Christiane Taubira lâche le gros mot du fédéralisme

, par Jérôme Quéré

Christiane Taubira lâche le gros mot du fédéralisme

La ministre de la Justice et Viviane Reding, vice-présidente de la Commission européenne, sont allées à la rencontre des Marseillais lors du dialogue eurocitoyen du 14 novembre. En réponse à un citoyen inquiet par la crise économique, Christiane Taubira affirme qu’il a été plus facile de construire la monnaie unique que d’avoir le courage de mettre en place un fédéralisme politique.

Le fédéralisme est-il un gros mot ?

Le gros mot est lâché ! Oui, le fédéralisme semble être encore perçu comme un gros mot en France, selon les termes de la garde des Sceaux. Et pourtant, elle n’a pu s’empêcher de le prononcer au dialogue eurocitoyen à Marseille : il a été plus facile de construire la monnaie unique de l’armer, de la vertébrer que de s’entendre et d’avoir le courage de monter et de mettre en place un dispositif de f... disons les choses y compris les gros mots, un fédéralisme politique qui aurait permis qu’il y ait une politique économique européenne.

Mais que répondre aux citoyens inquiets de la crise économique dont on ne voit pas la fin ? Que dire à celui qui critique la politique d’un euro stable contre vents et marées, alors que les économies des pays de la zone euros sont très divergentes ? On ne peut pas prétendre que la sortie de l’euro arrangera tous les problèmes, mais on ne peut pas non plus soutenir qu’il suffit d’attendre, que cela passera. Le problème n’est pas conjoncturel mais structurel. Le système actuel ne nous a pas permis d’éviter la crise, pourtant d’origine américaine avec la crise des « subprimes ». Le problème vient du fait que l’on a communautarisé la politique monétaire mais non la politique économique, créant un système asymétrique qui n’est pas viable. Et cela, Christiane Taubira l’a bien compris.

Doit on avoir peur de prononcer le mot fédéralisme ? Cela peut sembler être un gros mot pour certains et pourtant, selon un sondage Eurobaromètre Flash, 75% des Français souhaitent qu’en 2020 il existe un véritable gouvernement économique européen, 77% que les États membres de l’UE aient rapproché leurs politiques sociales et 71% qu’ils aient rapproché leurs fiscalités. Mais les politiques français ont encore du mal à adopter ce prisme européen et préfèrent réfléchir au plan national.

Le manque d’implication des politiques français actuels dans l’UE :

Si Christiane Taubira semble avoir compris l’importance de l’UE, ce n’est pas le cas de tout le monde : souvent, les ministres n’étaient pas présent au Conseil [ndlr institution de l’UE réunissant les ministres des États membres] ces dernières années. Il faut que les parlementaires européens et les ministres fassent leur boulot. Viviane Reding n’est pas moins critique envers les eurodéputés français : certains font du travail remarquable, d’autres, je ne les vois jamais.

Ce manque d’implication de certains politiques français, outre que cela soit regrettable au vue de l’intérêt des citoyens qu’ils représentent, mènent également vers de l’incompréhension, voire de l’hypocrisie. Il paraît facile de rendre l’UE responsable de tous les maux, lorsqu’on ne précise pas que l’on est également membre des institutions de l’UE, du conseil européen pour les chefs d’État et de gouvernement, du Conseil de l’UE pour les ministres et du parlement européen pour les eurodéputés. L’écotaxe en est l’illustration. Après avoir soulevé le mécontentement des routiers, on accuse l’UE de l’avoir imposé. Pourtant, la directive concernant ce dispositif l’autorise, mais ne l’impose pas . L’écotaxe est donc un choix national et non européen.

L’UE, une question de rationalité et non de couleur politique :

Le rêve de paix ne suffit plus à justifier la construction européenne. La guerre ne fait plus peur à ceux qui ne l’ont jamais connue. Pourtant, la construction européenne garde toute sa pertinence dans le combat contre le réchauffement climatique, dans la défense du droit des travailleurs et de l’État providence. Ce sont des convictions qui rassemblent les européens et qui devrait leur permettre de parler d’une voix face à nos partenaires commerciaux moins penchés sur ces questions.

L’UE n’est pas une question de couleur politique, comme l’ont bien démontré Viviane Reding, membre de l’Exécutif européen de droite, et Christiane Taubira, figure emblématique de la gauche du gouvernement français, qui se sont montrées complice tout au long du dialogue eurocitoyen. Une cause les a unies : la défense de l’Union européenne prise dans la tourmente d’une crise qui dure. La ministre française a appelé de ses vœux les Français à s’investir plus dans l’UE en clamant : S’il vous plaît allez voter ! C’est important si nous voulons reconstruire l’Europe, la remanier à notre image.

A l’occasion de l’année européenne des citoyens et à la veille des élections européennes du 25 mai 2014, la Commission européenne réalise un grand dialogue citoyen tout au long de l’année. Il se décline en 50 « dialogues avec les citoyens » dans les États membres, en présence de membres de la Commission. En France, la représentation de la Commission s’est concentrée sur Marseille où elle a organisé une série d’événements se clôturant par le dialogue eurocitoyen du 14 novembre en présence de Christiane Taubira et de Viviane Reding. Résumé et podcast de la conférence.

Vos commentaires
  • Le 10 décembre 2013 à 00:48, par Alexandre Marin En réponse à : Christiane Taubira lâche le gros mot du fédéralisme

    Qu’on soutienne ou non sa politique et qu’on soit ou non d’accord avec ses idées, force est de constater que la garde des sceaux est l’une des rares politiques à faire preuve de conviction.

    Contrairement à beaucoup d’autres, elle n’essaye pas de contenter tout le monde par des projets à court terme, mais travaille sur une vision à long terme, tant pour l’Europe que pour la France. C’est cela qui fait d’elle un grand ministre.

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