’apanage de la Nation. Or, ce mouvement a été suivi conjointement par celui de la formation des États dans la conception actuelle. D’où, l’avènement d’une sacro-sainte trinité, gravée dans le marbre pour certains : Souveraineté, Nation, État.

La création de la nation, une fiction ?

Et si ce n’était qu’une étape ? Malgré son contexte historique et politique, gardons en mémoire la définition d’Ernest Renan de la Nation : débarrassée de ses oripeaux linguistiques et géographiques, elle s’incarne dans un passé commun et dans la volonté d’un avenir ensemble [1]. Au fond, la nation européenne n’existe-elle pas déjà ? Malheureusement, cet argument philosophique ne résiste pas à l’analyse sous un prisme historique : la proclamation de la nation française est survenue bien avant le désir d’un futur en commun.

Cependant, l’histoire comporte des événements auxquels n’a pas toujours été accordée la portée qu’ils méritaient. Ainsi, en 1789, lorsque le Tiers-État se déclare Assemblée nationale, les membres qui le composent n’ont jamais eu pour but de représenter la Nation. Ils ne sont présents que pour transmettre les doléances de la population au Roi. Quelle était donc leur légitimité ? A l’inverse, le Parlement européen, élu démocratiquement par l’ensemble des Européens, lui conférant ainsi une légitimité démocratique conséquente, pourrait se déclarer Assemblée Nationale. Pour se faire, l’astuce juridique serait la même que précédemment, c’est-à-dire affirmer que la souveraineté est exercée par le peuple européen par le biais de ces représentants, sans pour autant effacer les identités, mais en faisant rejoindre les nationalités.

La représentation parlementaire européenne, un idéal ?

En principe, la démocratie représentative fonctionne sur la base de ce postulat : le représentant élu d’une circonscription, arrivé à l’Assemblée, va mettre de côté ses intérêts personnels et ceux de ses électeurs, pour penser à l’intérêt général. Malgré tout, il est vrai que les représentants élus au Parlement européen ont souvent tendance à faire fi des divisions communes droite-gauche et a protégé l’intérêt national lorsqu’ils estiment que celui-ci est menacé. Néanmoins, il semble, malgré tout qu’au fil des années les combats idéologiques prennent le pas sur l’appartenance commune à un pays. Pour en témoigner, on peut remarquer l’intervention croissante des politiciens étrangers dans les débats politiques nationaux.

Ainsi, en 2007, José Luis Zapatero, premier ministre espagnol socialiste a participé à un meeting de Ségolène Royal, alors candidate aux présidentielles, tandis qu’en 2008, Tony Blair est intervenu dans une réunion de l’UMP soutenir la politique de Nicolas Sarkozy. Si le clivage droite-gauche n’est pas le même selon les pays, personne n’imagine un président français venir soutenir le programme de politique intérieur de son homologue américain.

Par ailleurs, l’instauration d’une « citoyenneté européenne » permet à des ressortissants étrangers d’un autre pays de l’Union de se présenter sur les listes de nos compatriotes [2]. Si ce phénomène reste faible, son accentuation au fil des années conduirait inévitablement à ce qu’au Parlement européen, des ressortissants étrangers fassent partis des parlementaires nationaux envoyés. Donc, le Parlement ne représenterait plus un concile des représentants nationaux de chaque peuple, mais une Assemblée d’un peuple européen.

Un fédéralisme européen, prochaine étape ?

La perspective d’un fédéralisme à plusieurs niveaux de souveraineté comme en Allemagne n’enchante pas forcément les populations (de peur d’être noyée dans un ensemble gigantesque) et les gouvernements (par crainte de se retrouver dans une position de subalterne). Cependant, elle resterait l’option la plus acceptable pour l’ensemble des Européens. Si on ne peut fusionner totalement des identités aussi différentes, on peut les fédérer et proposer une alternative qui les transcende.

En 1882, Ernest Renan conclut son discours « Qu’est ce qu’une nation ? » par ces mots lourds de sens : "Les nations ne sont pas quelque chose d’éternel. Elles ont commencé, elles finiront. La confédération européenne, probablement, les remplacera. Mais, telle n’est pas la loi du siècle où nous vivions." [3] Et si c’était celle du nôtre ?

Illustration : couverture d’un livre reprenant le fameux discours d’Ernest Renan à la Sorbonne « Qu’est-ce qu’une Nation ? » (ici sur Amazon)

A lire :
 Qu’est-ce qu’une Nation ? de Ernest Renan (ici sur Amazon)
 la fiche Wikipedia sur Ernest Renan
 Des Nations à la construction communautaire par Ronan Blaise

Notes

[1Renan : « l’aboutissement d’un long passé d’efforts, de sacrifices et de dévouements ; avoir des gloires communes dans le passé, une volonté commune dans le présent, avoir fait de grandes choses ensemble, vouloir en faire encore », in Qu’est-ce qu’une Nation ?

[2comme par exemple Ari Vatanen, Finlandais élu sur une liste UMP en 2004

[3in Qu’est-ce qu’une Nation ?, partie III, 4e paragraphe

Vos commentaires
  • Le 9 novembre 2009 à 11:04, par Jérôme En réponse à : Souveraineté, Nation, Europe

    Je m’étonne de certains de vos articles ! Vous vous dites fédéralistes mais la pensée qui transpire de beaucoup de vos interventions est unitaire, centralisatrice (Bruxelles au lieu de Paris), voir dangereusement mondialiste (vos articles sur un parlement mondial). Vous perdez de vue que les langues, les Etats-nations ou encore les religions, ne sont pas seulement des causes de guerres mais peuvent aussi être de bons gardes-fous contre les empires (monarchies universelles) et les racines du totalitarisme. Car l’être humain reste l’être humain et nous devons certainement en garder une certaine méfiance. En 1942 un homme politique a dit « Je suis convaincu que dans cinquante ans d’ici, les gens ne penseront plus en termes de pays. » Séduisante, cette phrase perd de sa superbe lorsque l’on sait que son auteur n’est autre que Geobbels. Et donc je pense qu’un brin de retenue dans vos colonnes, moins d’enthousiasme dans vos lignes, seraient les bienvenus. Car finalement, qui vous oblige à passer si souvent de la pommade dans le dos des institutions européennes ? En étant davantage critiques, ainsi qu’en soutenant des causes annexes telles le Conseil de l’Europe (CdE) dont sont membres la Suisse, la Turquie et la Norvège, ainsi qu’en soutenant un peu plus le droit à la liberté (celle de pensée, celle de souveraineté, celle de la gouvernance), vous rendriez un grand service à ce (si beau) Continent et contribueriez à (vraiment) faire tomber des murs (dont celui de l’interdiction à la différence).

  • Le 11 juillet 2010 à 09:13, par europavance En réponse à : Souveraineté, Nation, Europe

    bravo, merci pour cet article. Ca change du discours jacobinisant et du replis sur soi de la tv francaise. continuez !

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