Bien entendu, le Front national n’est pas le seul parti eurosceptique sur l’échiquier politique français, mais il est de loin le plus dangereux pour les défenseurs de la construction européenne, à l’approche des élections de mai 2014.
Une Europe qui « exige, dicte, fait chanter, fait abdiquer, rend servile, etc. »
Faux : les gouvernements nationaux ont des pouvoirs conséquents au sein de l’UE. Ce sont eux, notamment, qui prennent les décisions au sein du Conseil européen et du Conseil de l’Union Européenne, instances clefs de l’Union. Lorsque la Commission formule des recommandations ou propose des sanctions, elle le fait en conformité avec les traités ratifiés au cours des dernières décennies. Ainsi, si ces traités induisent des obligations, ils procurent aussi des avantages considérables (libre-circulation, monnaie commune, etc.). Si, par exemple, le Traité de Maastricht pose comme critère un déficit annuel inférieur à 3% du PIB et une dette publique qui ne doit pas dépasser 60% du PIB, quoi de plus logique que la Commission contrôle les efforts des Etats pour respecter cet engagement ?
Une Europe ultra-libérale
Faux : L’ultra-libéralisme pourrait, de manière partiellement erronée, s’apparenter à la politique menée par Margaret Thatcher au Royaume-Uni, ou par Ronald Reagan aux Etats-Unis, dans les années 1990. Or, ce n’est absolument pas le cas de l’Union Européenne. Celle-ci met en œuvre, de manière certes incomplète, des politiques visant à protéger le marché intérieur et à assurer une préférence communautaire. Pour cela, elle négocie avec les grandes puissances et prend souvent des positions fermes, comme ce fut le cas dans l’affaire des panneaux solaires chinois. En effet, en juillet dernier, les autorités européennes et chinoises ont conclu un accord sur les exportations de panneaux solaires. Cet accord impose notamment aux entreprises exportatrices « un prix plancher de 0,56 euros par watt de puissance produite et plafonne les ventes chinoises dans l’UE à l’équivalent de 7 gigawatts par an, soit un peu moins de la moitié de la demande européenne ». Aucun Etat n’aurait eu seul la capacité d’imposer un tel accord.
Une Europe anti-démocratique
Faux : d’une part, le Parlement européen est élu au suffrage universel par les citoyens de l’Union, et cela depuis 1979. D’autre part, et c’est une grande innovation du traité de Lisbonne, le président de la Commission européenne sera élu par les parlementaires dès 2014. Ainsi, le nom des candidats à la présidence de la Commission apparaitra sur les bulletins de vote des électeurs, ce qui est une réelle avancée démocratique.
A cela s’ajoute l’existence, encore trop méconnue, de l’Initiative Citoyenne Européenne (ICE). Autre innovation du traité de Lisbonne, elle donne un droit de pétition à un rassemblement d’un million de citoyens de l’Union issus d’au moins un quart des pays membres. Cela étant, et c’est un bémol notable, il est difficile de rassembler ces signatures et la Commission n’est pas contrainte d’en tenir compte. Des progrès sont donc attendus sur ce sujet, mais l’initiative est louable.
Il faut sortir de l’Euro !
Cet appel, maintes fois rappelé dans les communiqués du Front National, aurait des conséquences importantes que l’on ne souligne jamais assez.
Tout d’abord, une sortie de l’euro induirait une hausse immédiate des prix des produits importés, et l’’exemple de l’énergie, pour un pays qui ne produit pas de pétrole, est le plus criant. Cela constituerait, de facto, une baisse considérable du pouvoir d’achat de tous les Français.
De plus, la dette publique devrait être remboursée dans une monnaie dévaluée, ce qui induirait des difficultés de remboursement des 1912, 20 milliards dont la France est débitrice, soit près de 100% de son PIB.
A cela s’ajoute une hausse prévisible de l’inflation. On oublie trop souvent les avantages d’une monnaie stable, c’est-à-dire de savoir que la pièce que l’on possède aujourd’hui nous permettra d’acheter demain le même litre de lait. L’inflation, c’est l’instabilité permanente.
Enfin, et l’argument n’est pas négligeable, la monnaie unique permet d’éviter les fluctuations du taux de change, tout comme de faciliter les déplacements et les transactions dans la zone euro. Ainsi, et bien que des politiques économiques européennes renforcées soient nécessaires, l’euro est un atout dont on aurait tort de se passer.
Voilà, en somme, de quoi à s’interroger sur la pertinence des arguments du Front national. Si l’Europe n’est pas parfaite et nécessite des ajustements importants pour répondre aux attentes des citoyens, elle est loin de correspondre à la description qu’en fait le parti de Marine Le Pen.
Comme l’écrit Jan-Werner Mueller, dans The Guardian, les citoyens européens devraient bien réfléchir avant de voter pour ces partis. Car ils n’auront pas une politique différente, mais simplement la paralysie. Il existe de vraies alternatives, même à l’austérité, et le Parlement européen offre un éventail d’options – de gauche comme de droite – bien plus large que les parlements nationaux. S’il est légitime de vouloir s’opposer d’un point de vue démocratique, il est aussi important de prendre son propre vote au sérieux.
.
1. Le 25 novembre 2013 à 17:48, par ChristianPascal En réponse à : Combattons les clichés véhiculés par le FN !
quelques remarques, de mon point de vue, je trouve ces arguments un peu rapide : « De plus, la dette publique devrait être remboursée dans une monnaie dévaluée, ce qui induirait des difficultés de remboursement des 1912, 20 milliards dont la France est débitrice, soit près de 100% de son PIB. » ... ca n’a pas l’air aussi évident pour tout le monde : Voir par exemple, ci-jointe, une simulation économique d’une dissolution de l’Euro selon différent scénarios, de J.Sapir, Ph.Murer, présentée par la Fondation ResPublica. Et que je sache, ResPublica autour de JP Chevenement, ce n’est pas le Front National ! http://www.fondation-res-publica.org/docs/etude_euro_respublica.pdf Selon les auteurs de l’étude, seulement 15% de la dette devrait être remboursée en Euro. . d’autre part aussi je trouve un peu rapide le paragraphe suivant : « Tout d’abord, une sortie de l’euro induirait une hausse immédiate des prix des produits importés, et l’’exemple de l’énergie, pour un pays qui ne produit pas de pétrole, est le plus criant. Cela constituerait, de facto, une baisse considérable du pouvoir d’achat de tous les Français. » Car oui on peut imaginer, consécutivement à une dévaluation, une Hausse des produits importés mais aussi une relance des exportations et une relance de l’activité... ce qui n’est pas négligeable, puisque aujourd’hui la désindustrialisation de la France, c’est de l’ordre d’une usine par jour, qui ferme... Il est peut-être temps de faire quelque chose, avant que ce ne soit encore pire demain... Je ne vante par le programme du front national, Il y a d’autres partis politiques qui souhaitent une sortie de l’Euro, concertée avec les autres pays si possible, ou à défaut une sortie par l’Article 50. Je trouve juste vos arguments un peu rapides.
2. Le 27 novembre 2013 à 05:31, par VictorLV En réponse à : Combattons les clichés véhiculés par le FN !
La dévaluation d’une monnaie (ici l’euro) favorise en effet les exportations et renchérit le prix des importations (notamment en hydrocarbures). On pourrait donc simplement se dire qu’il suffit de faire marcher la planche à billets, de dévaluer massivement pour rendre nos produits plus compétitifs vis à vis du reste du monde afin d’exporter massivement et tout le monde serait aux anges ! Ce n’est cependant qu’une mesure totalement artificielle qui ne résout en rien les problèmes structurels d’une économie qui souhaite augmenter ses exportations. De plus si nous dévaluons, pourquoi les pays hors zone euros se priveraient-ils de la même opération ? Une guerre des monnaies n’est pas souhaitable, car ce n’est qu’une fuite en avant. Au contraire une monnaie stable devrait nous obliger à travailler sur nos réels points faibles (manque d’investissement, fiscalité appliquée aux PME, formation...)
3. Le 27 novembre 2013 à 22:17, par Xavier C. En réponse à : Combattons les clichés véhiculés par le FN !
Je ne sais pas ce qu’est l’ultra-libéralisme, mais à la critique « Une Europe libérale », ce n’est ni vrai, ni faux. La zone Schengen, le principe de subsidiarité (non-appliqué) et l’indépendance de la BCE (faiblement appliqué) sont des aspects clairement libéraux de l’UE. Le FN ne veut pas de la liberté de Schengen, elle ne veut pas de principe de subsidiarité (c’est une vraie jacobine : tout à l’État central, pas de structure supranationale, pas de décentralisation) et bien entendu elle souhaite une banque centrale à ses ordres pour faire fonctionner la planche à billets.
Sur le reste je vous rejoins.
Le programme du FN en matière économique est l’un des pires. Ils veulent quand même appliquer des recettes 1) qui n’ont jamais produits d’effets positifs sur le long terme et 2) dont certaines sont mêmes utilisées par les puissances en guerre !
Son protectionnisme revient à s’imposer un blocs commercial à soi-même. La planche à billet rappelle les tentatives de Napoléon notamment d’envoyer de la fausse monnaie pour affaiblir les économies de ses ennemis.
La position du FN est explicitement la plus faible : c’est la faute de l’étranger ! On ne peut rien attendre de valable d’eux.
Merci infiniment de rappeler ces quelques arguments de bon sens par rapport à l’euro. Cette monnaie est le plus mauvais bouc-émissaire.
4. Le 28 novembre 2013 à 13:58, par Xavier C. En réponse à : Combattons les clichés véhiculés par le FN !
@ChristianPascal au sujet de la relance des exportations. Et bien avant de produire, il faut importer des matières premières.
Et avant qu’on arrive à produire puis vendre suffisamment à l’étranger... et bien il s’en passe du temps ! Et comment comptez-vous payer votre essence entre-temps ?
La monnaie n’est pas un outil magique.
Suivre les commentaires : |