Si les changements institutionnels sont nécessaires à la création d’une véritable démocratie européenne, il est aussi nécessaire, en parallèle de changer l’image de l’Union telle qu’elle est aujourd’hui perçu par les citoyens. Les Européens doivent s’approprier l’Union.
Le demos, la communauté de citoyen, existe dès que l’on demande à des individus de prendre des décisions collectives allant dans le sens de l’intérêt commun. On peut donc considérer qu’il existe déjà en Europe. Pourtant, les gens n’en ont pas conscience. Cette prise de conscience qui sera sans doute lente et progressive peut passer par un meilleur traitement de l’information et par un renouveau des symboles européens.
Vers une information européenne
Les citoyens sont aujourd’hui mal renseignés à propos des politiques européennes. Cela est dû tant aux institutions qu’aux médias et aux politiques.
Au niveau des institutions et au premier rang le conseil, il est frappant de noter le manque de transparence. Pas de minute, pas de retranscription, pas même de photographie, une simple conférence de presse à la fin du Conseil. Comment faire adhérer les citoyens à des institutions dont on a l’impression qu’elles souhaitent se cacher à l’opinion ?
Il est nécessaire que le Conseil face un effort de transparence de même que la Commission, le Parlement européen, tout du moins lors de ces séances plénières. Cela peut se faire simplement par des retranscriptions des débats via tous les moyens existants.
De plus, les médias ne font que peu l’effort de traiter les enjeux européens. L’actualité de l’Union est très souvent reléguée à une rubrique subalterne Europe mélangeant pêle-mêle actualité de l’Union, actualité nationale des Etats membres voire des Etats non membre. Alors que dans nos sociétés, la quasi-totalité des enjeux tant économique que politique se joue sur la Cour européenne, il parait primordial que l’actualité de l’Union innerve la totalité des actualités. L’Union européenne ne doit plus être présentée comme une instance étrangère mais bel et bien comme l’émanation de la volonté collective européenne.
Il faut dès lors travailler sur la formation des journalistes. La plupart du temps ignorants de mécanismes européens, ces derniers ne prennent, à quelques rares exceptions que peu de distance face à l’actualité européenne. Des articles de qualité retraçant les grands dossiers européens sont ainsi très importants. Cela permet de prendre en considération le rôle des différents acteurs institutionnels ou non et de rapprocher les citoyens des réalisations européennes concrètes.
Les nouveaux médias notamment numériques ont eux aussi un rôle à jouer. Ils doivent permettre de faire vivre le débat européen, la mobilisation pour ACTA montre bien qu’il y a là quelque chose à faire même si c’est une arme à double tranchant.
Cependant, il est vrai que les médias ne font que relayer ce que leur proposent les politiques. C’est à eux de prendre leur responsabilité et d’arrêter l’hypocrisie qui consiste à critiquer l’Union dès lors qu’une décision prise est défavorable politiquement et de se présenter comme unique auteur des décisions favorables de l’Union. L’UE n’est pas un lieu où chacun vient affirmer sa puissance contre d’autres. C’est un lieu où l’on construit un projet commun dans l’avenir du continent.
Ce changement de comportement qui doit intervenir passe tout d’abord par une meilleure présentation du travail au sein du conseil aux parlements nationaux. Les chefs d’Etat tout comme les ministres devraient systématiquement consulter les élus du peuple sur les dossiers européens. Les parlementaires, quant à eux, doivent faire l’effort non seulement de s’intéresser à ces dossiers mais aussi d’en faire l’écho dans leur circonscription. C’est la meilleure façon d’intégrer au système européen les parlements nationaux et cela reste malheureusement encore très peu fait.
De même, il faut insuffler plus de politique. Il ne faut pas présenter l’Union comme l’endroit où il faudra négocier les quotas de la PAC. Cela donne aux citoyens une réalité tronquée qui fait de l’Europe un système technocratique ne prenant aucune décision ayant de véritables répercussions. Les hommes politiques doivent avoir une vision pour l’Europe. Ils doivent avoir un futur en tête et le présenter aux citoyens. Aujourd’hui, les seuls à présenter une telle vision sont les populistes. Leur succès provient de cette volonté de guider l’Europe, certes vers un désastre, mais de la guider néanmoins. Nos hommes politiques doivent se prendre en main, arrêter avec leur hypocrisie et présenter aux citoyens un vrai projet de société.
Vers une véritable symbolique européenne
Afin de favoriser l’adhésion à l’Europe, il est nécessaire de développer de nouveaux symboles de reconnaissances.
L’Union manque de symboles qui sont autant de repère pour les citoyens à un ensemble commun. Il suffit de voir que la photographie pour les réunions du Conseil est, systématiquement, celle d’une arrière-cour bruxelloise. Les symboles donnent des repères nécessaires à un sentiment d’appartenance.
Alors que le drapeau, bien qu’adopté officiellement tardivement participe aujourd’hui sans équivoque à la reconnaissance de l’Union, la devise, l’hymne et les lieux emblématiques, peinent à être reconnus. Il est nécessaire de les mettre en avant. Que cela soit fait de façon officiel ou non. Cela peut ainsi être jouer l’hymne européen de façon plus systématique ou encore afficher la devise sur des bâtiments officiels mais aussi la diffusion de ces symboles et la création de nouveau.
Cet effort est nécessaire pour rapprocher l’Union de ses citoyens et leur donner l’occasion de s’approprier la construction européenne et ses réalisations.
Enfin, et cela rejoint la nécessité pour les politiques de donner un cap à l’Union, il faut reconstruire un rêve européen.
Les citoyens souffrent du vide actuel et les politiques nationaux comme européens doivent donner une direction claire à l’Europe. La fédéralisation masquée qui s’opère pas à pas dans le cénacle du Conseil est extrêmement dommageable. Les citoyens se sentent trahis, au mieux lésé et cela nourrit un courant anti-européen mais aussi xénophobe qui avait pourtant quasiment disparu ces cinquante dernières années.
Il est plus que jamais important de revenir à ce qui a fait le succès de l’Europe : le rêve européen de paix puis de prospérité. C’est seulement en ayant une ligne claire et assumée de fédéralisation de notre continent que les citoyens pourront se sentir européen.
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