Europe et défense

Vers l’armée européenne ?

, par Luc Picot

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Vers l'armée européenne ?

Neuf ans après le sommet de Saint-Malo et les prémices d’une véritable PESD, les États de l’Union doivent relancer le processus d’intégration dans le domaine de la défense. Cette relance ne peut se réaliser qu’autour d’une ambition capable de mobiliser les acteurs politiques et militaires ainsi que les citoyens.

Fort de ce constat, il est nécessaire d’appeler à la création d’une armée européenne entre les États membres de l’Union.

Cet appel répond à un triple défi :
 Remobiliser les européens autour d’un projet de nature politique
 Créer une institution permettant aux peuples européens de se fédérer
 Répondre à un besoin réel pour la sécurité de l’Europe

La création d’une armée européenne ne doit pas servir à masquer la crise institutionnelle de l’Union. C’est un projet de nature politique fondé sur une analyse des besoins réels de l’Union en matière de sécurité. L’armée européenne répond aux objectifs stratégiques de défense et de sécurité des nations européennes.

Ces objectifs ne peuvent être dégagés qu’après la rédaction d’un livre blanc européen sur les finalités et les moyens de la PESD. Face à de tels enjeux, l’armée européenne est la réponse la plus cohérente aux nouveaux défis que ce livre blanc doit cerner.

Objectifs

Une nouvelle approche de la PESD doit se faire en définissant des objectifs précis et réalisables. Ces objectifs doivent être assignés à la fois à l’Union européenne ainsi qu’aux États membres.

 Le premier objectif de la PESD est de garantir la sécurité collective des États membres face à l’ingérence d’une puissance étrangère à l’Union. La défense européenne doit présenter une crédibilité suffisante afin de se substituer à long terme au rôle assigné à l’Otan d’assurer la stabilité du continent européen. Fruit de l’histoire, les États de l’Union n’acceptent aucune garantie de sécurité ou tutelle militaire provenant d’un État européen. La crainte d’un directoire par les grands États est toujours présente (il semble concevable de croire que les polonais confieront leur sécurité aux allemands). C’est pourquoi, cette garantie de sécurité est toujours assurée par les États-Unis.

La seule réponse européenne à ce problème historique est de confier la sécurité collective des nations européennes à une entité non-étatique et qui ne soit pas extra-européenne. L’armée européenne apparait dès lors comme l’unique solution.

 Le deuxième objectif de la PESD est d’assurer la paix sur l’ensemble du continent européen. La stabilisation de la région des Balkans doit être un objectif prioritaire de l’Union européenne. Cette mission implique un engagement dans la durée de nos forces militaires. Ces forces stationnées en Bosnie ainsi qu’au Kosovo pourraient servir de premier test à la mise en place d’une armée européenne complètement intégrée.

 Le troisième objectif de la PESD est de permettre à l’Union de jouer un rôle majeur dans les missions de maintien de la paix de l’ONU. Les crises actuelles (Darfour, Somalie, etc.) démontrent l’importance pour l’Europe de disposer de capacités militaires suffisamment nombreuses pour pouvoir intervenir partout dans le monde et sur plusieurs théâtres à la fois. La gestion de ces crises politiques aigües nécessite des capacités que seule une armée européenne pourrait obtenir (les grandes armées européennes sont arrivés aux limités de leurs moyens disponibles).

 Le quatrième objectif de la PESD est de répondre au bouleversement stratégique amorcé depuis une décennie. Si la guerre froide avait maintenu pour un demi-siècle l’Europe comme champ de bataille principal, l’Europe n’est plus depuis la guerre du Kosovo le centre des enjeux mondiaux.

L’objectif prioritaire des armées européennes n’est plus la défense territoriale des États par une guerre de nature continentale.

Les enjeux militaires du XXIe siècle sont dorénavant loin du continent européen. L’Asie apparait comme le nouveau centre de la géostratégie mondiale. L’Europe ne pourra répondre militairement aux tensions de cette région que si elle devient, à l’instar des États-Unis, une puissance maritime. La capacité des armées à se projeter loin de leurs bases constituera un élément déterminant de la puissance au XXIe siècle. L’Europe n’aura une influence dans cette région que si elle constitue une capacité de projection de force suffisante et crédible. L’armée européenne est seule susceptible de préserver la paix internationale. L’armée européenne apparait à nouveau comme la seule solution afin de répondre aux nouveaux défis géostratégiques.

Perspectives

La constitution d’une armée européenne permettra de répondre aux nouveaux objectifs de la PESD. Elle apparaitra d’autant plus intéressante que son efficacité se fera à coût constant. En effet, l’armée européenne permettra de faire des économies dans les budgets militaires des États membres. Avec la même dotation financière, l’Europe pourra faire mieux en offrant des conditions d’opérationnalités plus grandes à son armée et une capacité d’intervention dans l’ensemble des zones stratégiques.

Cette armée ne pourra pas être seulement la simple addition des forces militaires des États membres. L’armée européenne devra être une institution supranationale ouverte aux États qui souhaitent y adhérer. Les États les plus engagés dans ce projet doivent pouvoir constituer un groupe pionnier. Aucun blocage des autres États ne pourra être légitimement soutenu pour entraver la naissance d’une armée européenne.

Nécessité d’une constitution d’une armée européenne

Les gouvernements des États membres doivent définir un véritable livre blanc européen sur la PESD. Celui-ci devra assigner des objectifs à l’Union européenne et aboutir à une harmoniser des documents stratégiques nationaux des principales armées européennes.

Le livre blanc devra également fixer des objectifs quantifiés pour la mise en place de programmes militaires européens et rendre réellement interopérable les armées des États. C’est un préalable à la constitution d’un réel outil militaire à la disposition de l’Union.

Conscient de l’attachement des États membres à l’Otan, la constitution d’un pilier européen de la défense au sein de l’organisation atlantique devient nécessaire car seul un partenariat équilibré entre les deux institutions permettra de réaliser les objectifs de la PESD.

En matière de politique de sécurité et de défense, l’Europe ne pourra faire l’économie d’une réflexion quant aux solutions à apporter pour assurer le succès de ses objectifs. Pour que l’Europe ait une place dans les affaires du monde, la possession d’un outil militaire opérationnel est incontournable. Cet outil ne peut avoir qu’une seule forme : celle d’une armée européenne.

Illustration : image issue du blog de Lionel Luttenbacher.

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Vos commentaires
  • Le 5 juillet 2009 à 05:58, par FEFE En réponse à : Vers l’armée européenne ?

    Je voudrais juste donner mon point de vue à cette idée. L’UE a besoin d’une armée c’est indispansable et obligatoire,car en regardant les américains leur force et leur puissance c’est dans l’armée. La constitution d’une armée européenne sera profitable pour les citoyens européens et le reste du monde. C’est l’avenir de l’union pour les européens et dans le monde.

  • Le 25 mars 2014 à 21:43, par Lame En réponse à : Vers l’armée européenne ?

    En tant que fédéraliste européen, je suis partisan d’une armée fédérale européenne, conçue pour renforcer la puissance militaire de l’UE, pas pour justifier le démantèlement de tout ou une partie des forces militaires nationales. A cette condition, une armée fédérale peut remplir de nombreuses missions :éfense continentale et outremer de l’UE, force d’interposition aux fins de maintien de la paix, lutte anti-piraterie, contribution aux opération humanitaire, contribution à la défense spatiale, etc...

    La mise en oeuvre efficiente d’un système militaire Armée fédérale/armées nationales suppose le développement d’équipements militaires européens productibles par les Etats membres sans frais de licence. Ces équipements comporteraient de châssis permettant le création de gamme d’engins ; chaque Etat pourrait les remplir avec les équipements de son choix. Parallèlement, ces équipements comporteraient également des composants (moteurs, ordinateurs, armes, etc...) susceptibles d’être installés sur des châssis d’origine fédérale ou nationale.

    Compte tenu de la maritimisation des relations internationales, la marine fédérale pourrait mettre en oeuvre des îles artificielles pour conférer à l’UE une capacité de sea basing. Une telle capacité, difficile à développer au niveau national, peut renforcer l’UE aussi bien dans la défense continentale (action en Meditérranée et dans la Baltique), la défense outremer ou le secours humanitaire.

  • Le 27 mars 2014 à 01:15, par TB En réponse à : Vers l’armée européenne ?

    Je suis surpris que l’article n’aborde pas la question de la force de dissuasion française, qui n’est pas un petit détail dans la défense nationale française. Alors, que fait-on de nos armes nucléaires ? On en partage la gâchette avec les autres Etats européens dans le cadre d’une mutualisation des moyens ? On y renonce unilatéralement ?

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