Calendrier électoral chargé en Europe en octobre ! Trois semaines avant des présidentielles en Slovénie, une semaine avant des présidentielles en Autriche, le même jour que des législatives en Bulgarie (les quatrièmes en moins de deux ans…) et le lendemain de législatives en Lettonie, ce sont les Bosniens qui étaient appelés aux urnes pour renouveler la Chambre des représentants, Predsatvnički Dom, chambre basse du Parlement local.
La Bosnie-Herzégovine, ce maelstrom institutionnel
On ne le répétera jamais assez : la Bosnie-Herzégovine est l’État avec la structure institutionnelle et constitutionnelle la plus complexe au monde, élaborée dans la ville de Dayton aux États-Unis à l’été 1995 dans un objectif d’assurer une égalité et une stabilité à ce pays déchiré et ensanglanté par la Guerre en Ex-Yougoslavie. Soyons le plus clair possible. La Bosnie-Herzégovine est une fédération composée de deux entités : la République serbe de Bosnie (RSB) ou République de Srpska, qui rassemble, comme son nom l’indique, les Serbes de Bosnie, au Nord et à l’Est du pays et la Fédération de Bosnie-et-Herzégovine qui regroupe les Croates de Bosnie et les Bosniaques. Les habitants du pays sont donc les Bosniens, parmi lesquels on trouve des Bosniaques, à majorité musulmane. À ces deux blocs, il faut adjoindre le District de Brčko (prononcez „Bretchko“), au Nord-Est du pays, à cheval des deux autres entités. Les électeurs de ce confetti „ni-ni“ ont d’ailleurs le choix de s’inscrire électoralement dans l’une ou l’autre de ses voisins fédérés. De plus, comme sur le modèle suisse, la présidence est collégiale et tournante. Les trois communautés (Bosniaque, Croate, Serbe) sont représentées et assurent la présidence du pays pendant deux périodes de 8 mois chacun, durant leur mandat de 4 ans. La Chambre des représentants est composée de 42 membres : 28 issus de la Fédération croato-bosniaque (dont 21 élus dans les 5 circonscriptions et 7 au niveau fédéré) et 14 de la république de Srpska (dont 9 élus dans les 3 circonscriptions et 5 au niveau fédéré). Reprenez votre respiration. À l’issue de ce scrutin, au niveau bosnien, le Parti d’Action démocratique (SDA, centre-droit, nationaliste bosniaque) se fait chiper la première place, totalisant 14,9% des voix et 9 élus. C’est l’Alliance des Sociaux-démocrates indépendants (SNSD) du dissident Milorad Dodik qui parvient en tête en comptabilisant presque 18 % des voix au niveau fédéral et s’assure 6 sièges. Les électeurs ont donc finalement été assez réceptifs à ses discours sécessionnistes, puisqu’en 2018 16% des électeurs leur avait accordé 6 strapontins. Côté serbe encore, les nationaux-conservateurs perdent des voix, ils obtiennent 7,8% des suffrages et 3 sièges. À gauche, les résultats des socio-démocrates du Parti social-démocrate (SDP) et du Front démocratique (DF, fédéraliste) s’effritent également obtiennent respectivement 5 et 3 sièges. L’alliance conservatrice croate HDZ-BiH se stabilise autour de 9,5% et garde ses 5 représentants. Pas de difficultés à composer le gouvernement, malgré un réel éclatement des sièges parlementaires, puisque les principaux partis disposent obligatoirement de portefeuilles ministériels. Du côté des présidentielles, le modéré anti-nationaliste bosniaque Denis Bećirović bat le sortant conservateur Bakir Itzebegović, la conservatrice croate Borjan Krišto bat le sortant social-démocrate Željko Komšić (condition sine qua non d’une part de la minorité croate pour ne pas bloquer les institutions), et la séparatiste serbe Željka Cvijanović, du même parti que Milorad Dodik, conserve son poste. Le collège présidentiel du pays sera ainsi composé de deux femmes, une première.
Les dernières élections de la Bosnie-Herzégovine ?
Comme souvent dans ce petit État habitué aux conflits larvés et aux tensions interethniques, ces élections se déroulent dans un climat doublement dangereux. Tout d’abord, le dirigeant serbe Milorad Dodik entretient depuis deux ans un discours véhément et hostile à l’encontre de Sarajevo, il est favorable désormais à une sécession pure et simple de la république de Srpska. Le 4 décembre 2021, le parlement local a d’ailleurs adopté une loi qui a préparé le baril de poudre et la mèche qui va avec. Les législateurs demandent ainsi aux autorités de Banja Luka, la capitale de la RSB, de quitter les institutions fédérales de l’armée, de la justice et des impôts, et ce dans un délai de 6 mois, demandant de fait la désintégration de la Bosnie-Herzégovine. Depuis, aucune action en ce sens n’a été entreprise. Le poste Haut représentant international pour la Bosnie-Herzégovine est directement issu des accords de Dayton signés à Paris en 1995. Il est chargé de faire respecter ces accords et a un pouvoir politique large : il peut notamment imposer des mesures à l’Assemblée élue ou révoquer des responsables locaux. L’actuel locataire, l’Allemand Christian Schmidt, souhaitait aligner le droit bosnien à une décision de la Cour européenne des Droits de l’Homme (CEDH) et notamment sa Constitution pour lever l’interdiction faite à certaines minorités notamment rom et juive d’être candidats à la présidence collective du pays. Les forces nationalistes radicales du pays, et elles ne manquent pas, se sont rapidement saisies de cette opportunité pour dérouler leur discours hostile au pouvoir central de Sarajevo et jouer avec le feu des tensions interethniques, comme d’habitude. Signe des temps, les Bosniens, peu habitués aux manifestations, sont descendus dans les rues pour exprimer leur colère. Notons toutefois que le timing d’une réforme électorale à trois mois d’un scrutin électoral, aura été peu prudent voire irréfléchi.
1. Le 5 octobre 2022 à 17:58, par Lalliot En réponse à : Bosnie-Herzégovine : des législatives pour quel pays ?
Très très difficile ce sujet .. combien de temps faudra-t-il pour que ces différents pays puissent intégrer l’Europe .. l’Europe d’aujourd’hui à t’elle envie de cette intégration ? Ce serait plus que intéressant avec Poutine et ses envies de domination ! Bravo Alexis très enrichissant de te lire .. à faire partager un maximum aux jeunes lycéens .. et aussi aux générations , non convaincues du bien-fondé de l’Europe .. bravo
2. Le 12 octobre 2022 à 16:55, par EM En réponse à : Bosnie-Herzégovine : des législatives pour quel pays ?
Bonjour
En France je lis souvent que la Bosnie et Herzégovine est une fédération. Or, ceci est inexacte.
La Bosnie et Herzégovine est une République unitaire dont la constitution de 1945 a été complétée par les accords dits de Dayton de 1995 et prévoyant le transfert de certains pouvoirs de l’Etat de Bosnie et J’Herzegovine vers ses trois régions : Rs, FBih et Brcko.
C’est l’inverse d’une fédération où les états transfèrent leur pouvoir vers un un État commun qui les fédère.
Quand c’est Wikipedia ou les journalistes qui commettent l’erreur, je peux le comprendre. Mais quand c’est un juriste ou un site officiel du gouvernement, ca devient plus problématique.
J’estimais utile de vous prévenir.
Bien à vous
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