AstraZeneca VS Commission européenne : Dommage collatéral du Brexit ?

, par Sébastien Huot

AstraZeneca VS Commission européenne : Dommage collatéral du Brexit ?

Alors qu’en France la vaccination pour tous est effective à partir du 31 mai, beaucoup s’interrogent sur la suspension des commandes du vaccin produit par le groupe pharmaceutique Suédo-Britannique. Le Taurillon vous propose une analyse de ce qui apparaît dès lors comme une crise politique qui ne dit pas son nom. Mais d’abord faisons un point sur l’Etat de la vaccination dans l’UE.

Petit tour d’horizon de la vaccination au sein de l’Union

Depuis le début de la pandémie de Covid-19, plus d’un million d’Européen.nes sont décédé.es avec en tête des pays les plus endeuillésle Royaume-Uni (127 865), l’Italie (122 833) et la France (106 553). Alors que les pays d’Europe rouvrent progressivement terrasses de café, cinémas et autres lieux de cultures, les 27 Etats membres de l’UE se sont mis d’accord sur l’adoption d’un pass sanitaire qui doit être soumis au vote du parlement européen lors de la plénière du 7 au 10 juin, avant sa mise en application dès le 1er juillet. Ainsi, qu’en est-il de la vaccination en Europe ?

Au 14 avril 2021, le cap des 100 millions d’Européen.nes vaccinné.es a été franchis, témoignant de l’accélération de la vaccination, ce dont s’est félicitée la présidente de la Commission européenne, Ursula Von Der Leyen : “Je suis heureuse de pouvoir annoncer que nous avons aujourd’hui franchi le cap des 100 millions de vaccinations dans l’UE”.

Cette dernière a ajouté espérer atteindre les 70% d’adultes vaccinés au sein de l’Union : “Plus vite nous atteindrons notre objectif de vaccination de 70 % des adultes dans l’Union européenne, plus nous aurons de chances de contenir le virus”. Enfin, si des négociations sont en cours avec le laboratoire BioNTech-Pfizer pour signer un troisième contrat prévoyant la livraison d’1,8 milliards de doses supplémentaires d’ici 2023, les interrogations demeurent sur le litige opposant la Commission européenne et AstraZeneca.

Genèse d’un désaccord

Le 26 avril dernier, la Commission européenne a intenté une action en justice contre le groupe pharmaceutique pour non-respect des délais de livraison des vaccins. En effet, l’entreprise n’aurait livré que 30 millions de doses contre 120 initialement prévues. Or, pour bien comprendre, revenons quelques mois en arrières.

Le 7 décembre 2020, le Royaume-Uni annonce la première campagne de vaccination en Europe ; le 29 janvier 2021, la Commission valide la mise sur le marché du vaccin AstraZeneca. Toutefois, depuis décembre, aucune dose AstraZeneca n’a voyagé depuis le Royaume-Uni vers l’UE alors que 21 millions de doses, produites en grande partie par les laboratoires Pfizer ont été exportés de l’UE vers le Royaume-Uni qui a vacciné en l’espace de deux mois 31 millions de ses sujets, le calcul est assez simple. De ce fait l’Europe s’estime lésée et accuse ses voisins d’Outre-Manche d’avoir non seulement priorisé les Britanniques mais surtout, d’avoir sciemment bloqué la livraison de vaccins.

En conséquence, les Européens se sont dotés d’un nouvel outil permettant de bloquer les exportations de doses vers les pays qui garderaient pour eux les vaccins produits sur leur territoire comme cela semble être le cas du Royaume-Uni. Paradoxalement, ce mécanisme de transparence a été appliqué pour la première fois pour bloquer l’exportation de 250 000 doses du vaccin AstraZeneca le 26 février de l’Italie vers l’Australie, membre du Commonwealth.

Néanmoins, si les problèmes de logistique et de livraisons semblent être une des raisons du contentieux entre l’Europe des 27 et le Royaume-Uni, la justification quant à la suspension de l’administration du vaccin AstraZeneca se portent notamment sur des raisons médicales.

Des morts et beaucoup de questions

Selon une étude française publiée le 16 avril 2021 dans le European respiratory journal, des chercheurs ont tenté d’évaluer le risque de thrombose après vaccination. Un thrombus est un caillot sanguin qui peut se former dans une artère ou une veine. Ce caillot résulte d’un trouble de la coagulation et empêche le sang de circuler normalement, pouvant causer de graves complications. Selon le vaisseau sanguin affecté, on parle de thrombose artérielle ou veineuse.

Utilisant des données internationales de pharmacovigilance, il ressort de cette étude que le taux de notification thrombotique, c’est-à-dire du risque d’effets indésirables post-vaccination, sont très rares. En effet, les chercheurs se sont basés sur les données Vigibase du centre collaborateur de l’OMS collectées entre le 13 décembre 2020 et le 16 janvier 2021.

Au total, 2161 événements thrombotiques ont été rapportés, dont 1197 notifications pour le vaccin de Pfizer, 325 pour celui de Moderna et 639 pour celui d’AstraZeneca, sur une période de 94 jours. A cela, il faut ajouter que seul 23 cas de thromboses rares et seulement 8 décès sur 2,7 millions d’injections en France. Il s’agit pour l’essentiel de cas de thromboses veineuses cérébrales et/ou des thromboses digestives ainsi que deux cas de coagulations intravasculaires disséminées (CIVD) isolées.

Mais alors quel est l’âge moyen des personnes développant des cas de thromboses et pourquoi tant de défiance ?

Entre le 2 et le 8 avril, 9 nouveaux cas de thrombose ont été rapporté par l’Agence française de sécurité du médicament via un communiqué. Ces formes atypiques de thrombose ont été repérées sur des patients dont l’âge moyen est de 62 ans. Or, depuis le 19 mars, le vaccin AstraZeneca n’est plus administré aux patients âgés de moins de 55 ans.

De fait, s’il subsiste encore un doute chez nos concitoyen.nes, il n’y aurait pas plus de risque de thrombose chez les plus jeunes selon le Pharmacovigilance Risk Assessment Committee (PRAC) de l’Agence européenne du médicament qui, dans un avis rendu le 18 mars 2021 a déclaré « qu’il n’y a pas d’augmentation du risque global d’évènements thromboemboliques chez les personnes vaccinées par le vaccin AstraZeneca et que les avantages de ce vaccin dans la lutte contre la Covid-19 continuent de l’emporter sur le risque d’effets indésirables. Le PRAC estime que le nombre global d’événements thromboemboliques rapportés après la vaccination est inférieur à celui attendu dans la population générale. »

Suspension du vaccin : Une décision purement sanitaire ?

Lors d’une interview sur le plateau de France info le 19 mai dernier, la ministre française déléguée chargée de l’industrie Agnès Pannier-Runacher a déclaré que « le vaccin AstraZeneca sera de moins en moins utile ». Pour la ministre, les nombreux retards de livraisons additionnés aux rares effets indésirables graves ainsi que les doutes relatifs à l’efficacité du vaccin n’ont cessé de ternir l’image d’AstraZeneca.

Toujours selon la ministre, Ce vaccin aurait de moins en moins de succès contre la Covid-19. Par conséquent, certains médecins généralistes ne le proposeraient même plus à leur patients. Il convient toutefois de souligner le paradoxe de ces propos lorsque l’on sait qu’il y a près de deux millions de doses non utilisées dans les cabinets de nos médecins généralistes et que nombre d’entre eux se disent en colère alors même que le gouvernement français se félicite de l’accélération de la vaccination.

Par ailleurs le 11 mai 2021, le Premier ministre français, Jean Castex, a appelé les Françaises et les Français à se faire vacciner avec de l’AstraZeneca déclarant sur le plateau de France 2 : « J’espère qu’on va les écouler ». Cependant, si le haro semble avoir été lancé pour la vaccination à tout prix, la méfiance vis-à-vis du vaccin suédo-britannique semble bien prononcée et d’aucun diront que le mal est fait.

Enfin, il convient de s’intéresser aux bénéfices générés par ces géants pharmaceutiques. En effet, sur les trois premiers mois de 2021, le groupe américain Pfizer, en partenariat avec l’allemand BioNtech, a généré un chiffre d’affaires de 3,5 milliards de dollars (2,9 milliards d’euros).

Son compatriote Moderna quant à lui, compte gagner 18 milliards de dollars en 2021. De son côté, les ventes estimées de vaccins AstraZeneca sur le premier trimestre 2021, représentent 275 millions de dollars et ce malgré son image récente. Faut-il donc n’y voir qu’une question de santé ? A vous d’en juger.

Une suspension qui provoque la colère des médecins généralistes

Le moins que l’on puisse dire c’est que cette communication de nos gouvernants n’est faite ni pour nous rassurer ni pour atténuer la grogne de nos soignants. Un exemple illustre parfaitement cette situation ubuesque vis-à-vis de l’administration des doses AstraZeneca.

Le 19 avril, Patrick Vogt, un médecin généraliste de Mulhouse, a partagé sur les réseaux sociaux une vidéo où il se voit contraint de jeter un flacon faute de preneurs. En tout, quatre doses ont été perdues ce jour-là. Allant « de désinformation en reculades » pour reprendre ses propres termes, le médecin généraliste s’insurge du traitement réservé à ce vaccin considéré comme un danger et qu’il considère comme « une arme thérapeutique majeure ».

Parallèlement, dans un article publié par France Info le 19 avril 2021, le professeur Mathieu Molimard, chef du service de Pharmacologie du CHU de Bordeaux, revenait sur le faible risque de développer une thrombose après injection du vaccin. Un risque de « 1 cas pour 100.000 patients traités » selon ses propres termes.

Une seule solution : la vaccination

Cet article n’est en rien un article médical, pas plus qu’un pamphlet politique mais tout simplement une mise en lumière d’un problème qui nous concerne toutes et tous. Nous le savons, dans le but de retrouver un semblant de vie normal, il est impératif non seulement de continuer à pratiquer les geste barrières mais également de nous vacciner afin d’atteindre l’immunité collective, il en va de notre santé.

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