Construire l’Europe de demain à 17 ans. Entretien avec Gaïa, panéliste de la Conférence sur l’Avenir de l’Europe

, par Florian Pileyre

Construire l'Europe de demain à 17 ans. Entretien avec Gaïa, panéliste de la Conférence sur l'Avenir de l'Europe
Gaïa Periard, 17 ans, panéliste de la Conférence pour l’avenir de l’Europe au Parlement européen à Strasbourg (crédit : Gaïa Periard)

Invasion de l’Ukraine par la Russie, campagne présidentielle française ou encore présidence française du Conseil de l’Union européenne (PFUE), c’est tout un ensemble d’événements qui a éclipsé la tenue, déjà extrêmement timide dans les médias, de la Conférence sur l’avenir de l’Europe (COFOE). Alors même que l’exercice de la COFOE s’apprête à se terminer d’ici quelques mois (au terme de la PFUE initialement), j’ai eu le plaisir d’interroger une jeune panéliste française qui a participé à l’exercice de la COFOE. Plus précisément, Gaïa vient de conclure une participation de 8 mois aux panels de citoyens de la conférence, où 800 européens sélectionnés se sont rencontrés pour proposer des orientations afin de bâtir l’Europe de demain.

Bonjour Gaïa. Pourriez-vous vous présenter très brièvement ?

Je m’appelle Gaïa Periard, j’ai 17 ans, j’habite en Savoie et je suis en première au lycée.

Vous participez donc aux panels de citoyens européens sélectionnés pour l’exercice démocratique de la Conférence sur l’avenir de l’Europe (COFOE), comment est-ce que vous présenteriez la COFOE et les panels de citoyens à une personne qui n’en aurait jamais entendu parler ?

Je lui dirais que la COFOE est un évènement où des centaines de personnes de nationalités, d’âges et de milieux différents, venues de tous les pays de l’Union européenne se retrouvent pour discuter, débattre et trouver des solutions pour bâtir l’avenir de l’Europe. Les sujets abordés peuvent être la culture, le sport, l’écologie ou l’économie entre autres. Tous ces sujets sont dispersés dans 4 panels distincts. Aux termes de ces débats et réunions, chaque panel propose une liste de recommandations à partir desquelles les institutions européennes devront s’appuyer au moment d’édicter de nouvelles lois et politiques européennes.

Pourriez-vous nous décrire le processus qui vous a amené à participer à cet exercice de démocratie participative ?

C’est un centre de sondage qui m’a appelé. Au début, je ne comprenais pas très bien et je pensais même qu’il s’agissait d’une pub ! Et c’est d’ailleurs ce qu’ont pensé la plupart des panélistes au départ. Ils m’ont présenté le déroulement et les enjeux de l’événement de la COFOE. Cela restait tout de même assez flou pour moi et je ne comptais pas vraiment y participer. Mais après en avoir discuté avec ma mère et une amie qui sont bien plus aux faits de l’actualité et des sujets européens, j’ai choisi d’accepter. Finalement, je me suis rendu compte que même si les sujets européens ne sont pas forcément l’un de mes centres intérêts, une telle expérience ne pouvait qu’être du bonus et cela pouvait justement susciter mon intérêt pour des sujets auxquels je ne me serai jamais intéressée par moi-même.

Quel(le) a été votre réaction/état d’esprit à l’annonce de votre sélection parmi les 800 panélistes européens ?

J’ai été très surprise tout d’abord de ma sélection. Puis j’appréhendais énormément, c’est un évènement important avec beaucoup de personnes. Alors, c’est vrai que j’avais au début très peur et je ne savais pas du tout à quoi m’attendre.

Aviez-vous un lien particulier avec l’Europe jusque-là (origines, voyages en Europe, intérêt pour l’UE) ou pas du tout ?

J’avais voyagé quelques fois en l’Europe auparavant, mais je n’y ai pas d’attache particulière et n’y porte pas d’intérêt particulier. Les institutions sont quelque chose de très vaste et lointain pour moi, je ne suis pas vraiment renseigné dessus.

Ils existent quatre panels de citoyens composés de 200 citoyens, chacun a une thématique bien définie, à quel groupe thématique participez-vous ? L’avez-vous choisi personnellement, ou est-ce aléatoire ? Si oui, pourquoi ?

J’ai participé au panel 1 [qui s’intitule « pour une économie plus forte, la justice sociale, l’emploi et l’éducation, la jeunesse, la culture, les sports et la transformation numérique  »]. Je n’ai pas eu l’occasion de choisir pour quel sujet j’allais travailler. Il me semble que la répartition était aléatoire pour permettre une homogénéité des personnes et de leurs connaissances. Il fallait bien sûr des gens qualifiés sur le sujet mais aussi des personnes qui n’y connaissent pas grand-chose pour que cela puisse représenter l’entièreté des citoyens de l’Union européenne et permettre une prise de décision relativement neutre.

Beaucoup de sujets ont été évoqués. Je me suis plus particulièrement intéressée au sujet du numérique, notamment parce qu’il s’agissait du sujet où j’ai le plus de connaissances et d’intérêts par rapport à d’autres sujets que je ne maîtrisais pas trop. Sur le thème du numérique on a parlé notamment des menaces de cyberattaques.

Vous vous êtes réunis pour la première fois à Strasbourg le 17-19 septembre, pourriez-vous nous raconter le déroulement de cette première rencontre ? vos impressions ?

Pour la première rencontre, je me suis rendue à Strasbourg en avion, accompagnée de ma mère. La première journée a débuté avec une séance plénière dans l’hémicycle du Parlement pour présenter l’évènement, permettre aux gens de se rencontrer. S’en est suivi des séances de groupes de travail, d’environ 10 personnes, dans différentes salles du Parlement européen. Les sujets discutés étaient au début les mêmes pour tout le monde, comme par exemple : notre relation à l’Europe, l’importance qu’on y portait ou encore nos différentes connaissances sur les institutions. Les sujets discutés se sont ensuite affinés et différenciés au fil des jours et des séances.

Chaque jour se présentait plus ou moins de la même manière. C’est-à-dire des séances plénières, pour discuter de l’avancement des discussions, parfois l’intervention d’experts qui nous exposaient leur point de vue pour nous permettre d’avoir différentes opinions et nous aider à prendre nos décisions. Puis des pauses-café où nous pouvions discuter et faire connaissance avec les autres participants entre des séances de travail de groupe. Et, enfin, en fin de journée une activité était généralement organisée, comme une balade et/ou un restaurant avec l’ensemble des panélistes.

Vous avez « seulement » 17 ans, l’âge a-t-il était selon vous un désavantage (pour la compréhension, pour s’exprimer ou pour être entendu par exemple) ? Est-ce que cela a pu être aussi un avantage ? Plus largement, qu’avez-vous pensé de ces échanges avec des citoyens de tout âge, issus des 27 Etats membres et de divers horizons ?

Être la plus jeune est, dans mon cas, avoir beaucoup moins d’expérience de vie donc sur la plupart des sujets dont on parlait, je ne savais vraiment pas quoi dire ou quoi en penser. Néanmoins, mon âge me donnait un certain avantage sur des sujets comme le numérique ou la jeunesse, choses auxquelles je suis directement confrontée, qui m’affecte davantage par rapport aux citoyens d’un âge plus avancé. En revanche, je ne pense pas que cela ait pu me porter préjudice sur la crédibilité de mon discours ou sur le fait d’être entendue. Tout le monde avait la possibilité de s’exprimer librement et nos discours étaient pris en compte égalitairement. Il est vrai que pour la compréhension de certains sujets, mon jeune âge a pu être un handicap, je n’avais pas la même expérience et la même capacité à comprendre les choses par rapport aux personnes plus âgées.

Des experts, mais aussi des eurodéputés sont présents lors des réunions, comment se déroulent les débats ? le travail en général ? la communication ?

L’intervention d’experts et d’eurodéputés était là pour nous apporter des informations et des connaissances sur des sujets. Leurs présentations se déroulaient en séance plénière et nous avions évidemment l’occasion de poser nos questions, mais les échanges ne menaient pas à des débats. Les experts sont aussi passés dans nos groupes de travail afin que nous puissions leur poser des questions plus précises sur certains sujets.

Pour ce qu’il s’agit de la communication et de la prise de parole, nous avions chacun un casque audio et nous parlions dans un micro situé devant nous. De sorte que l’on pouvait s’exprimer dans la langue de son choix et les autres participants obtenaient la traduction dans leur langue maternelle en simultanée et inversement.

Après les premières réunions destinées, j’imagine, avant tout à la discussion, au brainstorming, vous commencez petit à petit et ce jusqu’à la fin de la COFOE à émettre des recommandations qui seront présentées, en plénière, aux députés européens à l’issue de la COFOE. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce travail d’élaboration des recommandations. En quoi cela consiste ? Avez-vous un exemple de recommandation à laquelle vous avez participé avec votre groupe ?

Nous nous sommes retrouvés en présentiel du 25 au 27 février à Dublin pour la dernière réunion du panel 1 pour élaborer et voter nos recommandations. Nous avons surtout travaillé pendant ces trois jours en sous-groupes, à chaque fois sur des sujets précis, avec pour objectif de débattre et d’élaborer une formulation précise et concise pour chaque recommandation. Par exemple, j’ai participé à une recommandation pour inciter l’apprentissage des langues étrangères notamment l’anglais dès la maternelle dans le but de renforcer la communication entre tous les citoyens européens. Une fois les recommandations élaborées, nous les avons votés en plénière le dernier jour.

Il y a-t-il eu des sujets particulièrement âpre/disputé ou finalement les panélistes ont facilement adopté une position commune ?

Pas vraiment. Il y avait globalement un consensus sur les recommandations faites. Seuls quelques résolutions ont été refusées au terme d’un vote. Car plus précisément, il fallait qu’une recommandation obtienne 70% des votes pour être retenue. Les revendications qui n’ont pas été adoptées n’avaient elles « qu’ » entre 50% et 60%. Ce qui reste assez élevé en fin de compte. Au total, ce sont 48 recommandations qui ont été retenues autour de cinq grands axes.

A quel point jugez-vous la COFOE comme un événement historique ?

Je ne suis pas encore sûr d’avoir assez de recul pour pouvoir juger l’efficacité ou l’importance de cet évènement. C’est une grande avancée démocratique au sein de l’Union européenne, c’est sûr et certain. C’est la première fois que l’on demande à des citoyens leur avis d’une telle manière, aussi direct sur des sujets aussi variés et précis. Je pense que c’est surtout la prise en compte et la réalisation des recommandations que nous aurons faites qui déterminera si oui la COFOE a été un événement historique.

Une anecdote particulière à raconter ? Un moment qui vous a marqué ?

Oui, cela peut sembler anodin, mais lors des travaux de groupes j’étais assez paniquée et avait du mal à communiquer mes idées ou même à m’exprimer. C’était des moments vraiment stressant ou l’on devait présenter nos idées au reste du groupe, parler dans un micro, choses auxquelles je n’étais pas habituée. Souvent à la fin de mes prises de parole, quelques membres du groupe me souriaient ou me faisaient des gestes de main pour m’encourager ou me montrer qu’ils étaient d’accord avec moi. Les gens dans les groupes étaient très gentils et bienveillants.

Que retenez-vous globalement de cette expérience ?

Cet événement a été source de beaucoup de stress pour moi puisque je devais parler anglais toute la journée à des personnes que je ne connaissais pas. Mais en même temps ça m’a beaucoup plu, j’ai pu parler à une dizaine de personnes d’autres nationalités et j’ai trouvé ça super intéressant de discuter avec eux. En ce qui concerne les séances plénières et les travaux de groupe, la plupart du temps je ne comprenais pas vraiment de quoi on débattait, les sujets étaient assez complexes à comprendre et je n’ai malheureusement pas pu donner énormément mon avis. Cette expérience m’a également apporté de la confiance en moi. D’un naturel assez timide et introverti, l’exercice la COFOE m’a poussé à rencontrer et discuter avec d’autres personnes et notamment d’autres nationalités.

La dernière réunion tenue à Dublin, a eu lieu au même moment où l’invasion de l’Ukraine par la Russie venait de débuter. Avez-vous réalisé une action particulière à ce sujet ?

Effectivement, on a réalisé une grande photo avec toutes les panélistes en soutien à l’Ukraine. Et plus globalement cela était difficile de ne pas aborder le sujet, plusieurs panélistes se sont exprimés à ce propos bien que les organisateurs nous aient rappelé qu’il ne fallait pas perdre de vue l’objectif de ce week-end qui était de finaliser les recommandations pour bâtir l’Europe de demain.

Un grand merci à Gaïa Periard pour le temps accordé à cet entretien.

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