Y-aura-t-il une nouvelle politique européenne suisse ?

, par Sven Bisang

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Y-aura-t-il une nouvelle politique européenne suisse ?
Didier Burkhalter, Ministres des Affaires étrangères suisse

Lorsque les politiques européens essayaient de sauver l’Euro et l’UE en 2011, leurs collègues suisses ont mené une campagne électorale centrée sur les sujets nationaux. Après tout, un nouveau ministre des Affaires étrangères, M. Didier Burkhalter, était élu. Mais aura-t-il la chance de surmonter le blocage des relations Suisse-UE, résoudre les problèmes actuels et mener la Suisse vers un statut de membre à part entière de l’UE ?

Lorsque le système monétaire et financier chancelait vers l’abîme de la catastrophe en 2011 et que les politiques européens passaient plus de temps dans les salles de négociations bruxelloises que jamais, leurs collègues suisses étaient beaucoup trop occupés à mener leurs campagnes électorales et à prendre acte de tels évènements. Il est encore plus inquiétant que ce comportement de négation envers ces processus de l’Union européenne ne soit pas du tout une première pour la politique suisse. Depuis une décennie, les politiques suisses semblent avoir perdu le sens des réalités concernant les relations Suisse-UE. Quelles en sont les raisons et pourrait-on espérer un changement rapide ?

La décennie de l’intégration froide

Depuis le refus populaire capital d’une adhésion à l’Espace économique européen (EEE) en 1992, la politique européenne de la Suisse s’est fondée sur un système complexe de traités sectoriels qui sont dans la plupart statique (actuellement plus de 120…). Le but de ces « Accords bilatéraux » est de garantir l’accès au marché commun sans céder trop de souveraineté. Cette stratégie portait ses fruits depuis une décennie. Aujourd’hui, la Suisse est profondément intégrée au marché commun et grâce à sa participation aux régimes de Schengen et de Dublin, elle est plus intégrée dans l’UE que quelques membres à part entière.

Néanmoins, les arrangements institutionnels viennent au prix d’une Suisse devenue un membre passif et de deuxième classe de l’UE. Pour éviter de futures discriminations, la Suisse accepte de facto et en grande partie la législation européennes. Ces ajustements « autonomes » mais constants à la législation européenne vident l’idée originale des accords bilatéraux de préserver la souveraineté nationale. De plus, la reconnaissance des jugements de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) reste impensable, la Suisse devient un partenaire infidèle à l’UE insistant sur les clauses particulières liées à la signature des accords statiques. Par conséquent, le Conseil européen demandait un changement des règles dans les relations Suisse-UE en 2009 pour « cultiver » la coopération vers un ajustement législatif automatique et une reconnaissance des jugements de la CJUE. Peu surprenant, le Conseil fédéral (gouvernement national suisse) rejetait entièrement ces créances et ralentissait une réponse franche en faisant référence aux élections fédérales de 2011.

Nouveau ministre des Affaires étrangères = Nouvelle politique européenne ?

Les élections fédérales de 2011 ont vu la défaite surprenante du parti nationaliste-conservateur et eurosceptique, l’Union démocratique du Centre (UDC), au lieu des partis centristes. Pour la première fois en deux décennies, la rhétorique eurosceptique de l’UDC n’a pas porté ses fruits et perdait une partie de ses sièges au parlement fédéral. Par conséquent, le parlement n’a pas élu un deuxième représentant de l’UDC au Conseil fédéral, laissant le parti sous-représenté au gouvernement, contrairement à la tradition helvétique.

Après les élections au Conseil fédéral, un nouveau ministre des Affaires étrangères était désigné. Didier Burkhalter, du parti libéral-radical succédant à la socialiste, Micheline Calmy-Rey. M. Burkhalter fait partie du Conseil fédéral depuis 2009 en tant que ministre de l’intérieur. D’origine neuchâteloise, il est le premier ministre des Affaires étrangères libéral-radical depuis Max Petitpierre, également de Neuchâtel et « père » de l’association européenne de libre-échange (AELE), qui a démissionné en 1961. Officiellement, M. Burkhalter est un fier défenseur de la « voie bilatérale », mais sa provenance laisse espérer les europhiles. Neuchâtel est le canton le plus ouvert à l’UE : Le gouvernement cantonal demande même de commencer immédiatement les négociations à l’adhésion ! En outre, M. Burkhalter était toujours ouvert aux idées européennes raisonnables en tant que Conseiller fédéral.

D’abord, résoudre les problèmes institutionnels

Mais est-ce qu’un changement de personne signifie aussi un changement de politique ? La neutralité et une vision romantique de la souveraineté nationale dominent encore la politique étrangère suisse. Pourtant l’histoire montre que la pression externe peut provoquer un changement de priorités en Suisse. L’UE demande une solution aux « questions institutionnelles » (soit l’adoption dynamique de la législation, l’application uniforme des accords et un mécanisme indépendant de contrôle de la conformité au droit) avant de discuter des nouveaux accords sectoriels. En plus, la Commission européenne demande des concessions dans les domaines du secret bancaire et des régimes fiscaux cantonaux des holdings.

Parallèlement, des groupes d’intérêts exigent des demandes pour les nouveaux traités, ouvrant l’accès au marché commun (soit l’énergie). Grâce à tous ces facteurs, le paradigme standard de la Suisse, qui consiste à résoudre les problèmes par l’attentisme ne marche plus. Sous le traité de Lisbonne, l’UE agit beaucoup plus de manière coordonnée et cohérente et elle est moins encline à offrir des solutions spéciales aux pays-tiers comme la Suisse. En outre, à long terme, la Suisse souffrira économiquement plus que l’UE si le statu quo se maintient. C’est pourquoi le Conseil fédéral et son nouveau ministre des Affaires étrangères sont obligés de développer de nouvelles stratégies.

Indépendamment de la forme finale du traité, la Suisse doit présenter un mode qui satisfait les demandes de l’UE concernant les « questions institutionnelles ». Concrètement, cela signifie soit un régime ressemblant à l’EEE ou à l’adhésion. J’estime que le Conseil fédéral préférera une solution similaire à l’EEE que l’adhésion. Les deux options signifient des mesures drastiques aux yeux des puristes de la souveraineté nationale (comme déjà la voie bilatérale), mais seulement un traité similaire à l’EEE aura une petite chance d’être accepté par le peuple. De plus, le consentement des associations économiques et des syndicats sera indispensable.

Être libéral reste un avantage en Suisse

Didier Burkhalter pourra jouer un rôle décisif dans le rajustement de la politique européenne suisse. Non seulement il aura la responsabilité de négocier en direct avec les institutions européennes, mais il doit aussi chercher une majorité populaire pour sa politique. En faisant cela, convaincre le peuple de la nécessité de « plus d’intégration », il s’opposera moins au Conseil fédéral et au public que sa prédécesseur socialiste grâce à son origine libérale-radicale. Il ferait bien de profiter de son avantage pour expliquer franchement et honnêtement les avantages et désavantages des deux solutions possibles – régime similaire à l’EEE et l’adhésion – aux citoyens. Ensuite, il devra élaborer une stratégie de la politique européenne visionnaire pour la Suisse et éveiller l’intérêt des citoyens et citoyennes helvétiques à s’engager activement au projet européen. En résumé, il devra jouer le rôle pivot d’une discussion profonde sur la politique européenne suisse.

Comment captiver le peuple ? Finalement, pas un tel défi. Les électeurs suisses ont prouvé qu’ils étaient généralement pragmatiques et idéologiquement plus flexibles que par le passé si on leur présentait une analyse complète et objective de la situation et des options. L’exemple de la votation positive à l’adhésion aux Nations-Unis en 2002 (une première votation était négative en 1986). Un traité similaire à l’EEE aura probablement une plus grande probabilité de consentement, mais ses désavantages au niveau de la démocratie pourrait aboutir à son échec. C’est pourquoi il n’est pas exclu que les citoyens suisses voteront finalement, après un débat profond sur le rôle de la Suisse en Europe et au plaisir des fédéralistes, pour une adhésion qui garantit la participation directe au projet européen que pour une autre « solution de deuxième-classe ». Un tel résultat de votation ne serait pas surprenant dans l’histoire helvétique car la conviction que la participation active et la représentation appartiennent intégralement à la démocratie suisse est le véritable pivot du « projet d’intégration suisse » qui a fondé la Confédération suisse moderne en 1848 !

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Vos commentaires
  • Le 17 janvier 2012 à 09:28, par vincent En réponse à : Y-aura-t-il une nouvelle politique européenne suisse ?

    La Suisse peut très bien demander son intégration à l’Espace Economique Européen, après tout le « non » l’a remporté d’un cheveu en 1992. On ne peut pas dire que 50,3% de non soit un refus catégorique. De plus c’est aujourd’hui que le comité norvégien sur l’EEE va rendre son rapport pour savoir si la Norvège doit continuer avec l’EEE tel quel ou demander des modifications auprès de la Commission Européenne, ce qui conduirait sûrement à un accord EEE III.

  • Le 17 janvier 2012 à 15:23, par vincent En réponse à : Y-aura-t-il une nouvelle politique européenne suisse ?

    Et voici le dit rapport sur la Norvège et l’EEE. Ce rapport conclut (j’essaye de traduire le plus juste possible) :

    * La Norvège a transféré la souveraineté à l’UE 287 fois depuis 1994. Le Parlement a voté à l’unanimité dans 265 de ces décisions. Les 22 dernières questions ont été résolues avec la large majorité au Parlement.

    * La Norvège a en plus de l’EEE et l’Espace Schengen signé 74 accords avec l’UE.

    * La Norvège est de 75 pour cent de l’Union européenne. Le calcul est le suivant : "projeté sur le fond de celui du 31 domaines de fond sont en moyenne d’environ la même taille (même s’il y a des différences majeures entre les deux) et la Norvège d’une part est liée complètement ou en très large mesure, 23 d’entre eux - et d’autre part, que la Norvège n’est pas associé ou que très peu associé à 8 - vous verrez environ 3 / 4 ... Que reste que les principaux domaines où la Norvège et l’Islande sont associées L’UE est avant tout économique et politique monétaire du syndicat, avec les pays tiers, la politique agricole commune et de la pêche, et les pièces de la politique étrangère et de sécurité commune. "(Page 803 du rapport)."

    * Les lois et règlements norvégiens affectés par l’UE (170 de 600 lois norvégiennes et 1000 règlements comprennent la législation européenne).

    * La Norvège a introduit 6000 législations de l’UE depuis l’accord EEE a été signé en 1992.

    * Le droit a évalué seulement 17 fois.

    * La Norvège est aussi intégré dans la Royaume-Uni dans l’UE et les autres états membres, comme la Suède et le Danemark mais sans droit de vote et d’influence.

    * La Norvège participe à 26 agences de l’UE.

    * La Norvège est découragée à Bruxelles. 27 pays membres et un certain nombre d’autres grands pays sont prioritaires par rapport à la Norvège.

    * Il devient plus difficile pour la Norvège pour obtenir l’exemption des règles de l’UE, "Les exceptions seront plus difficiles, et les clauses de réserve que l’on appellent à nous fournir, sont extrêmement faibles. Attitudes sur le côté de l’UE à se retirer, si quelque chose, devient encore plus restrictive au fil des ans », affirme le rapport.

    Si quelqu’un pouvait traduire le rapport en français ou en anglais, ça serait gentil.

    http://www.nettavisen.no/multimedia/na/archive/00883/E_S_883353a.PDF

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