Bruxelles esquisse les grandes lignes de l’espace unique de données

, par Léo Allaire

Bruxelles esquisse les grandes lignes de l'espace unique de données
Il s’agit d’un sujet sensible pour les années à venir. Image par Yan Wong de Pixabay

Alors que le numérique prend une place croissante dans notre quotidien et dans l’économie mondiale, la Commission européenne a dévoilé le 19 février 2020 sa stratégie en matière de données.

C’est dans un document intitulé « Façonner l’avenir numérique de l’Europe », rendu public le 19 février 2020 que l’esquisse d’un espace unique de données à l’échelle européenne est présentée. La Commission européenne y détaille des propositions et mesures ambitieuses pour faire de l’Europe un continent leader en la matière et compétitif sur les plans économique et technologique. Le champ est vaste puisque les données peuvent potentiellement être utilisées par des entreprises privées, par des services et administrations publics, par des ONG, associations et bien sûr par des particuliers.

Ces ambitions portent à la fois sur la protection et sur l’utilisation des informations numériques. Les propositions de ce rapport reposent sur deux constats. Tout d’abord, l’Union européenne dispose bien des compétences et des technologies pour réussir, mais manque cependant de coordination pour être efficace. De plus, de nombreuses données demeurent inutilisées et donc inexploitées au sein de l’Union européenne.

La question du modèle choisi pour faire face à cet enjeu est importante. Entre le modèle qui a été choisi par les Etats-Unis, à savoir l’hyper concentration des acteurs de l’industrie des données dûe au modèle économique en très large partie centré sur les acteurs privés d’une part et la place très importante de l’état dans le modèle chinois d’autre part, la Commission européenne choisit un équilibre entre liberté, intervention publique et protection.

Un seul espace, bien protégé

En ce qui concerne la protection des données, la Commission souhaite s’appuyer sur le RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données) mis en place sous la présidence de Jean-Claude Juncker. Le RGPD est en effet actuellement un standard dans le monde pour la question de la protection des éléments à caractère personnel. Mais la Commission souhaite également renforcer la réglementation en ce qui concerne un secteur du numérique très gourmand à ce propos, le cloud. L’objectif est également de mettre en place une liste de pays qui respectent un certain nombre de standards en matière de protection des données, en ne refusant pas des échanges d’informations avec des pays tiers sur certains domaines régaliens à condition de respecter les lois européennes. La Commission annonce souhaiter continuer à travailler dans le sens de l’amélioration de la protection pour les Européens en légiférant si besoin, ou en s’appuyant sur l’existant.

L’objectif central de la Commission est donc de créer un espace unique des données au sein de l’Union européenne. Qu’est-ce-que cela signifierait exactement ? Cela implique en fait la création d’un espace européen dans laquelle les données, notamment à caractère non personnel, produites par les entreprises privées et les administrations publiques par exemple circulent librement, et peuvent être utilisées partout. Cela présenterait d’après la Commission de nombreux avantages à la fois pour les services publics, mais aussi pour les entreprises privées, les associations et les citoyens.

En effet, la Commission souhaite vouloir créer des plateformes de cloud accessibles à tous les acteurs européens. Le développement de l’interopérabilité, c’est-à-dire la capacité du matériel, de logiciels ou de protocoles différents à fonctionner ensemble et à échanger des informations, est central dans cette logique. Le but de cet espace serait donc de réduire les barrières en matière de législation, donc de l’unifier, et par conséquent de créer des standards européens en la matière afin de positionner l’Europe comme acteur majeur et même leader de ce secteur. Ceci en unifiant bien sûr les forces des pays européens que sont les savoirs-faire, les infrastructures (même si elles sont encore à développer face à la concurrence des Etats-Unis et de la Chine) et les projets.

Le volet de la cybersécurité est également mentionné par le document. Là aussi, la Commission souhaite s’appuyer sur le travail effectué précédemment. Ces mécanismes vont continuer à être améliorés et à être soutenus. Pour cela, l’Union européenne s’appuiera sur le cadre de certification de l’UE en matière de cybersécurité d’une part et sur l’Agence de l’Union européenne pour la cybersécurité (ENISA).

Sortir le porte-monnaie

L’un des piliers de cette stratégie est l’investissement. En effet, l’Union européenne doit rattraper son retard et ne pas hésiter à augmenter les dépenses alors que les concurrents internationaux sont parfois plus avancés. La Commission européenne propose ainsi de mettre sur la table deux milliards d’euros pour ce qui concerne le développement du cloud. Elle souhaite également que les Etats membres et les acteurs privés participent à cet effort, et vise à investir dans les compétences des individus et des entreprises.

On peut en conséquence remarquer que la création de cet espace unique des données aura très vraisemblablement des conséquences concrètes majeures en matière de sécurité : les services de sécurité pourraient par exemple coopérer de manière plus efficace, les informations pourraient également être utilisées dans le cadre de la transition écologique. D’ailleurs, l’objectif environnemental pour ce qui concerne la production ou la consommation de données est de rendre les datacenters neutres en carbone d’ici 2030. Le secteur de la santé est également concerné par cette stratégie sur les données personnelles. Ce domaine fait d’ailleurs l’objet, comme un certain nombre de secteurs spécifiques, de mesures particulières qui auront leur importance pour traiter des crises d’ampleur, par exemple du COVID-19.

La Commission d’Ursula Von der Leyen a donc choisi d’utiliser énormément d’outils juridiques, économiques et budgétaires pour créer cet espace unique. Si cette création dans l’Union européenne a du sens, il faudra être particulièrement vigilant sur la question de la protection des données et de l’utilisation qui en sera faite. Ce vaste chantier, dont le travail s’étend de 2020 à 2027, et dont les actions concrètes démarrent de manière intensive dès cette année, est très ambitieux. Le numérique a donc un bel avenir devant lui, avec des opportunités, mais également avec des risques potentiels. La mobilisation des politiques, mais aussi des ONG et des citoyens est donc primordiale pour que le projet se fasse dans de bonnes conditions.

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