Cette Europe-là a duré plus que de raison, alors que les voyants passaient au rouge les uns après les autres, car elle arrangeait tous les acteurs de l’Europe officielle. Les politiques qui pouvaient s’abstenir de faire des choix douloureux, comme celui de réunir leurs familles respectives en partis européens ou celui de se priver des visites rituelles à Washington ou à Moscou. Les bureaux qui font leurs délices de la complexité croissante d’une intégration à l’aveugle, sans ambition ni souffle, conditionnée par l’horizon électoral et les profils de carrière. Les médias, trop contents de pérenniser la routine des connivences dînatoires et des complicités d’alcôve, et la commodité d’espaces publics monolingues.
Mais c’est cette Europe-là qui est en crise. Une crise que Jean Monnet anticipait quand il appela de ses vœux, un « gouvernement provisoire » réunissant les chefs de gouvernement, le futur Conseil européen. Son Comité d’Action pour les États-Unis d’Europe n’aurait d’ailleurs eu aucun sens s’il avait vu un gouvernement définitif dans le système communautaire de son invention, ce que la Cour appelle une « association contractuelle d’Etats souverains ».
Le principal mérite de la décision « Lisbonne » de la Cour de Karlsruhe est de nommer les choses. La Cour dit explicitement quelle est la panoplie à notre disposition : le statu quo ou l’État fédéral. Elle ajoute qu’on ne saurait pas avoir d’armée, de police, d’impôt ou de budget européens sans contrôle parlementaire de même niveau, c’est-à-dire, entend-elle, sans démocratie de plein exercice, avec un gouvernement majoritaire, et une opposition. Le contrôle parlementaire national, à condition d’être renforcé, peut encore suffire dans le cadre du Traité, à condition d’en rester là. Pour aller plus loin, ce sera l’État fédéral, né d’une Constituante élue par le peuple européen, ou rien. Est-ce prématuré ?
Ce n’est pas une question de principe. Il suffit pour s’en convaincre de lire le rapport intérimaire du Vice-Président des États-Unis d’Amérique, Joe Biden, sur l’application du Recovery Act, et sur ses premiers effets pour l’économie du pays. Un quart des fonds prévus ont déjà été engagés et 70% seront dépensés d’ici la fin de septembre 2010. L’Administration Obama s’en tient aux trois R (relief, recovery and reinvestment) : secourir les plus démunis, relancer la croissance, investir dans le durable. Et elle le fait, comme promis, l’existence de ce rapport en témoigne, en toute transparence et en toute responsabilité.
On rêve alors d’une Europe enfin gouvernée, d’un Strasbourg D.R. (pour District du Rhin) capable de conduire une politique de cette ampleur. La triste réalité, au delà de l’insuffisance et de la dispersion des moyens européens face à la crise, c’est le silence assourdissant sur les résultats des plans nationaux, ce qui déjà les rend suspects. Oui, l’Europe est soupçonnée de carence, avant d’être accusée demain d’impotence. On comprend mieux, après la décision de la Cour, l’agacement de Berlin à la proposition française, récurrente, d’un gouvernement économique : elle est sur la table depuis Pierre Bérégovoy. Mais elle n’est pas dans les limites de l’épure et le projet européen de la France, qu’annonçait Nicolas Sarkozy devant le Congrès réuni à Versailles, aura, espérons-le, une autre ambition. S’il s’agit, hors Traité, dans le cadre de la zone euro, de mettre en place, sur une base juridique incertaine, une agence disposant de fonds publics à hauteur des besoins et dépassant par conséquent le volume du budget de l’Union, sans contrôle parlementaire, ni a priori, ni a posteriori, où seraient la transparence et la responsabilité ? Où serait la démocratie ? La Cour l’empêcherait. Le mécontentement contre ce bricolage européen aurait vite raison des gouvernements qui l’auraient entrepris.
Or le sur-place n’est pas imaginable. Peut-on croire un seul instant que l’euro puisse résister au décrochage menaçant de l’Europe par rapport à l’Amérique ? Jacques Attali expliquait récemment sur Euronews, que l’euro serait bientôt menacé faute de gouvernement européen. Pas d’un gouvernement économique, mais d’un « vrai gouvernement », celui d’un « pays intégré ». Cet avertissement nous renvoie à la philosophie de la décision « Lisbonne » : pas de démocratie sans demos, pas de peuple européen sans constitution d’un État. Et ce n’est pas affaire de circonstances passagères. Les risques planétaires sont là pour durer. Le même raisonnement vaut quand il s’agit pour l’Europe de parler et d’agir d’une seule voix. De dialoguer d’égal à égal avec des États continents.
C’est la survie de notre modèle qui est en jeu. Est en jeu, elle aussi, la chance pour l’Amérique d’une économie de marché qui n’oublierait plus d’être sociale. C’est enfin l’équilibre du monde qui est jeu.
La responsabilité qui pèsera sur les épaules du Président de la République française et du nouveau Chancelier de la République fédérale d’Allemagne sera énorme. Il leur appartiendra de tenir, soixante ans après, la promesse de Schuman. D’ici là, l’Europe a besoin d’une feuille de route, d’esprits courageux constatant ensemble et expliquant dans un mouvement coordonné qu’à défaut d’État fédéral nous allons dans le mur, d’une mobilisation citoyenne pour une Europe du peuple contre une Europe des bureaux et de la promesse d’un processus constituant participatif et représentatif.
1. Le 3 septembre 2009 à 09:00, par Fabien Cazenave En réponse à : Union européenne : le Roi est nu
C’est clair et précis, c’est la meilleure grille de lecture que j’ai pu lire sur cet arrêt. Nous sommes dans un entre-deux qu’il va falloir quitter pour la clarté.
Méfions-nous : ce ne sera pas forcément la voie fédéraliste qui sera choisie in fine.
2. Le 3 septembre 2009 à 09:37, par Ronan En réponse à : Union européenne : le Roi est nu
L’avenir de l’Europe : le statu quo, l’Etat fédéral ou rien.
Parfaitement. Et les militants de l’Europe unie doivent abandonner leurs traditionnelles prudences et préventions habituelles pour créer la dynamique politique et l’effet d’entraînement qu’attendent les citoyens.
L’Europe unie doit être une démocratie. Et doit être construite par et pour les citoyens. En avant !
3. Le 3 septembre 2009 à 13:38, par greg En réponse à : Union européenne : le Roi est nu
Une analyse toute à fait pertinente : l’Europe doit avancer vers une plus grande intégration supra-nationale ou se morfondre dans une super-coopération inter-état qui l’affaiblira.
Le pas a effectuer est énorme et nous aurons besoin de tous les visionnaires acharnés disponible pour faire travailler ensemble 27 gouvernements à la recherche d’un intérêt commun qui oubli les avantages égoïstes que chacun souhaite garder.
4. Le 3 septembre 2009 à 14:59, par Ronan En réponse à : Union européenne : le Roi est nu
Les Etats ?! Les Gouvernenements ?! Mais y’a absolument rien à en tirer des Etats et des Gouvernements qui nous ont pondu Nice et Lisbonne ! Ils ne sont structurellement capables que de nous reproduire le Congrès de Vienne !
Il faut déborder tout ce beau monde par la base et grâce aux citoyens : Dé-mo-cra-tie !
5. Le 3 septembre 2009 à 16:51, par Laurent Leylekian En réponse à : Union européenne : le Roi est nu
Attention, cette analyse à laquelle je souscris ne fait cependant pas l’unanimité : J4M a récemment fait une toute autre lecture de l’arrêté de la Cour de Karlsruhe.
Je crains cependant qu’il ne regarde tout cela qu’avec les yeux de la foi.
6. Le 4 septembre 2009 à 06:35, par Martina Latina En réponse à : Union européenne : le Roi est nu
Récapitulons pour aller ensemble de l’avant. Le 30 juin dernier, la Cour constitutionnelle de Karlsruhe suspendait la ratification du traité de Lisbonne ; le TAURILLON en rendait compte le 1er juillet ; je me suis permis de lui répondre le lendemain en traduisant l’une des exigences que venait d’exprimer cette Cour : « le développement de la formation en matière démocratique ».
Tous les Européens peuvent si bien la prendre à leur compte qu’Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes au Sénat, écrivait dans la presse française le 13 août dernier : « La solution ne peut être que d’associer bien plus étroitment le Parlement national à la détermination de la politique européenne » pour enfin concrètement « concilier la construction européenne et l’exigence démocratique » en renforçant « le rôle européen des parlements nationaux ».
Car il est évident qu’entre la phase actuelle des Etats nations et l’intégration fédérale à laquelle tend l’Union Européenne des transitions démocratiques doivent être pratiquées en douceur, dans le souci de l’harmonie, de l’efficacité, mais surtout du bien commun tel que le définit le Parlement européen. Dès lors, pour reprendre le jour anniversaire de la République française votre excellent article du 3 septembre, le ROI nu disparaît simplement en laissant toute la place à une Europe « enfin gouvernée », à partir d’un Strasbourg qui soit pleinement « D.R., District du Rhin » (ou Direction des Ressources, spécialement Humaines !). Car « l’Europe du peuple » est en mesure et dans l’obligation de naître des peuples ; mais la route est encore exigeante et longue, à l’image de celle que dut prendre à travers la mer et l’inconnu, sur un TAURILLON aussi merveilleux que prodigieux, la REINE de l’aventure qui nous donna son nom de façon que nous ayons à sa suite une « Vaste Vue » et que l’Europe se construise d’une manière aussi solide que solidaire, avec les moyens phéniciens incarnés par EUROPE : la technique nautique (préfigurant notamment nos échanges « internautiques ») et l’alphabet démocratisant définitivement l’écriture pour faire éclore, mûrir et rayonner la démocratie.
7. Le 4 septembre 2009 à 18:50, par YVAN BACHAUD En réponse à : Union européenne : le Roi est nu
Nous voulons une Europe véritablement démocratique…
Le traité de Lisbonne qui reprend pratiquement le TCE élaboré par une commission présidée par VGE et rejeté en 2005 par la France et les Pays bas, fixe les règles d’une Europe qui est une "association contractuelle d’Etats souverains". Selon le lexique DALLOZ des termes juridiques : « Le fédéralisme implique l’autonomie politique des collectivités membres (qui ont une organisation étatique complète ) et leur participation à la constitution d’organes communs dotés de compétences plus ou moins étendues selon le degré d’intégration du groupement. »
Il ne faut donc pas jouer avec des mots et notions qui ne sont pas familiers aux citoyens européens.
Je crois pouvoir dire qu’une large majorité des citoyens européens souhaitent évidemment « plus d’Europe »pour qu’au niveau mondial, l’Union européenne puisse parler d’une seule voix quand cela est essentiel face aux USA, à la Chine, à l’Inde…dans une économie mondialisée. La crise actuelle nous montre qu’il faut faire le poids ,par exemple, pour avoir une chance de pouvoir « imposer » des mesures strictes sur la rémunération des Traders et l’encadrement général de la spéculation financière, pour neutraliser les paradis fiscaux. Mais dans chaque pays une majorité des citoyens est également très attachée à son pays et à sa « souveraineté ». Cela n’est nullement contradictoire. Ils veulent une application très stricte du « principe de subsidiarité » qui implique que l’Union européenne ne s’occupe pas de tous les problèmes qui peuvent être réglés au niveau des États, voire des Régions ou des communes et se concentre sur les sujets qui seront mieux traités au niveau de l’Union et qui lui auront été attribués.
L’ Europe s’est faite sans les citoyens et pourtant la classe politique feint de s’étonner des taux d’abstention tout à fait motivés.
L’Union prétend vouloir connaitre « les aspirations des citoyens » notamment en matière institutionnelle, mais à ce jour aucun des 27 chefs d’états ou de gouvernements n’a répondu à notre demande de mettre à l’ordre du jour du Conseil, la mise en place une Assemblée Constituante Citoyenne Consultative Européenne (ACCCE), issue de 27 Assemblées Constituantes Citoyennes Consultatives Nationales (ACCCN) tirées au sort sur les listes électorales Le projet finalement élaboré étant ensuite soumis à ratification par référendum dans les 27 pays. (Nos modalités sont présentées sur http://www.ric-france.fr/Europeennes2009.php
Nous faisons toute confiance aux citoyens européens pour qu’un des premiers articles de la future Constitution européenne dispose en substance :
« La souveraineté européenne appartient aux citoyens qui l’exercent par leurs représentants élus selon un mode de scrutin unique, au suffrage universel direct et préférentiel et par la voie du référendum d’initiative citoyenne, en toutes matières de la compétence de l’Union. »
Seule la mise en place d’institutions européennes véritablement démocratiques permettra de prendre des mesures justes et efficaces de nature à régler durablement les problèmes des citoyens et de la planète. Peut-on sérieusement contester que si les citoyens avaient disposé du RIC, des directives encadrant efficacement l’économie mondiale aurait été depuis bien longtemps adoptées ?
Les citoyens auraient la « volonté politique » qui manque désespérément à la classe politique championne de réformettes.
Bernard BARTHALAY reproche fort justement aux gouvernements de se dérober aux questions qu’il pose… Nous lui posons une question est simple : Soutenez-vous l’article constitutionnel ci-dessous instaurant le RIC européen ?
Yvan Bachaud, Porte parole du Rassemblement pour l’Initiative citoyenne Site www.ric-france.fr
« La démocratie se reconnait dans la capacité d’un peuple à contrôler son destin. » J. Attali « Rien n’est plus fort qu’un idée dont l’heure est venue. » Victor HUGO
8. Le 8 septembre 2009 à 15:51, par Bernard Barthalay En réponse à : Union européenne : le Roi est nu
Bonjour Laurent Leylekian, Je ne vois pas l’ombre d’une contradiction entre ce que dit Quatremer et ce que je dis moi-même, ce qui ne signifie pas que nous n’ayons par ailleurs aucune divergence. Mais les deux textes sont parfaitement compatibles. Le sien dit la vision que le Tribunal allemand a de l’UE selon Lisbonne, que je confirme moi-même. Quant à nous, à Puissance Europe, nous posons la question : comment en sortir ? Si, pour aller plus loin, les méthodes intergouvernementale et communautaire sont caduques aux yeux du Tribunal allemand, ou offrent prise à des coups de frein répétés, qui ne sont guère de mise aujourd’hui, face à la crise et aux risques planétaires, même s’ils sont parfaitement justifiés du point de vue du principe de démocratie, il ne reste bien que le fédéral. Je compte aborder prochainement la question des voies d’accès au fédéral. Merci de m’avoir lu. Bernard Barthalay
9. Le 8 septembre 2009 à 16:10, par Bernard Barthalay En réponse à : Union européenne : le Roi est nu
Bonjour Greg, Quelque chose vous aura peut-être échappé, mais je vous invite à faire un tour sur http://www.puissanceeurope.eu/ Vous verrez que Puissance Europe ne croit pas à la possibilité d’entraîner de sitôt les 27 dans la voie fédérale. Il faut commencer à moins, même si je suis conscient de tous les problèmes juridiques, institutionnels, politiques, psychologiques que cela pose. Notamment ceux que Angela Merkel a elle-même posés dans a conférence à la Humboldt, après la phrase : « Ich sage dann immer spaßeshalber : ... ». Ce texte est accessible à : http://www.bundesregierung.de/Content/DE/Rede/2009/05/2009-05-27-rede-merkel-humboldt.html Comme au temps du Conseil de l’Europe et de l’O.E.C.E., où les ’unionistes’ se contentaient d’un espace des droits et de la libéralisation des échanges de marchandises, une avant-garde doit avancer seule (la CECA à l’époque, demain la Fédération). D’un point de statique, qui est celui des gouvernements, donc de Merkel, ce serait diviser les Européens. Il faut répondre qu’à défaut l’Union est déjà entrée avec la décision du Tribunal allemand dans l’ère du sur-place. Seule une initiative audacieuse de la part d’un de plusieurs gouvernements peut nous sortir de l’impasse. Merci d’avoir lu ce papier. Bernard Barthalay
10. Le 8 septembre 2009 à 16:38, par Bernard Barthalay En réponse à : Union européenne : le Roi est nu
Bonjour Ronan, Vous suggérez une initiative qui ne vienne ni des Etats (les maîtres des Traités), ni de leurs gouvernements. Alors quoi ? Nous devons imaginer un chemin dans la continuité de la promesse de 1950, sans rupture du droit (donc un dernier traité organisant le processus constitutionnel d’une Fédération dans l’Union, une fois la Fédération constituée, c’est elle, de fait ou de droit, qui agit dans l’union, en lieu et place de ses Etats membres), une voie légitime (les Etats cédant leur souveraineté aux peuples qui, en se composant en un peuple européen, redistribuent la souveraineté entre les Etats et la Fédération) et participative (le processus constitutionnel, innovant, doit faire place, sans exclure uns constituante de type parlementaire, à la participation directe des citoyens, et pas seulement de la société civile organisée). Et s’ils ne font pas, direz-vous ? Alors, il faut organiser la pression des forces politiques et sociales, comme Monnet s’y employait, rompre l’isolement des euro-fédéralistes inorganisés, parmi lesquels on compte la fine fleur de l’intelligentsia européenne, dans l’attente d’une Renaissance ou de nouvelles Lumières et aller chercher la légitimité populaire à une échelle plus proche des citoyens, dans les territoires, là où se débattent les forces vives de nos pays, face à la mondialisation (mais cette idée reste prématurée). En tout cas, rien n’est à espérer de la « rue » : l’état de l’opinion publique ne le permet tout simplement pas. Seuls les gouvernements peuvent encore convaincre, à condition de s’y prendre autrement. Tout nouveau processus constitutionnel, à la différence du précédent, doit être auto-éducateur. La constitution de la Fédération et celle du peuple européen sont l’avers et le revers d’une même médaille. Merci de m’avoir donné l’occasion de faire cette mise au point. Bernard Barthalay
11. Le 8 septembre 2009 à 17:00, par Bernard Barthalay En réponse à : Union européenne : le Roi est nu
Bonjour Martina, 1)L’union européenne est, comme l’écrivait récemment Charles Grant, lente, mal organisée et désunie. Et les Européens le paient quotidiennement. Associer les Parlements nationaux aux décisions européennes est une fausse solution à un vrai problème. Elle équivaut à ajouter au veto des gouvernements celui des Parlements. Autant dire que le train reste en gare de Lisbonne ! 2)Bien sûr qu’il faut des transitions ou des étapes, mais nous venons de parcourir soixante années de transitions et d’étapes, plus ou moins démocratiques, avec le résultat qu’on sait : un espace organisé de libre circulation à l’échelle européenne, avec des institutions qui ont failli dans leur rôle de précurseurs de la Fédération. Il faut en tirer les leçons avant qu’il ne soit trop tard. Le monde court. 3)Avec Strasbourg, je voulais simplement suggérer que Bruxelles, associé dans l’esprit des gens à l’Union et à ses bureaux, ne pourrait convenir comme capitale de la Fédération. Strasbourg, symbole de la réconciliation, et de démocratie parlementaire, a plus de titres à devenir capitale fédérale. Mais ce n’est pas à l’ordre du jour. D.R. est un trait d’humour, comme vous l’avez compris, puisque vous renchérissez avec talent. Bernard Barthalay
12. Le 8 septembre 2009 à 17:40, par Bernard Barthalay En réponse à : Union européenne : le Roi est nu
Bonjour Yvan Bachaud, Je ne sais si vous me visez quand vous dites de ne pas jouer avec les mots. Si c’est le cas, vous vous tromper. Le Tribunal allemand ne joue pas non plus avec les mots. Il dit simplement ce qu’est, selon la doctrine qui prévaut parmi ses juges, l’UE dans son état présent. Vous opposez à cela une définition du fédéralisme. Bien. Mais elle ne dit rien de l’Union. Ce qu’on peut en déduire, c’est que l’Union serait fédérale, ou serait un système fédéral de gouvernement. Et la plupart des politologues spécialistes de la question seraient prêts à avaliser cette affirmation. Mais à coup sûr, l’Union n’est pas un Etat, ou, si le mot déplaît, une union constitutionnelle souveraine. L’opinion publique est dans une situation étrange : majoritairement, elle est contre tout ce qui ressemble à un Etat européen, d’ailleurs, elle n’aime pas non plus ses Etats, vus comme des appareils dépensiers, mais se tournent vers eux au moindre accroc. Mais elle veut une Europe qui parle d’une seule voix, qui agisse d’un seul geste, dans un monde d’Etats-continents, elle veut une défense européenne, une politique extérieure européenne, un Président européen élu au suffrage universel, toutes choses qui appellent une souveraineté et une constitution. Et vous ne trouvez pas cela contradictoire ! Je fais en effet confiance aux citoyens, et je suis persuadé qu’ils peuvent découvrir eux-mêmes cette contradictoire, une fois placés en situation de choisir, ce qui n’a jamais été le cas. Sur les assemblées de citoyens, je n’ai pas attendu ce blog pour m’exprimer et travailler sur ce sujet. Je vous renvoie à mon projet de manifeste pour un nouveau Congrès du Peuple européen ( http://www.peupleeuropeen.eu/Europeanpeople-Homepage.htm ). Je suis plus réservé sur le référendum, d’initiative populaire ou pas, car ce n’est jamais le peuple que se pose la question à lui-même. Il est toujours l’otage de celui qui pose la question, que ce soit l’Etat ou une ONG. Et la question se réduit toujours à cette alternative : êtes-vous avec moi ou contre moi ? Pour moi la démocratie, ce n’est pas d’abord le bulletin dans l’urne, c’est la délibération qui le précède. Or, le peuple ne peut pas délibérer. D’où l’invention de la représentation, élective ou stochastique. Une dernière chose, à supposer réunies les conditions de la réunion d’assemblées citoyennes, il convient de réfléchir au périmètre territorial qui offre le moins de prise possible à une récupération par les appareils nationaux (partis, médias, haute administration), et qui rend possible un va-et-vient consultatif entre les citoyens tirés au sort et tous les autres, et leurs ONG. Au demeurant, mon approbation d’un texte d’article d’une constitution qui n’existe serait sans importance, pas plus que votre signature au bas de mon projet de manifeste. Nous ne sommes que des citoyens. Mais d’accord avec Attali : faute de gouvernement démocratique, les Européens ne maîtrisent pas leur destin, encore moins leur dessein. Avec Hugo, continuons de faire mûrir l’idée : n’attendons pas que le fruit soit blet pour le cueillir. Bernard Barthalay
13. Le 8 septembre 2009 à 18:33, par Ronan En réponse à : Union européenne : le Roi est nu
Quand vous dîtes :
« Alors, il faut organiser la pression des forces politiques et sociales, comme Monnet s’y employait, rompre l’isolement des euro-fédéralistes inorganisés, parmi lesquels on compte la fine fleur de l’intelligentsia européenne, dans l’attente d’une Renaissance ou de nouvelles Lumières et aller chercher la légitimité populaire à une échelle plus proche des citoyens, dans les territoires, là où se débattent les forces vives de nos pays, face à la mondialisation »
Je suis à 200% d’accord avec vous. J’espèrerais tout autant que ce ne soit pas une antiphrase ni une dénonciation par l’absurde.
L’Europe suscite beaucoup d’attente dans l’opinion. Ce n’est que parce que l’actuel modèle déçoit profondément que les citoyens - faute de mieux - se jettent dans les bras de la Nation protectrice comme s’il s’agissait là de se proétger dans les jupes de maman.
Je l’entends tous les jours en salle des profs, tous les samedis sur les marchés de ma petite ville de province si durement touchée par la conjoncture économique, à chaque fois que je parles avec des proches, amis, familiers, collègues ou quidam inconnus. Et depuis trop longtemps.
L’opinion est plus européenne que nos gouvernants. Qui n’ont pas su proposer les sauts qualitatifs tant espérer. Entre gouvernants timorés qui n’osent pas et citoyens désemparés qui en demandent tellement plus, l’Europe actuelle fait dans le "tête-à-queue" permanent ; ça ne peut plus durer.
14. Le 9 septembre 2009 à 06:13, par Martina Latina En réponse à : Union européenne : le Roi est nu
Merci pour votre réponse circonstanciée que je viens de découvrir ; à l’heure où semble se compliquer la situation constitutionnelle de l’Allemagne face au traité de Lisbonne, on n’a plus en effet, comme vous l’écrivez un peu plus bas dans ces colonnes, qu’à faire « mûrir » le fruit de l’idée européenne au soleil de la bonne volonté.
Vous avez certes raison en lançant que « le monde court » : mais la première figure d’EUROPE qui se déplace heureusement toujours vite, même à notre insu dans la nuit du mythe et de l’inconnu, peut et doit encore nous imprimer son rythme bien réel en nous transmettant son sens phénicien de la communication, nautique autant qu’alphabétique, donc aussi mobile que relationnelle... Quant aux actuelles capitales européennes, il est sans doute nécessaire qu’elles soient complémentaires pour l’équilibre des pouvoirs et pour une meilleure marche démocratique de l’Europe, avant qu’un Euro-District comme celui de Strasbourg-Ortenau en devienne le coeur toujours plus battant !
15. Le 9 septembre 2009 à 19:20, par Bernard Barthalay En réponse à : Union européenne : le Roi est nu
Oui, Ronan. Je suis d’accord. Des citoyens, dûment informés, conscients des enjeux, délibérant entre eux, en viennent tout naturellement à dire : Fédération ! Mais les Etats, ou plutôt leurs appareils, sont « les profiteurs de la souveraineté nationale » (Spinelli). Ce sont eux l’obstacle. Mais il est tout aussi vrai que les citoyens n’attendent que l’Europe se fasse contre les Etats, mais plutôt avec eux. C’est donc sur eux qu’il faut exercer les pressions nécessaires. Puisque vous faites état d’une expérience personnelle, permettez-moi de vous livrer la mienne. L’un de mes amphis est composé d’élèves-ingénieurs, pas de spécialistes du droit, de science politique, ou d’économie, qui se projettent déjà dans la position qu’ils occuperont demain, dont peu anticipent déjà qu’elle soit européenne. Eh bien, croyez-moi, il y a plus de fédéralisme spontané parmi les élèves-ingénieurs, dont le profil intellectuel est en politique plus proche de celui de l’homme de la rue. A méditer. B. Barthalay
16. Le 9 septembre 2009 à 20:03, par Bernard Barthalay En réponse à : Union européenne : le Roi est nu
Bonjour Fabien, Je m’aperçois que tu es le seul à qui je n’ai pas répondu. Deux petites choses. Je préfère dire la voie fédérale, parce qu’il y a beaucoup de courants qui se réclament du fédéralisme, certains voulant en faire parfois une sorte de ’panacée’. Je me méfie beaucoup de tout ce qui pourrait ressembler à une vision ’totale’ de l’homme, qu’il suffirait de mettre en pratique pour faire chanter les lendemains. On sait d’expérience que cela ne donne pas de bons résultats. Je suis un institutionnaliste réaliste. Pas un idéologue. Par ailleurs, si l’Etat fédéral (ou Fédération) n’est pas choisi, ce n’est à mon sens que partie remise. Simplement, de ce choix dépend simplement que sortions de la crise en tête, dans un G2 avec les Etats-Unis, ou un G3 avec la Chine en plus. Ou si la petite France et la petite Allemagne, puissances déclinantes, devront tenter de se faire une place parmi les puissances émergentes, des Etats milliardaires en habitants. La grande question n’est pas de faire trompher le fédéralisme, mais le simple bon sens, qui porte naturellement, dans le monde du XXIe siècle à un Etat européen continental. Et là, le choix, ce n’est pas l’UE ou la Fédération. C’est Etat unitaire ou Etat fédéral ? Qui veut un Etat unitaire européen sur le modèle de l’Etat administratif centralisé français. Où serait la diversité des langues, des cultures et des territoires ? Bernard
17. Le 10 septembre 2009 à 23:13, par Ronan En réponse à : Union européenne : le Roi est nu
Ah ben on est rassuré : l’Idéologie c’est tout pourri mais - en définitive - c’est donc le bon sens pratique qui, en définitive, triomphera.
Sauf que - si je puis me permettre - le bon sens est à la fois un concept subjectif à géométrie variable que tout le monde (absolument tout le monde) prétend posséder, et la chose rare la plus modérément distribuée au monde...
Bref, l’annonce du triomphe final et inévitable, voire programmée à terme du bon sens, ça ne me rassure pas. Mais alors pas du tout ; ça, c’est de l’idéologie !
Ne pas avoir honte de le dire, si vous êtes fédéraliste. Au moins - idéologie mise à part - ça précise d’emblée (1) à quelle famille de pensée vous appartenez, (2) à quel projet politique vous adhérez, et (3) quels combats politique vous menez...
18. Le 11 septembre 2009 à 16:45, par Ronan En réponse à : Union européenne : le Roi est nu
Je crains également - désolé - qu’il y ait plus de « fédéralistes spontanés » de rencontre - sur nos marchés - que dans bien d’associations européistes timorées.
Exercer des pressions sur les Etats ?! Sans l’appui d’une opinion publique en ordre de marche (et galvanisée autour de slogans mobilisateurs et parfaitement explicites...), c’est pas gagné.
Arrêtons donc d’attendre en vain des Etats ce qu’ils ne veulent absolument pas nous donner, malgré tout le lobbying du monde. Mobilisons l’opinion et le reste viendra en sus.
Arrêtons d’attendre vainement du ciel qu’il en pleuve, comme par miracle, ce qui n’en tombera très probablement jamais (ou en 2052, peut-être...) : aides-toi et le ciel t’aidera ; ici, maintenant...
19. Le 21 septembre 2009 à 21:40, par Bernard Barthalay En réponse à : Union européenne : le Roi est nu
Eh oui, je dois vous dire ce que je n’aime pas du tout : ’en ordre de marche’, ’galvanisée’, ’mobilisateurs’, ’mobilisons’, ce langage appartient à une culture de la guerre importée dans la politique et cela fait bien ringard. Sur le reste, je ne suis d’accord qu’à moitié. S’il est possible avec vous de ne pas être tout à fait pour ou tout à fait contre. Les Etats : comme disait Davignon, « en définitive, ils font toujours ce qu’on attend d’eux ». En même temps, ils ne le font pas toujours. Mais peut-on parler des Etats comme s’il s’agissait de monolithes. Est-ce que c’est la France qui a rejeté la CED ? Ou sa haute administration, ou ses élus, ou une majorité négative et hétéroclite, ou une opinion revancharde, ou le lobby nucléaire ? Un peu d’analyse ne fait pas de mal. Les Etats sont les agents d’une souveraineté détenue par le peuple, c’est-à-dire les citoyens, qui ont le droit de la reprendre our la redistribuer. Parfois, les Etats le comprennent d’eux-mêmes, en 1951, en 1957, en 1992, ils ont même eu le grand tort de la redistribuer sans le consentement du peuple. L’opinion : Spinelli disait : l’Europa non cadrà dal cielo. Il avait raison et vous aussi. Mais il disait aussi en parlant de Monnet : nous sommes deux à tirer la charrette", pour expliquer qu’il fallait parler aux gouvernements, comme Monnet, et à l’opinion, comme lui. Dans les deux cas, comme disait cette fois Monnet, ’c’est surtout beaucoup de travail’. Bernard Barthalay
20. Le 22 septembre 2009 à 09:37, par Ronan En réponse à : Union européenne : le Roi est nu
Parce que vous croyez sérieusement qu’un combat politique se gagne avec des fleurs ou en distribuant des ballons de baudruche aux enfants ?!
C’est précisément cet intellectualisme forcené de lobbyiste et ce refus de s’abaisser à mettre les mains dans le cambouis (de la confrontation politique...) qui explique pour bonne part l’actuel échec de l’européisme de salon dans l’opinion publique.
C’est pourtant clair : l’Europe fédérale à venir sera populaire (ou ne sera pas...). Tout simplement.
21. Le 26 septembre 2009 à 23:32, par Bernard Barthalay En réponse à : Union européenne : le Roi est nu
Cessez, je vous prie, le procès d’intention. Vous ne connaissez ni mon histoire ni mes projets. Dans ma vie, j’ai plus fait pour expliquer le besoin d’unité au tout-venant qu’aux salons parisiens ou aux bureaux de Bruxelles. J’ai mis les mains dans le cambouis plus que vous ne pourriez l’imaginer, au point d’y laisser plusieurs fois ma chemise. Point barre. Vous osez me jugez sur quelques lignes. L’invective (intellectualisme et, dans votre esprit, lobbyiste) est un aveu de faiblesse. Qui parle de fleurs et de ballons de baudruche, sinon vous ? Constatons plutôt notre accord sur votre dernière phrase : l’Europe fédérale sera populaire ou ne sera pas (à condition bien entendu de ne pas entendre populaire au sens où l’entendaient les dirigeants ’impopulaires’ des républiques du même nom). Et rompons là. Je passe à autre chose. Barthalay
22. Le 27 septembre 2009 à 14:00, par Ronan En réponse à : Union européenne : le Roi est nu
Je ne faisais que reprendre vos seuls propos (et décrire des comportements - décidément "trop gentils" - que je n’ai vu que trop souvent vu aux JE-France et dans la mouvance fédéraliste)
« Eh oui, je dois vous dire ce que je n’aime pas du tout : ’en ordre de marche’, ’galvanisée’, ’mobilisateurs’, ’mobilisons’, ce langage appartient à une culture de la guerre importée dans la politique et cela fait bien ringard. »
A trop considérer que le combat politique est "ringard" et à le dédaigner en ces termes qui ne sont que les votres (avec le succès que l’on sait ces dernières années) voilà ce qui arrive : on perd.
Les adversaires de l’idée européenne, ne se privent pas - eux - d’utiliser ce type de mots d’ordres. Bilan : ils gagnent. Cherchez l’erreur...
Suivre les commentaires : |