La City, grande perdante du Brexit
Dès le début de l’année 2021, après l’entrée en vigueur du Brexit, la quasi-totalité des transactions sur les actions de sociétés européennes, alors basées à Londres, ont migré sur le continent. Un coup dur pour le marché financier britannique, un chiffre : 30% des transactions sur les titres de sociétés européennes étaient établies à la City. Sur Bloomberg, le patron de la Bourse électronique Aquis, Alasdair Haynes a confirmé la migration de la quasi-totalité (99,6%) des opérations sur les sociétés européennes de la plateforme londonienne à la plateforme parisienne. Un mois après, conséquence directe du phénomène de migration de capitaux, Amsterdam détrône Londres et ravit son statut de première place boursière européenne. Selon les données de la Chicago Board Options Exchange (CBoE), à Londres, 8,6 milliards d’euros sont échangés par jour contre 14,6 milliards au mois de décembre juste avant l’entrée en vigueur du Brexit. Justement ces mêmes opérateurs alternatifs implantés à Londres comme CBoE, Turquoise ou Aquis ont, dans la précipitation, ouvert des plateformes en Europe continentale, entraînant la migration, par effet boule de neige, de la quasi-intégralité des clients, y compris les non-Européens, pour éviter une fragmentation du marché. Au-delà d’une simple perte symbolique, la prise de position au classement européen par Amsterdam a un impact important : les prestataires de services financiers ont payé près de 76 milliards de livres d’impôts l’année dernière. Une forte baisse du nombre de transactions signifie donc une perte pour le Trésor britannique. Qui plus est, la bourse paneuropéenne (Euronext), après avoir présenté les résultats du premier trimestre 2021, a annoncé le rachat choc de Borsa Italiana auprès du London Stock Exchange (LES Group). Le 29 avril 2021, cette opération se solde par un montant de 4,4 milliards d’euros, affaiblissant un peu plus le marché britannique.
Amsterdam, ou l’opportunité
Le Brexit a largement profité au marché néerlandais. La capitale a fait tomber la bourse londonienne de son trône, alors plus grand centre de négociation d’actions d’Europe. Si je vous annonçais plus haut les chiffres en dépression de la capitale britannique, ceux d’Amsterdam prennent un tournant exponentiel. Quatre fois plus qu’en décembre, 9,2 milliards d’euros échangés en moyenne par jour sur Euronext Amsterdam (CBoE NL et Turquoise). Néanmoins, il est opportun de relativiser. En effet, ce phénomène de migration est indirectement imposé par Bruxelles, il n’est pas le fruit de l’attractivité de l’Union. Si de nombreuses entreprises délocalisent de Londres à Amsterdam, c’est en partie en raison de l’interdiction européenne, imposée aux institutions financières basées dans l’UE, de commercer au Royaume-Uni. Selon Bruxelles, depuis le Brexit, les bourses et les plateformes britanniques ne sont plus en phase avec les normes et la réglementation européenne. Il apparaît que les transactions prohibées par l’UE vont principalement à Amsterdam. Elle est clairement le vainqueur provisoire du Brexit ; même sur le marché de la dette publique et des produits dérivés tels que les swaps, la capitale néerlandaise s’est accaparée l’activité commerciale de son homologue britannique.
Paris et Milan, les outsiders de la course
La capitale financière des Pays-Bas est incontestablement la grande gagnante en raflant la part du lion, toutefois la France n’est pas en reste. Sur la place boursière de la Ville Lumière, Euronext Paris et l’opérateur alternatif Aquis ont enregistré des volumes quotidiens supérieurs à 6 milliards d’euros, soit plus d’une fois et demi leur niveau de décembre, se hissant ainsi sur la troisième marche du podium, en devançant même le rival Francfort. Plus encore, les ambitions du français sont clairement affichées. Bruno Le Maire, Ministre de l’économie, martelait sur les ondes d’Europe 1 que « Paris [allait] devenir la première place financière » d’Europe. Comment expliquer cette prédiction ? Le ministre se base sans doute sur les prévisions de délocalisation des entreprises londoniennes vers Paris. Environ 4 000 emplois directs pourraient ainsi s’installer en France. La raison découle du fait que la capitale française détient une image de première puissance continentale, la Londres du continent. Cet effet donne confiance aux acteurs du marché et aux clients, comme l’explique Arnaud de Bresson, fondateur de Paris Europlace. Autre réalité concrète, à l’annonce du résultat du référendum de sortie de l’UE, en 2016, les banques d’affaires HSBC, JP Morgan, Morgan Stanley et, dans une moindre mesure, Goldman Sachs ont annoncé une augmentation de leurs effectifs parisiens. Ceci dit, ces annonces visent à répondre à la demande du marché parisien, or aucune de ces banques n’a annoncé de transfert d’activités depuis Londres. Avec le rachat de Borsa Italiana, Euronext marque un coup fort. D’abord, elle annonce son ambition d’investir sur le marché italien. Ensuite, elle affaiblit la London Stock Exchange alors détentrice de la Borsa. Euronext intégrera dorénavant les résultats de Borsa Italiana. Stables au premier trimestre avec 124,1 millions de chiffre d’affaires pour un Ebitda (bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement dit BAIIA) en hausse de 3,4% à 76,8 millions (61,9% de marge), Euronext devient l’un des leaders du marché. L’ensemble Euronext-Borsa Italiana s’impose en maître sur le marché primaire d’actions d’Europe avec 5 100 milliards de capitalisation boursière. L’installation des locaux d’Euronext-Borsa Italiana se fera à Bergame, dans la périphérie de Milan, marquant la volonté d’investir dans une Italie devenue le premier pays contributeur à son chiffre d’affaires. Bonne nouvelle pour la ville, puisque cette installation entraîne de facto la migration du centre de données du groupe de Basildon (Londres) à Bergame, a priori au deuxième trimestre 2022. Un contrat a d’ailleurs été signé avec la société italienne Aruba, fleuron du numérique italien, qui a construit le plus grand centre de données cloud d’Italie sur les 200 000 m2 d’une ancienne usine de coton.
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