Douche froide dans le fragile paysage industriel de la Moselle Est. Vendredi 3 juillet, Daimler, maison-mère de Mercedes-Benz, a annoncé dans un communiqué laconique son souhait de vendre rapidement le site de production « Smartville », situé à Hambach.
Implantée à proximité de Sarreguemines depuis 1997, cette usine ultramoderne, phare de l’industrie 4.0 en Lorraine et modèle écologique pour l’automobile, avait pourtant bénéficié d’un gigantesque plan d’investissement de 500 millions d’euros, présenté en grande pompe il y a deux ans à M. Macron, prévoyant le remplacement de la production du fameux modèle Smart, bientôt produit en Chine, par celui de SUV Mercedes électriques à partir de l’automne 2020.
Le constructeur allemand met en avant le choc de la crise sanitaire sur le marché mondial de l’automobile et le besoin d’« optimiser son réseau mondial de production ». Pourtant, les ventes de véhicules Smart sont restées stables. Hambach paye donc les pots cassés sur le marché international… et particulièrement allemand !
A l’échelle locale, une fermeture du site ou une restructuration massive constituerait une catastrophe sociale d’une ampleur exceptionnelle. Avec plus de 1600 salariés (dont les sous-traitants), Smartville est un employeur essentiel d’une région à l’interminable reconversion où le choix stratégique de la mono-industrie, en réaction à la fermeture des houillères, montre régulièrement ses limites.
Cynisme ultime, les employés avaient consenti en 2015 lors d’une consultation à un rallongement de la durée de travail à 39 heures, payées 37. Pressentant, à juste titre, un enjeu d’ampleur nationale, M. Le Maire a rapidement réagi en demandant au groupe allemand de « garder toutes les options sur la table ».
Un futur épisode florangeois pour le président Macron ? L’enjeu est cette fois différent : il est franco-allemand, il est européen.
Un fleuron industriel, une future pomme de discorde franco-allemande
Car Smartville n’est pas n’importe quel site industriel. Inauguré en 1997 par Jacques Chirac et Helmut Kohl, il est, selon les dires même de M. Le Maire, un symbole fort de l’amitié franco-allemande et surtout un bijou technologique.
Situé à quelques kilomètres seulement de la frontière, visible depuis l’A4 reliant Metz à Strasbourg, le site était il y a quelques mois encore présenté à des dirigeants de groupes internationaux dans le cadre de la journée Choose France à Versailles. Pour tout recrutement, de l’opérateur à l’ingénieur, la maîtrise de la langue allemande – ou du francique mosellan en raréfaction – y constitue une condition sine qua non. Réunissant sur un même site l’assemblage des véhicules mais également la production des équipements par des fournisseurs allemands (Continental et Mahle Behr), français (Faurecia) et canadien (Magna.), Smartville est un îlot européen au cœur d’une Moselle Est régulièrement tentée par le repli identitaire et eurosceptique.
Si les précédentes crises industrielles en Moselle ont fait l’objet d’un bras de fer – hautement médiatisé – entre les gouvernements français successifs et le groupe mondial ArcelorMittal, fondé par le milliardaire indien Lakshmi Mittal et né d’une OPA de Mittal sur Arcelor en 2006, Daimler est l’un des fleurons de l’automobile allemande et bénéficie d’une grande influence à Berlin comme à Stuttgart.
Aujourd’hui, la reprise par un autre groupe semble improbable au regard de l’incertitude économique et le nouveau gouvernement français pourra difficilement rester frileux face à l’imminence d’un scandale social – et ils seront nombreux dans les mois à venir.
Une nouvelle pomme de discorde entre Berlin et Paris au moment où Angela Merkel et Emmanuel Macron ont affiché il y a une semaine leur désir d’unité à Meseberg.
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