Source : Eurostat – Janvier 2019
Source : Eurostat
Alors, qu’en est-il de ce programme trois ans et demi plus tard ? Ce plan d’investissement a-t-il tenu ses promesses ?
En quoi consiste le Plan Juncker ?
Rappelons tout d’abord que le « Plan Juncker », d’après le nom du président de la Commission européenne qui l’a initié, se compose de trois volets :
- Le Fonds Européen pour les Investissements Stratégiques (qui doit soutenir les projets risqués qui ont d’habitude difficilement accès à un financement),
- La création d’une plateforme de conseil et de soutien à l’investissement pour les porteurs de projet (European Investment Advisory Hub), et
- L’amélioration de l’environnement économique pour les entreprises (qui consiste notamment pour la Commission à réduire la charge règlementaire qui pèse sur l’investissement de ces dernières).
L’Union européenne a donc confié à la Banque européenne d’investissement (BEI) un paquet de 21 milliards d’Euros de garantie provenant du budget de l’UE ; garantie dont « la Banque de l’UE », comme elle aime à se surnommer, s’est servie pour prêter directement à des porteurs de projet ou indirectement via des intermédiaires financiers, et qu’elle a complété par 5 milliards d’Euros de ses propres réserves. Ceci dans le but de faciliter la levée de fonds pour les projets dits risqués, et permettre aux petites et moyennes entreprises d’obtenir des prêts à des taux plus avantageux auprès des banques commerciales partenaires du Groupe BEI*.
L’objectif semble atteint…
D’après les derniers chiffres publiés par la Banque Européenne d’Investissement, le FEIS aurait permis de réaliser 371,2 milliards d’Euros d’investissement au sein de l’Union européenne depuis sa création. Toujours d’après la BEI, à ce jour, les Etats membres ayant le plus bénéficié du FEIS sont la Grèce, l’Estonie, le Portugal, l’Espagne et la Lituanie. Ce fonds cible et soutient prioritairement les petites et moyennes entreprises, ainsi que les projets de recherche, développement et innovation (RDI), et des projets dans les domaines de l’énergie, du digital et des transports.
Source : Commission européenne – Janvier 2019
Attention, il est toutefois nécessaire de prendre ces chiffres avec du recul et de lire entre les lignes pour bien comprendre leur signification. En effet, dire que le FEIS a permis de mobiliser plus de 370 milliards d’Euros d’investissement au 11 décembre 2018 ne veut pas dire que l’Union européenne a investi elle-même directement tous ces milliards. Non, il faut comprendre que ce chiffre est obtenu après un calcul savant qui détermine l’ « effet multiplicateur » de l’investissement de l’Union auprès des acteurs économiques : 1 Euro dépensé par la Commission devait produire 15 Euros d’investissement.
Après avoir été critiqué, le Vice-Président de la Commission Jyrki Katainen se félicite aujourd’hui de la réussite de ce plan d’investissement. Si vous avez la curiosité de taper « Plan Juncker » ou « FEIS » dans un moteur de recherche, vous tomberez sûrement sur ces chiffres et ces graphiques très colorés de la Commission européenne et de la Banque Européenne d’Investissement tentant de vous démontrer que « oui, le FEIS ça fonctionne » ! Mais qu’en est-il vraiment ?
…mais qu’en est-il vraiment ?
Il est vrai que le FEIS a connu des débuts difficiles. Dans un rapport de novembre 2016 faisant une première évaluation du FEIS, la Cour des comptes de l’Union européenne soulignait que l’effet multiplicateur escompté par ses concepteurs avait peut-être été quelque peu exagéré. Les parlementaires européens notaient également dans un rapport en mai 2017 l’inégale répartition des projets soutenus entre les différents Etats membres et le manque de diversification des secteurs financés, notamment en ce qui concerne la cohésion sociale et territoriale.
Le groupe de réflexion Bruegel s’était également essayé à évaluer l’efficacité réelle du FEIS un an après sa mise en place. Il en avait conclu que sur les 55 projets approuvés à l’époque, seulement un apparaissait réellement différent et plus risqué que ce que la BEI avait l’habitude de financer, posant ainsi la question de la réelle valeur ajoutée du FEIS par rapport aux possibilités d’investissement déjà disponibles.
Comme le rapporte Euractiv, plusieurs ONG environnementales ont pointé du doigt le fait que le Plan Juncker finance des projets d’énergies renouvelables et d’efficacité énergétique mais continue de soutenir des projets de développement d’énergies fossiles.
En conclusion, nous pouvons tirer un bilan mitigé du Plan Juncker. Il semble que le FEIS porte ses fruits et ait permis la création de nouveaux emplois et le développement de nouveaux secteurs d’activité dans le domaine de l’innovation, du numérique ou encore de l’énergie. Le taux de chômage au sein de l’Union européenne a atteint son niveau le plus bas en novembre 2018 depuis 2008. Reste à évaluer dans quelle mesure ce programme a contribué à cette baisse, et à savoir s’il tiendra ses promesses jusqu’au bout et génèrera les 500 milliards d’Euros d’investissement escomptés d’ici à 2020.
Source : Eurostat – Janvier 2019
Toutefois, une étude plus approfondie des projets soutenus jusqu’à aujourd’hui sera nécessaire pour observer si la BEI a réellement eu une activité plus risquée entre 2014 et 2020, comme le Plan Juncker le prévoyait, et si l’effet multiplicateur a été aussi important que prévu. Enfin, une limite importante du programme d’investissement est le fait qu’il ne se soit pas tout de suite mis en adéquation avec les objectifs européens en matière climatique (pourtant inscrits dans son règlement), et pas assez concentré sur le financement de la transition écologique. Espérons que la Commission va rectifié le tir comme elle l’avait annoncé en décembre 2017, avec le programme "InvestEU" en lieu et place du FEIS. Ce nouveau programme doit s’inscrire dans les traces de son prédécesseur et poursuivre le soutien à l’investissement durable dans l’Union pour la période 2021-2027.
1. Le 27 janvier 2019 à 12:44, par Bernard Giroud En réponse à : Bilan de la Commission Juncker - 3 ans après : le « Plan Juncker » a-t-il fonctionné ?
Il arrivera peut-être un jour que le ciel nous pourvoira d’un grand homme ayant la dimension du continent à construire notre sécurité. Mobiliser 1,3 pour mille du montant du PIB de l’UE pour ce qui devrait être le développement de notre maison commune, donne la mesure du« prince » Luxembourgeois. Décidément, il faut bien changer quelque chose dans ce système ronflant d’autosatisfaction. Quelle école !
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