#TheSpeech : Cameron, le good guy anti-Europe mais pas trop

, par Fabien Cazenave

#TheSpeech : Cameron, le good guy anti-Europe mais pas trop
David Cameron durant #TheSpeech sur le Royaume-Uni et l’UE

Ce 23 janvier 2013, David Cameron intervenait en direct à la télévision à 8h (heure de Londres) pour #TheSpeech, le discours sur le futur du pays d’Elisabeth II dans l’Union européenne. Comme prévu, il annonce qu’il va renégocier la participation du Royaume-Uni à l’Union européenne suivi d’un référendum en 2015. Le Premier ministre britannique essaye de se faire passer pour le « gentil » tout en surfant sur l’euroscepticisme dans son pays. Un exercice d’équilibriste… ou de schizophrène.

L’Europe coupable, les gouvernements britanniques jamais responsables

C’était frappant : durant toute son allocution, David Cameron n’a parlé qu’une fois de la Commission européenne. Elle n’existe tout simplement pas plus qu’une simple administration pour lui, une « institution européenne périphérique et coûteuse » en plus. Cela justifie le fait qu’il faille la supprimer et faire de l’Union européenne une Europe à la carte. Fabrice Pozzoli de l’Association des Journalistes européens résume parfaitement sa pensée : « Des parlements nationaux plus forts, une autorité centrale plus faible, de la compétitivité sans règles sociales commune ». Car l’Europe ne serait pas assez compétitive. Cameron rêve qu’on complète totalement le marché unique. Tenons-le nous pour dit : l’Europe n’est pas néo-libérale de l’autre côté de la Manche.

Dans ce paradis néo-libéral, n’existent donc que les gouvernements nationaux. Pas de Parlement européen non plus. Mais Cameron ne va pas jusqu’au bout de sa logique : à qui la faute si les citoyens se sentent de plus en plus éloignés du centre de décisions d’où viendrait toutes ces réglementations négatives ? Voilà le tour de force de ce discours : l’Europe est responsable, les gouvernements nationaux ne le sont jamais. On finirait par croire que jamais les ministres nationaux ne négocient un texte européen. On en oublierait qu’existent un Conseil européen et un Conseil des ministres de l’UE dîtes donc… D’un côté, ils sont la garantie de la démocratie pour les peuples européens face à la méchante Europe. De l’autre, ils ne sont en rien responsables des décisions prises. Gagnant à chaque coup pour eux.

Comme le Premier ministre britannique l’a dit « more of the same » n’aidera pas l’Europe. L’entre-deux européen auquel nous assistons aujourd’hui ne peut plus continuer. Soit elle devient confédérale (ou intergouvernementale ou « à la carte »), soit le Royaume-Uni ne participera plus à l’aventure européenne. Voilà ce qu’il y a de plus sensé dans ce discours : la souveraineté (dont les Britanniques seraient « passionnés ») doit être définie clairement, donc si un pays ne souhaite pas partager celle-ci avec les autres, il ne peut pas rester au même niveau que les autres.

La fiction européenne du « on avance tous ensemble petit à petit » se brise aujourd’hui sur des intérêts nationaux trop différents. Le Royaume-Uni souhaite participer seulement à un marché unique, pas plus. On se demande pourquoi ils ont adhéré à l’Union européenne et ont quitté l’Association européenne de libre-échange…

Le référendum de 2015 : une stratégie électorale bien ficelée

David Cameron est un politicien intelligent. Il a su prendre le pouvoir chez les Conservateurs au détriment de William Hague. Il en a fait une machine de guerre et occupe désormais le 10 Downing Street. La proposition du leader conservateur est limpide : après les élections de 2015, le chef du gouvernement devra négocier un nouveau partenariat avec l’Union européenne et soumettre ensuite ce deal aux Britanniques par référendum. En clair : il demande aux Britanniques de lui donner une forte majorité aux prochaines élections pour arriver en position de force au Conseil européen suivant. Il ne s’agit nullement d’une proposition d’union nationale pour aller négocier : « The next Conservative Manifesto in 2015 will ask for a mandate from the British people for a Conservative Government to negotiate a new settlement with our European partners in the next Parliament ».

Autant dire qu’il joue à la perfection le jeu politique du Royaume-Uni :

 suffisamment gentil avec l’Europe pour ne pas divorcer de son partenaire gouvernemental du LibDem avant les prochaines élections,
 mettant dans une position très inconfortable son principal adversaire du Labour en axant la prochaine campagne sur l’avenir européen et non le bilan économique du pays,
 coupant l’herbe sous le pied aux nationalistes du UKIP.

Mais il s’agit d’une stratégie à court terme. Dès la fin de son discours, les journalistes britanniques ont tous essayé de le forcer à répondre à la question « et si vous n’arrivez pas à renégocier un nouveau partenariat » … Il a alors systématiquement botté en touche. Même si sa cravate était violette comme la couleur traditionnelle du UKIP, il a clairement dit qu’il appellera à voter Yes à un nouveau partenariat pour maintenir le Royaume-Uni dans l’Union européenne sur de nouvelles bases.

Le Royaume-Uni, la Norvège et la Suisse

Comme le disait très bien l’eurodéputée néerlandaise Sophie in ‘t Veld : « UK already out of eurozone,Schengen,social policies,Fundamental Rights. Soon also police/justice coop. What is left to re-negotiate ? » Oui, à force d’opt-out à chaque nouveau traité, on se demande ce que Cameron va pouvoir renégocier.

Il n’a pas arrêté de jouer au « good guy » dans son discours pour expliquer à quel point le Royaume-Uni bénéficiait du fait d’être membre de l’Union européenne. Bien sûr il a menacé discrètement les autres partenaires en expliquant qu’ils avaient aussi besoin de son pays dans l’UE à la fin de son discours, mais la tonalité était clairement sur une troisième voie : entre le tout Europe et le seul Royaume-Uni, il y a le marché unique où nous pouvons peser sur les décisions. Le good guy anti-Europe mais pas trop.

Il a alors pointé notamment les deux exemples dont il ne veut pas pour son pays : la Norvège et la Suisse. Toute la stratégie britannique depuis l’entrée de ce pays dans l’UE est dévoilée : être dans l’UE, c’est pouvoir influencer toutes les législations… et donc empêcher celles qui vont trop loin dans l’intégration. Cela ouvrira peut-être les yeux à certains sur la stratégie de passager clandestin britannique depuis des années. Le fameux « I Want my Money Back » de Margareth Thatcher n’en était que la quintessence…

L’égoïsme national a empêché l’Europe d’avancer de l’intérieur. A méditer !

Mots-clés
Vos commentaires
modération a priori

Attention, votre message n’apparaîtra qu’après avoir été relu et approuvé.

Qui êtes-vous ?

Pour afficher votre trombine avec votre message, enregistrez-la d’abord sur gravatar.com (gratuit et indolore) et n’oubliez pas d’indiquer votre adresse e-mail ici.

Ajoutez votre commentaire ici

Ce champ accepte les raccourcis SPIP {{gras}} {italique} -*liste [texte->url] <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Suivre les commentaires : RSS 2.0 | Atom